lundi 4 juillet 2011

Défense du bac.

J'ai rendu ce matin, au lycée Michelis à Amiens, un précieux chargement : mes 72 copies de bac corrigées. Les résultats, donc le grand jour, c'est demain matin. Je constate que la polémique après les fuites touchant une épreuve scientifique a cessé. Dans notre société médiatique, un événement en chasse très vite un autre : il y a eu le retour des otages et puis la relance de l'affaire Strauss-Kahn. Du coup, plus rien sur le bac !

Je veux profiter de ce calme relatif pour prendre à ma façon la défense de cet examen, de son organisation, à laquelle je participe depuis 17 ans. Ce qui n'exclut d'ailleurs pas une réflexion sur sa réforme. Mais je veux, en cette veille de résultats, expliquer ce que tout le monde ne sait pas. Beaucoup imaginent le prof solitaire corrigeant dans sa cuisine les copies, inévitablement confronté à une part d'arbitraire, de subjectivité, surtout dans ma discipline, la philosophie. Quand les résultats demain tomberont, certains seront peut-être tentés de justifier ainsi leur échec. Ils auront bien sûr tort et je veux ce soir leur dire pourquoi.

Car la correction des copies est moins personnelle qu'on croit. Certes, il n'y a pas double correction : c'est matériellement et humainement impossible. Ça ne règlerait surtout pas le soupçon (infondé) de partialité : deux peuvent tout aussi bien se tromper qu'un seul. Il faudrait être plusieurs pour se rapprocher de l'objectivité (rêvée). Cette solution, la double correction, est donc une impasse. Elle n'a pas lieu d'être puisque la dimension collective n'est pas absente de l'organisation actuelle mais méconnue. C'est elle que je veux évoquer.

D'abord, dès l'épreuve terminée, des copies-tests sont anonymement prélevées (je m'en suis cette année chargé pour les candidats littéraires de l'académie) pour être discutées lors d'une première réunion des correcteurs, appelée "commission d'harmonisation". Nous discutons des sujets et de quelques critères d'appréciation des copies, à partir de celles sélectionnées.

Ensuite, à la fin de notre période de correction, nous nous retrouvons pour faire le bilan de notre travail, comparer nos notations (moyenne et répartition des points) et relire les copies litigieuses, problématiques, incertaines, dans ce qui est nommé "commission d'entente". Enfin, et c'était ce matin, les jurys se réunissent et délibèrent, reprenant un par un tous les candidats et leurs résultats par matières, examinant les cas où il ne manque que quelques points pour aller à l'oral, avoir le bac ou obtenir une mention. C'est alors le livret scolaire, reflet de toute une année scolaire, qui contribue à se faire un jugement.

Bref, le système est fort bien agencé, mettant toutes les précautions et garanties de son côté, écartant au mieux tout risque de partialité, d'arbitraire, de subjectivité ou tout simplement d'injustice. Certes, il n'y a pas zéro défaut, mais comme la perfection absolue n'est pas de ce monde, autant ne pas y penser. Encore une fois, ma défense du bac n'interdit pas d'envisager un autre mode d'organisation, plus performant ou visant d'autres finalités. En tout cas, pour ce que j'en sais, les élèves qui demain obtiendront leur bac comme ceux qui échoueront l'auront mérité, si tant est qu'un être humain puisse mériter quoi que ce soit en cette vie.

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