lundi 4 juillet 2011

Casanova chez le psy.

L'affaire DSK relancée a évidemment occupé tout le week-end. Quand des historiens et des sociologues, dans plusieurs années, l'étudieront, ils apprendront beaucoup sur notre société. Un fait divers impliquant une personnalité mondialement reconnu a aussi été (et ce n'est pas fini !) un puissant révélateur de la mentalité contemporaine, dans laquelle nous sommes tellement immergés que nous ne nous rendons pas très bien compte de ce qu'elle est.

Par exemple, il a souvent été question, ces dernières heures, de laisser DSK "se reconstruire", justifiant ainsi que ne se pose pas pour lui le problème politique de son éventuel retour et de sa participation aux primaires, puisqu'il aurait "autre chose à penser". Bref, on a psychologisé le personnage et sa situation. On s'interdit de parler à sa place mais on ne se gêne nullement pour entrer dans son cerveau et en disséquer les soi-disant pensées.

Aujourd'hui, à la moindre difficulté, l'être humain est perçu comme "en souffrance", exposé à toute sorte de "fragilités". Il suffit d'une explosion de gaz, même sans morts ni blessés, pour qu'une "cellule psychologique" soit convoquée. Dans la société contemporaine, nous sommes tous plus ou moins "victimes" de quelque chose, réel ou imaginaire. Ce qui est arrivé à DSK, c'est évidemment la totale.

Mais qu'en savons-nous au fond ? Et si DSK, loin d'être effondré comme on aime à se le représenter, était au contraire ragaillardi par l'épreuve, stimulé à défendre son honneur outragé, déterminé à renouer les fils du destin et de ce bel avenir qui lui était promis. Déjà, au jour de son arrestation, mal rasé, bras croisé, avachi sur un banc du tribunal, j'ai senti dans son regard non pas l'abattement mais la colère. Qui sait la puissance de motivation qui peut se dégager d'un homme piégé, trahi, contrarié dans son objectif le plus cher et le plus élevé, conquérir l'Elysée ? Le militant ne renonce jamais, il a en lui une rage qui s'accroît dans la difficulté : tous les cas dignes de ce nom l'attestent.

Ce que nous apprend également l'affaire DSK, c'est que la morale dans notre pays a changé de perspective. Il n'y a pas besoin d'une très longue "enquête de personnalité" (à laquelle s'est pourtant adonné Le Monde ce week-end) pour comprendre l'évolution des moeurs. DSK est ce qu'on qualifiait autrefois, il n'y a pas si longtemps, de "coureur de jupons", ma foi une jolie expression. Or, ce mode de vie est désormais assimilé à une pathologie, l'exacerbation de la pulsion. J'ai entendu des commentateurs estimer que DSK devait se faire "soigner". Casanova à l'hôpital psychiatrique, voilà où en est notre société !

Comprenez-moi bien : je ne défends pas le libertinage, je pourrais tout aussi bien faire l'éloge du mari fidèle. Ce que je ne supporte pas, en tant que laïque, c'est que la vie privée soit jetée en pâture et qu'elle fasse l'objet de jugements publics et politiques. Coureur de jupons ou mari fidèle, il n'y a pas en République à imposer une quelconque éthique : chacun est libre de mener la vie qu'il veut, pourvu que ce soit dans le respect des lois (c'est pourquoi, si le viol était averré, je condamnerais immédiatement Strauss-Kahn).

Décidément, cette affaire DSK n'en finit pas de faire parler, et même de nous traumatiser. C'est normal : elle ne parle pas seulement de lui mais de nous, de ce qu'est devenue notre société, qui n'est, remarquez bien, pas pire que celle d'autrefois, et même meilleur par certains côtés. Ce n'est pas une raison pour nous aveugler et cesser tout esprit critique.

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