mercredi 20 juillet 2011

Une histoire de bagnole.

Déjeuner aujourd'hui avec un ami amiénois, ouvert, intelligent, de gauche. J'essaie depuis des années d'en faire un socialiste (il l'est de coeur mais pas de carte). Depuis des années, il hésite et résiste. A chaque fois, il me sort un nouvel argument pour ne pas adhérer. Au dessert, j'ai cru que mon affaire était cette fois bien engagée quand il m'a parlé, en d'excellents termes, du nouveau président socialiste du conseil général de la Somme, Christian Manable, qu'il connaît bien et que je ne connais pas.

Mon ami me confie qu'il a été impressionné par une décision de Manable, aux lendemains de son élection : refuser la belle voiture de fonction qu'on lui proposait pour en garder une, plus modeste. Mon ami m'a donné les marques respectives des deux véhicules, qui ne m'ont rien dit et que j'ai aussitôt oubliées, n'étant pas du tout "bagnole". Et mon ami de conclure : "Quand tous les socialistes seront comme lui et feront ça, je deviendrai socialiste". Une fois de plus, ma tentative de le faire adhérer avait échoué, alors que je me sentais près du but !

J'ai pourtant contre-argumenté sévèrement : cette histoire de bagnole, c'est de l'anecdote, il ne faut pas juger un politique sur son automobile mais sur sa politique. A la limite, c'est complètement démago : une vie austère ne garantit pas de bons résultats. Mais je n'en menais pas trop large, l'ami me sachant strauss-kahnien, donc supporter à ses yeux d'un homme friqué menant grand train de vie.

Mon ami est sympa et sincère, à bien des égards représentatif d'une certaine gauche profonde, instinctive. Je ne partage pourtant pas sa démonstration mais je peux comprendre sa réaction. Je la crois révélatrice d'un nouveau comportement de l'électorat de gauche envers ses élus et dirigeants, mais aussi d'une évolution générale des mentalités par rapport à la politique : on ne juge plus trop les hommes sur leurs idées mais sur leurs modes de vie. C'est la société de l'image qui veut ça, ainsi que la valorisation de la morale et de la psychologie au détriment de l'idéologie.

Je déplore cet état de fait mais je suis bien obligé de l'accepter après l'avoir constaté. Et puis, en toute chose il faut par principe retenir le côté positif : demander à des élus ou responsables de gauche de ne pas se couler dans une vie trop bourgeoise, avec grosses bagnoles, bons restau, vins fins, costards de frimeurs, vacances à l'étranger, en tout cas ne pas faire un étalage public d'une existence qui n'est pas celle de notre électorat, cette réclamation a du bon, est vertueuse.

Et j'ajouterais : c'est désormais électoralement payant. Quand je vois dans mes réunions le rejet fréquent et violent du cumul des mandats et des indemnités, je me dis qu'il va falloir que nous, socialistes, nous nous mettions au diapason, que cela nous plaise ou non. Il ne s'agit bien sûr pas de tomber dans le puritanisme mais de mettre en conformité les convictions et les modes de vie. Peut-être qu'alors, au prochain déjeuner avec mon ami amiénois, j'en ferai un socialiste ...

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