jeudi 28 juillet 2011

Chaud, l'été s'ra chaud.

Vous souvenez-vous ? Il y a eu un temps où seuls les vieux craignaient la pluie et le mauvais temps. L'été s'ra chaud ! pensait-on avec certitude, et il l'était en effet, même avec des temps de chien comme cette année. C'était dans la décennie 1970, où la jeunesse se levait pour faire la révolution, pas pour revendiquer des points de retraite en plus ou en moins. C'était l'époque des grands rassemblements politiques estivaux, qu'analyse opportunément Alexis Vrignon dans laviedesidees.fr , au 20 juillet 2 011.

Des vacances politiques ! Le concept a aujourd'hui quasiment disparu. Ces années-là, l'été n'était pas fait pour bronzer mais pour militer. Trois grands noms, trois événements marquent cette glorieuse époque qui terminait les Trente Glorieuses : Le Larzac 1973, Creys-Malville juillet 1977 et Plogoff juin 1980. Il ne s'agissait pas seulement de s'opposer à l'extension d'un camp militaire ou à la construction d'une centrale nucléaire, mais de montrer qu'on voulait aussi changer le monde, et que l'été était la saison appropriée. C'était festif et aussi parfois tragique, comme tout ce qui est sérieux (un mort à Creys-Malville).

En matière de militantisme d'été, il y a deux écoles : la première estime que c'est une erreur d'embêter les français avec la politique pendant leurs vacances, qu'ils ont autre chose à penser, que l'effet est contre-productif, que l'été doit se passer les pieds dans l'eau et non les mains dans la colle des affiches ou la bouche près du mégaphone. Par extension, ceux-là pensent que la politique doit essentiellement se concentrer sur les périodes électorales (évidemment, ceux-là ne sont pas les plus courageux ... mais sûrement les plus électoralistes).

La seconde école accepte volontiers de militer l'été, sur les plages ou n'importe où, parce que, pour elle, la politique c'est tout le temps et partout. C'est l'école gauchiste des années 70, derrière laquelle je me range tactiquement, lui substituant bien sûr le message social-démocrate. Sans être chaud, il suffirait à mon bonheur que l'été soit tiède !

Il faut attendre la décennie 2 000 pour que l'été redevienne politiquement chaud, avec les grands rassemblements altermondialistes, cette fois internationaux. Et maintenant ? Il ne reste plus que les caravanes d'été des partis politiques, l'an dernier les tongs de l'UMP, cette année les primaires du PS. On oublie que c'est Lutte ouvrière, avec d'autres idéaux en tête, qui a lancé cette idée de la caravane politique, qui n'a rien à voir avec le camping.

Depuis longtemps, l'été a cessé d'être chaud. C'est plutôt la rentrée de septembre qui nous est traditionnellement annoncée à température élevée par les syndicats. Nos hommes politiques font tout de même attention à ne plus trop ressembler à des vacanciers pendant leurs vacances. Il est devenu de bon ton de dire qu'on ne part pas ou pas très loin, qu'on garde un oeil sur ses dossiers : plus question de se vanter d'un farniente au bout du monde, même si en secret on y succombe. Les temps ont changé.

Je crois que l'été n'a vraiment plus été chaud le jour où Eric Charden a chanté, sur le mode de la dérision, "L'été s'ra chaud l'été s'ra chaud, dans les t-shirts dans les maillots, d'la Côte d'Azur à Saint-Malo, l'été s'ra chaud l'été s'ra chooooooooo". C'était en 1979 et je n'avais pas bien compris : l'été pour moi était encore chaud, je m'inscrivais en première année de politique et de philo à la fac soixante-huitarde de Vincennes, Paris 8, dans le bois. J'avais, à cause de mon âge, une révolution de retard. Pas grave : un peu plus tard, le réformisme m'a rattrapé.

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