jeudi 14 juillet 2011

Les grands enfants de la République.

C'est quoi le 14 juillet ? Le défilé militaire, le bal aux lampions et le feu d'artifice. C'est la sainte trinité de cette républicaine journée, la plus républicaine de l'année. En voulant supprimer le défilé militaire, Eva Joly gâche notre 14 juillet ! Comme si un chrétien voulait priver le Père et le Fils du Saint-Esprit ! Le 14 juillet, c'est la fête des enfants de la République et de tous les enfants : pétards pour une fois autorisés !

Pour sacrifier à la tradition, je suis donc allé ce matin voir passer le défilé. Et j'ai de la chance : dans ma ville de Saint-Quentin, qui n'est que moyenne, il y a un vrai, beau et grand défilé, comme à Paris, comme dans les grandes villes, avec des chars dans les rues (bon, un seul char, et ancien modèle, mais c'est mieux que rien) et même des avions dans le ciel, et pas n'importe lesquels, la Patrouille de France lâchant ses fumées tricolores.

Il ne manquait qu'un chef d'Etat, mais nous avions son représentant, le sous-préfet Jacques Destouches. Et le gouvernement, c'étaient les adjoints et élus du conseil municipal ! Vincent Savelli, vice-président de la communauté d'agglomération, tranchait sur le gris officiel des VIP avec son costume beige et un parapluie-parasol capable d'abriter tout un régiment.

Trois hommes ont permis la bonne organisation et la haute tenue de ce défilé. D'abord Pascal Cordier, micro à la main et boîtier aux côtés, qui ressemblait à un syndicaliste à mégaphone, la virulence en moins. Mais ce n'était que le Léon Zitrone de la matinée, commentant avec précision et compétence les prestations terrestres et célestes.

Ensuite Jean-Claude Decroix, notre indispensable maître des cérémonies, sans lequel le défilé serait cul par-dessus tête, Freddy Grzeziczak, simple adjoint, cachant Monique Ryo, première adjointe, ou les militaires descendant le boulevard Gambetta au lieu de le remonter. Grâce à celui que Christian Huguet appelle "Monsieur le Grand Chambellan", ces désordres ont été évités, le protocole a été scrupuleusement respecté.

Enfin Fabrice Leroy, en bel uniforme de la police municipale, veillant avec autorité et souplesse que la population en liesse ne déborde pas trop sur la chaussée. Un accident est si vite arrivé ... A chaque avertissement qu'il donnait aux récalcitrants et imprudents, c'est comme si une tirade de slam était interprétée, ce qui aide bien à se faire obéir (pour ceux qui l'ignorent, Fabrice Leroy est un slameur patenté).

Ce défilé saint-quentinois n'était pas d'un militarisme sophistiqué mais avait des airs familiers, avec des uniformes qu'on croise dans la vie quotidienne : gendarmes, policiers, infirmiers, pompiers, le tout entraîné par la fanfare municipale. Un deux un deux un deux, pin pon pin pon pin pon. Les enfants étaient ravis, les adultes aussi. Il y avait quand même des vrais militaires comme dans les guerres, avec du kaki et des gros fusils, des petits soldats comme ceux avec lesquels je jouais étant enfant, mais en beaucoup plus grands.

Le 14 juillet est également l'occasion d'un incroyable contraste : d'un côté la rue qui avance au pas cadencé, les corps uniformisés, de l'autre côté les trottoirs désordonnés, bigarrés, le peuple qui vient saluer son armée, la ferveur républicaine qui sent d'instinct que la liberté, l'égalité et la fraternité se protègent aussi avec des armes. David Boileau regardait passer les troupes avec la satisfaction conjuguée du commissaire de police et du jeune marié.

On croit généralement que ce genre de démonstration martiale manifeste une virilité qui exclut les femmes. Faux ! Les dames étaient à leur place et dans le rang, certes moins nombreuses que les hommes, mais le temps viendra. Elles avaient même leur originalité, policières à cheval de fière allure, dominant la foule, et militaires de charme de l'US Army qu'on croyait sorties d'un vieux film.

Dans le public, les jeunes de l'EPIDE et les enfants des centres sociaux Neuville, Europe et Champagne-Artois n'étaient pas les derniers à s'enthousiasmer, les uns entonnant avec entrain une Marseillaise devant le monument aux morts, les autres agitant des petits drapeaux tricolores tout au long du parcours. Il ne manquait que le beau temps : petite pluie, ciel gris, vent frisquet, j'ai fait remarquer à Jean-Luc Tournay, secrétaire de section du Parti communiste, que ce n'était pas encore aujourd'hui qu'on verrait la révolution !

Quand les avions sont passés au-dessus des têtes, mirages, bombardiers, biplans de la Seconde guerre mondiale, Pascal Cordier a demandé que les bras se lèvent et que les mains s'agitent, pour faire coucou aux pilotes, comme lorsque passent un train de voyageur dans la campagne ou un car de touristes japonais en ville. Le speaker nous a assuré que de là-haut nos saluts étaient vus.

La grande échelle des pompiers a terminé le défilé et déchaîné les applaudissements. Ce camion rouge vif, c'était celui de mon enfance, comme les soldats de plomb, comme les motards en miniature, devenu lui aussi géant. A n'en pas douter, le 14 juillet, c'est la fête des grands enfants de la République.

Avant de vous quitter, j'ai une nouvelle à vous annoncer, un heureux événement : au retour du défilé, j'ai jeté un coup d'oeil à mon pot (voir le billet de dimanche dernier) et je l'ai aperçue, minuscule, fine, mignonnette, à peine une tête d'épingle, point vert sortant de terre, une pousse, la vie ! C'est ma première fleur issue du ticket ensemencé et biodégradable distribué par la communauté d'agglomération de Saint-Quentin, je l'appellerais Marianne, née un 14 juillet !

Aucun commentaire: