samedi 9 juillet 2011

La petite reine de Coucy.

Les hauteurs de Coucy-le-Château reçoivent ce week-end le championnat UFOLEP cyclosport. Le village médiéval est à son aise dans l'événement : les seigneurs d'autrefois accueillent la petite reine d'aujourd'hui. Et moi j'aime ça : le vélo est avec la boxe les seuls sports qui trouvent grâce à mes yeux assez peu sportifs ! Je pratique l'un sur les routes du Berry et l'autre dans la politique axonaise. Le plus dangereux des deux n'est pas nécessairement celui qu'on croit.

Coucy cet après-midi, c'était un beau succès, la matinée seulement contrariée par une bonne averse et quelques chutes (mais chuter dans le cyclisme, c'est comme échouer en politique : c'est fréquent, il suffit juste de se relever et de repartir). L'UFOLEP étant la plus grosse association affiliée à la Ligue de l'enseignement, j'ai eu l'insigne honneur, en tant que président, de remettre les récompenses aux vainqueurs. Et il y a toute sorte de récompenses comme il y a toute sorte de vainqueurs : médailles, coupes, bouquets, maillots, paniers garnis ... et la bise ou la poignée de main du président par dessus le marché !

Quelle ambiance ! Coucy est envahi pacifiquement, la forteresse n'a plus besoin de défendre sa population. Barbecue fumant, camping-cars et bien sûr des vélos partout. Ce n'est pas vraiment une compétition sportive mais une fête populaire, l'anti-Tour de France. J'aime le vélo parce que cette activité n'a rien de fanatique même si elle exige une volonté de forçat. Elle est surtout profondément ancrée dans notre imaginaire national, elle est en ce sens-là, élevé et fondamental, très politique.

Ca tombe bien : dans Philosophie magazine de cet été, Laurent Jalabert dialogue avec Jean-François Balaudé, philosophe et cycliste. Celui-ci explique que son sport favori repose sur deux principes : hyperbolique ("on est conduit, par la logique de l'effort, à aller jusqu'au bout de soi-même") et agonistique ("la recherche du dépassement de soi-même ne s'atteste que dans la confrontation avec les autres, qui permet de mesurer sa propre valeur").

Finalement, les deux principes se retrouvent en politique. Car qu'est-ce qu'un homme politique ? Un boxeur (principe agonistique : s'affronter aux autres)) qui chevaucherait une bicyclette (principe hyperbolique : aller au bout de soi)) ! C'est pourquoi tellement se cassent la gueule ...

Je ne résiste pas à vous offrir deux derniers extraits de la pensée de Jean-François Balaudé. D'abord sur le cyclisme et la beauté :

"Il m'arrive, même lorsque je suis dans une course, d'éprouver un vrai plaisir esthétique à contempler le paysage, en passant au-dessus d'un col ou en contournant un lac. Cela peut participer également de cette expérience de la sortie de soi, le sentiment d'être un avec ce que l'on voit".

Enfin sur le cyclisme et la mort :

"Cette expérience des limites n'est pas sans rapport avec la familiarisation avec la mort. On touche du doigt à ce moment-là quelque chose qui est de l'ordre de l'inconnu : un au-delà de soi, un état en somme où l'on ne serait plus. Le fait de toucher ces limites de conscience et de souffle dans l'effort extrême, c'est déjà se préparer, non par épuisement, mais par excès de vitalité, à passer de l'autre côté".

Faites du vélo, vous deviendrez philosophes, et aussi politiques. Le plus compliqué des deux n'est pas nécessairement celui qu'on croit.

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