mercredi 27 juillet 2011

Vive Lagardère !

Une vidéo fait en ce moment le buzz, comme on dit, sur le net : on y voit l'un des hommes les plus puissants de France, Arnaud Lagardère, patron d'un groupe média international de 27 000 salariés, pesant 3,6 milliards d'euros, flirter avec sa fiancée, lui la couvrant de baisers, elle le dominant d'une tête du haut de ses cuissardes, puis se vautrant tous les deux sur un canapé. La scène, fun et sexy, provoque un petit scandale : est-ce une façon de se tenir lorsqu'on est un homme-clé de l'économie française, un personnage public au même titre qu'un ministre ou qu'un élu de la République ?

J'avoue, au contraire, que cette exhibition me fait jubiler et que j'applaudis ses protagonistes ! Qu'un individu parmi les plus sérieux au monde, ou censé l'être, brise ainsi son image, rompt avec le conformisme qu'on attend de lui, fait un pied de nez à sa classe sociale, avoue son amour à sa belle, joue les coquins avec elle, c'est formidable et, d'une certaine façon, révolutionnaire. Les riches aussi ont le droit de se révolter : Arnaud Lagardère ne veut manifestement pas endosser le rôle dans lequel on l'enferme. C'est un fil à papa qui veut tuer ce père à qui depuis toujours on le compare sans qu'il puisse jamais l'égaler.

Alors Arnaud s'amuse, se moque de lui-même, prend de la distance avec son statut, le temps de l'enregistrement d'une vidéo. Il fait parler ce qui l'intéresse sans doute le plus au monde : son coeur, sa vie privée. Qui ne le comprendrait pas ? Je suis persuadé que cet homme, écrasé par l'énorme pouvoir économique qui est le sien, a envie de s'en libérer, momentanément, par la dérision et une forme de ridicule volontaire. Ce grand bourgeois est un être aliéné, qui doit traîner son ennui dans de très emmerdants conseils d'administration.

Ce que j'apprécie dans cette vidéo, c'est que sa mise en scène est parfaitement assumée, caméras et photographes visibles. Aucune volonté de tricher, de séduire, de manipuler mais la vérité d'un couple beau, jeune, riche, amoureux qui éclate à l'image. Arnaud a tellement dû mentir, cacher, faire semblant dans sa vie de riche héritier, qu'il décide pour une fois, en quelques minutes, de se lâcher, de rire, d'exposer ses sentiments. Comment ne pas l'en féliciter et l'encourager ?

Ce faisant, Arnaud Lagardère rejoint son homonyme, le héros du Bossu imaginé par Paul Féval, le chevalier Henri de Lagardère, amoureux fou et aventurier toujours prêt à batailler. "Si tu ne viens pas à Lagardère, c'est Lagardère qui viendra à toi !" Eh oui, Arnaud a fait aussi bien qu'Henri, sans cape ni épée : il est venu à nous par l'intermédiaire de nos écrans domestiques, a bousculé nos mentalités spontanément moralisatrices, s'est déjoué du puritanisme ambiant, a choisi de choquer le bourgeois. Tous à cheval, et au galop : vive Lagardère !

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