dimanche 31 juillet 2011

Fait divers.

L'été, l'actualité locale est plus douce. La tragédie n'est certes jamais complètement absente (voir les accidents de la route, dans l'Aisne, cette semaine). Mais les conflits semblent moins nombreux, comme si le malheur lui aussi était en congés. Pourtant, dans le Courrier Picard d'aujourd'hui, j'ai été marqué par une photographie particulièrement violente, et même, je crois, unique en son genre, une incroyable mise en scène : un homme au visage meurtri pose avec une bouteille d'essence dans une main et un briquet dans l'autre. Le titre est sans ambiguïté sur ses intentions : c'est bien d'un projet d'immolation dont il s'agit !

Le parvis du tribunal de Saint-Quentin, devant le palais de Fervaques, en a vu d'autres : des manifestants avec banderoles, des grèves de la faim, des personnes s'enchaînant aux grilles. Mais une immolation, jamais. Autant les actes symboliques sont compréhensibles en matière d'interpellation de la Justice, autant mettre fin à ses jours ou se blesser grièvement par le feu est un geste hors-norme, sans commune mesure avec l'affaire incriminée, en l'occurrence fort embrouillée (un mariage blanc à base de manipulation familiale débouchant sur un détournement bancaire).

Quelle que soit la gravité du préjudice, le désespoir du plaignant, ses récriminations envers la Justice (il attend une réponse à ses quatre plaintes), elles ne justifient absolument pas cette atroce décision d'immolation, qu'il a fixée à demain. Je suis circonspect : est-ce une façon d'attirer l'attention via les médias, une menace pour faire peur, sans intention de passer à l'acte ? A moins que l'intention soit sincère, motivée par un coup de folie (car l'homme, en dépit de son exaspération, pourrait fort bien faire confiance à la Loi, au travail de la police et aux conclusions des magistrats) ?

Ce fait divers qui trouble notre quiétude dominicale est sans doute révélateur de nouveaux comportements des justiciables, qui s'irritent des "lenteurs" de la Justice (alors que sa précipitation lui serait préjudiciable), qui s'adressent à elle tout en ne croyant pas en elle (ce qui est évidemment contradictoire). Ce sentiment d'injustice, lui-même injuste dans son excès qui va jusqu'au fanatisme, va chercher auprès de la presse un moyen d'expression qu'il ne trouve pas ailleurs, ce qui pose un problème de déontologie journalistique : faut-il relayer ce genre de revendication au risque de lui donner une forme de légitimité ou bien faut-il l'ignorer au risque d'étouffer une injustice ? C'est aussi le statut du fait divers qui interroge : épisode judiciaire qui ne mérite que quelques lignes ou fait de société qui réclame tout un papier ?

En tout cas, espérons que l'article du Courrier Picard alarme les autorités et désarme ainsi l'acte suicidaire prévu pour lundi. Si sa conséquence est celle-là, sa rédaction n'aura pas été inutile.

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