vendredi 22 juillet 2011

Boules puantes ?

Je porte beaucoup d'attention au vocabulaire de nos personnages publics, hommes et femmes politiques. C'est normal : quand on choisit de s'adresser à des millions d'individus, on fait attention à ce qu'on dit. Et puis, je suis comme tout le monde un peu freudien, je pense que les mots que nous employons ne sont jamais innocents, révèlent quelque chose de ce que nous sommes.

C'est pourquoi j'ai été surpris d'entendre l'expression "boule puante" à propos de l'affaire dite "Banon-DSK", impliquant indirectement et involontairement François Hollande. Celui-ci n'a rien à voir là-dedans, c'est évident, mais certains sont soupçonnés de vouloir l'y mêler, dans le but de le discréditer, de ternir son image de présidentiable. C'est de la basse politique, comme il en existe hélas depuis que la politique existe. Mais faut-il qualifier cette manoeuvre de "boule puante" ?

Par le passé, ce genre d'opérations certes nauséabondes n'ont jamais été désignées ainsi, autant que je remonte dans mes souvenirs politiques. "Boule puante", ça fait sale gosse, mauvais tour, farces et attrapes, pas très sérieux, amusement de cour d'école : ce n'est pas au niveau de ce qu'on veut dénoncer, qu'il faut plus précisément appeler amalgame, manipulation, diffamation, calomnie mais pas "boule puante".

Car c'est d'une tentative de viol dont il est question, que certaines personnalités se voient accusées d'avoir su et tû. C'est donc une affaire grave, un soupçon terrible, une atteinte à l'honneur et à la probité. Évoquer des "boules puantes", c'est rabaisser ce qui se passe, l'atténuer, en faire une polémique somme toute légère. Je suis consterné par le relâchement que trahit l'emploi de cette image, qui est tout à fait déplacé. Les "boules puantes" ne réclament pas l'intervention de la loi, ne se traitent pas devant la justice, mais débouchent seulement sur une réprimande à des garnements agités.

Dans ce laxisme langagier, je perçois aussi un refus de la responsabilité : taxer l'affaire Banon-DSK de "magouille" ou de "scandale", ce serait faire usage de termes forts, qui engagent, qui impliquent, dont on peut vous demander de rendre compte. "Boule puante", la formule prête au sourire et à la grimace, on n'en fera pas toute une histoire. Il y a même une dimension ludique dans cette expression, qu'on retient, qu'on répète parce qu'elle est plaisante à prononcer, imagée, évocatrice, quasi folklorique.

Pour les prochaines élections présidentielles, je crains le pire en matière de débat public. Notre société dévalue trop les idées au profit des personnes, des mots et des images, donc au détriment certain de la vie démocratique de notre pays. Rien de bon ne peut sortir de cette situation.

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