samedi 31 mars 2012

Mélenchonisation.

Alors, cette campagne électorale à Saint-Quentin ? Plutôt calme. A droite, après la venue de Nicolas Sarkozy, on ne peut guère faire mieux. A gauche, le Front de Mélenchon est actif : deux réunions publiques, un local pour les législatives, des communiqués de presse ... Côté socialiste, Jean-Marie Le Guen est attendu pour un débat sur la santé. Freddy Grzeziczak n'est pas en reste : il a cédé à la blogomania, après Anne Ferreira, Stéphane Monnoyer (en panne) et Antonio Ribeiro (explosé). Dans la presse locale de ce matin, Freddy est en photo avec ses amis de Debout la République, dont un ancien socialiste. Malin : en politique, il faut se montrer entouré, surtout quand on n'est pas très nombreux.

L'Aisne Nouvelle a choisi la métaphore maritime : "La vague Mélenchon déferle dans l'Aisne". Nationalement, j'ai déjà dit que je m'en réjouissais. A Saint-Quentin, c'est autre chose, je suis un peu inquiet. Mélenchon est utile à la gauche là où le parti socialiste est fort, car il y a alors complémentarité. Ailleurs, je crains que le Front de gauche nous pique des voix. C'est le cas chez nous. La gauche locale étant sur une ligne plutôt radicale de par les alliances avec l'extrême gauche, c'est plus de ce côté-là que risque de pencher l'électorat, peut-être au détriment de Hollande. Auquel cas le résultat des présidentielles augurerait mal de la suite pour les socialistes, aux législatives de juin.

C'est d'autant plus embêtant que la gauche est éclatée. Pas moins de cinq candidats pour le moment, éventuellement un sixième avec le NPA. Le risque, c'est celui que le PS a connu aux trois dernières élections locales, législatives, municipales et cantonales : être éliminé au soir du premier tour. Je ne suis pas sûr que Guy Fontaine, candidat Front de gauche, mordra vraiment sur l'électorat FN (ce serait bien) mais plutôt sur celui du PS (ce serait fâcheux). Enfin, il faudra être attentif au match Bécourt/Fontaine qui aura un impact décisif sur les prochaines municipales, quand le PS devra rediscuté de ses alliances. En espérant que ce ne sera pas le bin's de la dernière fois.

vendredi 30 mars 2012

Clic clac.




Je ne voyage jamais, je ne quitte pas la France. Ma frontière la plus lointaine, c'est le Berry. Voyager, surtout à l'étranger, c'est pourtant le signe d'appartenance culturelle et sociale des classes moyennes, dont je fais forcément partie. La preuve que non. Mes amis bourgeois (petits, je n'en connais pas de grands) font des séjours réguliers à l'étranger, pas nécessairement à l'autre bout du monde ni dans des conditions très coûteuses. Moi je reste sur place, heureux comme ça. J'ai quand même un passeport, ancien, que j'ai dû faire renouveler cette semaine. Car voilà : pour des raisons professionnelles, je dois me rendre dans quelques semaines en Afrique.

Cette petite procédure administrative m'a appris et confirmé plein de choses. Il y a vingt ans, la photo de mon passeport venait d'un photomaton, pris à la diable, sur fond bleu, moi souriant comme une baleine, me tenant n'importe comment. A la mairie de Saint-Quentin, on m'a conseillé, pour plus de sûreté, de passer par les services d'un photographe. Je suis allé rue du Gouvernement. De quand date ma dernière photo prise chez un professionnel ? Peut-être de ma communion solennelle ! Je pensais même que les photographes, ça n'existait plus ! Pourtant, quand j'étais gamin, je voulais être photographe, parce que j'avais reçu en cadeau un Polaroïd (avec la photo qui sort de l'appareil juste après avoir été prise).

Je croyais qu'il fallait prendre rendez-vous, que j'allais entrer dans un studio avec un décor en carton et un tabouret très haut pour s'asseoir, qu'il faudrait attendre quelques jours avant d'avoir les photos. Rien de tout ça. Je me suis pointé sans prévenir, la dame m'a demandé de m'installer sur un siège à côté du comptoir, clic clac c'était plié en quelques secondes, plus quelques autres secondes pour avoir les clichés. Je n'en revenais pas. Le passage chez le photographe est à l'image de notre société : tout va très vite là où autrefois, il n'y a pas si longtemps, l'attente était obligatoire. Nous vivons désormais dans l'immédiateté, l'urgence. Aller chez le photographe a perdu de sa solennité.

En même temps, pour la photo d'identité du passeport, les conditions sont beaucoup plus strictes. Plus question de sourire, d'avoir la tête un peu de profil, avec un joli rideau bleu plissé au fond (en vignette, le résultat). Je vais recevoir un beau passeport "biométrique", infalsifiable paraît-il. La mondialisation, le terrorisme et la peur sont passés par là. Tout est aujourd'hui contrôlé, millimétré, informatisé. On en vient à oublier qu'avant ce n'était pas du tout comme ça, plus lent, plus libre. Mieux ? Je n'en sais rien. Différent c'est sûr. C'est fou comme le simple renouvellement d'un passeport peut faire réfléchir ...

jeudi 29 mars 2012

Pourquoi lui et pas elle.

Il y a quelques mois, la chose était entendue : Eva Joly avait les faveurs de l'opinion, Jean-Luc Mélenchon paraissait ringard. Les dernières élections en faisaient foi : le vote progressiste moderne, c'était le vote écolo. Les accords électoraux entre PS et EELV l'attestaient. C'est à n'y rien comprendre : les prévisions se sont exactement inversées ; les 14% légitimement espérés pour les Verts sont raflés par le Front de gauche. Incroyable : cette coalition constituée par une poignée de dissidents socialistes et un parti communiste marginalisé écrase aujourd'hui complètement EELV.

Pourquoi Mélenchon émerge-t-il, pourquoi Joly s'effondre-t-elle ? Les thèmes écologistes sont pourtant dans l'air du temps alors que le lyrisme révolutionnaire du candidat Front de gauche semble suranné. La première réponse est dans le choix des personnes. Ce n'est pas faire injure à Eva Joly de dire qu'elle est une mauvaise candidate, comme je serais un mauvais trésorier si on me confiait cette responsabilité. Je n'ai jamais compris qu'on puisse refuser à la politique certaines compétences, tactiques, oratoires, idéologiques, communicantes, dont Mélenchon est richement pourvu, dont Joly est mal dotée. Quoi qu'on dise, il y a une influence des personnes, de bons et de mauvais candidats.

Ce qui pose une autre question, celle de la place qu'on attribue aux uns et aux autres, ou qu'il choisisse de s'attribuer à eux-mêmes. Eva Joly a été un magistrat remarquable, performant, médiatique. Mais en politique, ses qualités professionnelles se sont dissipées. La compétence dans un domaine ne se transfère pas automatiquement dans un autre. Joly n'est pas la seule dans ce cas. José Bové a subi le même revers : personnalité mondialement rayonnante mais piètre candidat à la dernière présidentielle, à tel point que tout le monde a oublié son score et sa campagne d'alors.

Jean-Luc Mélenchon a su s'inventer un personnage, l'exact opposé de François Hollande dans la posture : le candidat socialiste se définit par rapport à lui-même et pas par rapport aux autres, il est offensif mais positif. Nicolas Sarkozy veut l'entraîner dans la bagarre, la polémique, il n'y entre pas, laisse passer les coups, se recentre sur ses positions. Jean-Luc Mélenchon, lui, clive en permanence, son affrontement le plus spectaculaire l'opposant à Marine Le Pen. Cette odeur de poudre, ce goût du combat réveillent l'électorat de gauche, le mobilisent, rencontrent toute une partie de son imaginaire. Hollande, c'est à gauche son double inversé : sage réformiste, efficace social-démocrate, socialiste raisonnable. Ils sont complémentaires : à eux deux, ils peuvent créer la dynamique qui renversera Nicolas Sarkozy. Sans Eva Joly, dont la candidature n'arrive pas à capter les préoccupations qu'elle devrait pourtant représenter.

mercredi 28 mars 2012

Des camarades qui doutent.

Jean-Luc Mélenchon monte en puissance, François Hollande perd quelques points, Nicolas Sarkozy en gagne quelques autres, un sondage place pour la première fois le président de la République en tête au premier tour, ça suffit pour faire parler, cogiter et douter. C'est normal, c'est humain mais ce n'est pas politique. Il n'y a aucune raison sérieuse de douter : François Hollande est toujours donné largement gagnant au second tour.

Et puis douter de quoi ? De la victoire ? Ce sont les Français qui en décideront, n'anticipons pas leur choix. Douter de soi, du candidat que s'est donné le parti socialiste, de sa ligne politique ? Non, sûrement pas, sinon il faudrait douter de tout, en permanence, au moindre soubresaut, qui sont nombreux en politique. Aux camarades qui doutent, je conseille de reprendre confiance en eux, en leur candidat, en leur parti. Il n'y a pas de place pour le doute en politique. Quand l'action est lancée, il ne faut rien changer, ni ralentir le rythme, ni l'accélérer, et surtout pas modifier sa stratégie en cours de partie.

Si je rappelle tout ça, c'est que Marie-Noëlle Lienemann, représentante de l'aile gauche du PS, a exprimé aujourd'hui publiquement des doutes sur la campagne de François Hollande, demandant "un nouveau tempo, un nouveau souffle, une nouvelle étape". Ce n'est vraiment pas le moment, à moins d'un mois du scrutin ! On ne va pas refaire le débat de la primaire. Entre la social-démocratie incarnée par Hollande et la gauche plus traditionnelle de Martine Aubry (qui avait bien sûr la préférence de Lienemann), c'est la première option qui a été choisie : n'y revenons pas.

Marie-Noëlle va trop loin : "Les choix faits ces dernières semaines n'ont pas été des choix d'affirmation forte", dit-elle. Moi je trouve que oui, que Hollande a tracé un sillon très précis, avancé des mesures qui ont marqué, qui ont fait date, qui ont provoqué le débat (je pense en particulier à la taxation des grandes fortunes). Elle ajoute : "Il y a besoin (...) de répondre aux questions que se posent les Français". Mais François n'a jamais cessé de le faire !

Dernier doute, dernière suggestion de Lienemann : "Il faudra bien travailler à des convergences avec nos alliés". Elle pense à un rapprochement avec Mélenchon avant ou entre les deux tours. Non, et Hollande a été très clair là-dessus : pas de négociations, car ce n'est pas dans l'esprit de cette élection (les législatives, c'est différent). A la présidentielle, chaque candidat défend ses idées et au second tour il y a soutien à celui qui arrive en premier, sans compromis, sans discussion préalable. Après, s'il y a victoire, il sera normal que toutes les forces qui y auront contribué participent au gouvernement. En attendant, il faut garder le cap, ne rien changer du tout à la ligne adoptée, être indifférent aux événements et aux remarques bien intentionnées des camarades qui doutent.

mardi 27 mars 2012

Le monde de l'étrange.

La quatrième circonscription législative de l'Aisne est la plus à gauche du département, mais il y a longtemps qu'elle n'a pas élu de député socialiste. En juin prochain ? C'est possible, quoique la situation soit passablement compliquée. Jacques Desalangre passe la main : son successeur désigné c'est Frédéric Alliot, qui évoque dans L'Aisne Nouvelle de ce matin un étrange "droit de suite". Non, il n'y pas de "suite" dans une élection : un mandat se termine, un autre commence, c'est le peuple qui en décide, le pouvoir en République ne se transmet pas.

Autre étrangeté : le positionnement politique de Desallangre et Alliot dans la présidentielle. Depuis plusieurs années, l'un et l'autre campent à la gauche du parti socialiste, proches du PCF. Très bien, pourquoi pas, chacun ses idées. Logiquement, ils devraient suivre la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Mais non, c'est François Hollande qui a leurs faveurs. En tant que socialiste, je m'en réjouis. Mais je ne peux pas m'empêcher de m'interroger et de trouver ce choix étrange, en termes de cohérence.

Étrange aussi la décision du PRG, parti radical de gauche, de soutenir Alliot et pas la candidate du parti socialiste. Celle-ci, Marie-Françoise Bechtel, est membre du MRC, mouvement républicain et citoyen (chevènementiste), auquel la circonscription a été réservée. Le PRG, pour justifier son choix, affirme qu'il a un accord avec le PS, pas avec le MRC ! Ca ne tient pas : les accords sont toujours bilatéraux, le PS attribue des circonscriptions à ses alliés, qui le soutiennent partout ailleurs. La suppléante de Frédéric Alliot est radical de gauche : ceci explique sans doute cela ...

Dans la quatrième, la candidature du conseiller général Jean-Luc Lanouilh me plaît bien. Il a pour lui la constance, la cohérence et la sympathie. Mais ses idées, Front de gauche, ne sont pas tout à fait les miennes. Et s'il faut laisser parler le coeur, Marie-Françoise Bechtel m'est proche puisque agrégée de philo (pas si fréquent en politique). De plus, elle a tenté sa chance par le passé dans mon rude Berry : ça crée des liens ... A vrai dire, il faut proscrire le coeur dans nos choix politiques, de même que les intérêts personnels, et en rester à la raison qui veut qu'un socialiste soutient et vote pour le candidat socialiste, quel qu'il soit.

lundi 26 mars 2012

Pas la sécurité.

Jusqu'à la semaine dernière, la campagne des présidentielles se passait plutôt bien, à un niveau tout à fait correct. Chaque candidat avançait ses propositions, droite et gauche offraient des profils marqués : c'est tout ce que demande la démocratie. Les questions économiques et sociales étaient prioritaires, comme l'exige la situation de notre pays. Et puis est venue la tragédie de Toulouse, et tout semble avoir hélas changé : le thème de la sécurité revient au galop. Je dis non, stop, ça suffit, on a déjà donné par le passé, tout particulièrement en 2002 qui a vu Lionel Jospin injustement attaqué sur ce sujet, jusqu'à être disqualifié par l'extrême droite. Une honte pour notre pays ! Je ne souhaite vraiment pas qu'on retrouve un climat aussi détestable.

L'affaire Mohamed Merah n'est pas politique mais policière : elle n'a pas à faire l'objet d'un débat, ni directement ni indirectement. Quant à la sécurité ordinaire des citoyens, c'est la préoccupation et le travail des professionnels, qui doivent simplement en avoir les moyens. La politique discute des choix en matière d'emploi, de logement, de santé, d'industrie, de commerce, de politique étrangère où il y a suffisamment à aborder. La sécurité intérieure n'est pas de son ressort. Elle relève de la gestion normale de la société, l'application des lois, la sanctions des crimes et délits : il n'y a pas en l'espèce une façon de droite et une façon de gauche. Il faut absolument dépolitiser le thème de la sécurité.

Mais l'extrême droite en parle et en fait son beurre (rance) ? Raison de plus pour ne pas en parler et le lui laisser. L'argument qui consiste à reprendre les thèmes de l'extrême droite pour combattre l'extrême droite m'a toujours laissé pantois. Le FN, c'est le vote de la peur et le vote qui fait peur : il suffit de regarder la tête de Marine Le Pen et d'écouter ses propos pour s'en convaincre. Laissons lui cet ignoble commerce de la peur, laissons cette femme et les siens à leur déshonneur, parlons d'autres choses, il y a tant à dire, mais surtout pas de la sécurité !

La droite est pourtant tentée de refaire le coup qui lui a tellement profité. La gauche est tentée elle aussi d'en rajouter, de faire de la surenchère, de prendre sa revanche sur 2002. Mais la droite n'a pas de leçons à administrer : elle est au pouvoir depuis dix ans, Nicolas Sarkozy a été ministre de l'Intérieur puis président de la République et le sentiment d'insécurité est toujours là. La gauche n'a pas de complexes à avoir ni de preuves supplémentaires à donner : depuis Jospin, en matière de sécurité publique, elle a fait son travail et son devoir. Reprenons le fil de la campagne tel qu'il a été légitimement suspendu la semaine dernière, débattons d'économie et de social et la campagne bien commencée sera, à moins de quatre semaines du premier tour, bien continuée.

dimanche 25 mars 2012

Un préjugé de classe.

Il y a eu une opinion commune qui veut que le Front national attire le vote des ouvriers comme autrefois le Parti communiste, que l'un a en quelque sorte pris la place de l'autre dans l'électorat populaire. Une note du Huffington Post corrige et contredit ce qui apparaît alors comme un préjugé. Dans son édition du 24 janvier, le démographe Hervé Le Bras rappelle que les intentions de vote FN pour la prochaine présidentielle sont de 35% chez les ouvriers, ce qui est beaucoup mais pas majoritaire. Mais l'estimation doit être affinée :

Au dernier recensement, les ouvriers constituent 24% de la population active (6,6% millions de personnes), qui représentent 13% de l'électorat. 35% des ouvriers votant FN, cela signifie en terme de suffrages 4% du total. Si l'on s'appuie sur un possible score de Marine Le Pen entre 17 et 21%, les ouvriers forment donc entre un quart et un cinquième de ses électeurs. Conclusion de Le Bras : "Qu'une proportion importante d'ouvriers vote FN ne signifie pas qu'une proportion importante des votes FN provient des ouvriers".

Le démographe souligne que nous sommes trompés par la comparaison abusive entre deux courbes, l'une descendante, celle du vote communiste, et l'autre ascendante, celle du vote frontiste. Or, le lien entre classe ouvrière et vote communiste a toujours été "faible" (c'est le mot même de Le Bras, et les résultats électoraux à Saint-Quentin en sont par exemple une illustration). Quant à la géographie électorale du FN, elle est complètement différente de celle du PCF. L'idée selon laquelle les ouvriers communistes voteraient désormais à l'extrême droite est par conséquent une légende noire.

L'opinion française est très largement influencée par les classes moyennes, qui veillent à ne pas être confondues avec les classes populaires (d'où leur peur du "déclassement", leur hantise de se retrouver au même niveau social que les ouvriers, peur largement fantasmée). Ces classes moyennes, qui sont moyennement cultivées, s'attribuent pourtant le privilège de la raison, contre une classe ouvrière qui se laisserait facilement aller à la démagogie frontiste par défaut d'instruction. Mais la vérité est bien différente du préjugé de classe qui rejette le péché d'extrême droite sur les milieux populaires : l'électorat de Marine Le Pen est majoritairement issu des classes moyennes, pas de la classe ouvrière.

samedi 24 mars 2012

Bin mon côlon ...



J'étais cet après-midi l'invité de l'hôtel Acloque, à Amiens, pour y donner une conférence sur Jean-Jacques Rousseau, dont nous fêtons cette année le tricentenaire de la naissance. Ce magnifique hôtel particulier est situé non loin de la maison de Jules Verne. Les propriétaires, un couple charmant, m'ont fait visiter leur bâtisse, dont l'intérieur est meublé comme un petit château.

Le monsieur est antiquaire, "marchand de tableaux" me précise-t-il très honnêtement. Chez lui, avec lui, on se sent plus calme, plus intelligent, un peu hors du temps. Il a tenu à me montrer une toile d'Edouard Pingret, natif de Saint-Quentin, représentant je ne sais plus quel roi ou prince se rendant au pèlerinage à la Vierge noire de Liesse-Notre-Dame, près de Laon. J'en toucherai un mot à notre conservateur du musée Antoine-Lécuyer, Hervé Cabezas, qui pourrait bien être intéressé par l'acquisition. Au passage, j'ai appris que l'hôtel Acloque possédait il y a quelques années un pastel de Maurice-Quentin de La Tour. Ceci dit, je n'étais pas là pour parler art mais philo ...

Nous avons devisé dans la serre, au milieu des plantes, ce qui est un lieu d'inspiration quand on veut évoquer la pensée de Rousseau. En sortant, comme il faisait très beau, je suis allé faire un petit tour du côté du centre ville, et je suis tombé, dans la rue principale, sur ça (en photo, pour que vous n'en doutiez pas). C'est une chose innommable, immonde, qui barrait grossièrement la chaussée, qu'on ne pouvait absolument pas éviter : une sorte de gros boudin rose vilain par lequel des gens (assez nombreux) entraient et sortaient. C'était vraiment très laid. C'est ce qui s'appelle, dans le langage d'aujourd'hui, une "structure gonflable". Moi ça me gonfle.

Comme je suis curieux de nature, que même la bêtise m'intéresse et m'intrigue, je me suis rendu dans cet étrange tunnel. A l'entrée, il y avait des sortes d'hôtesses habillées en orange fluo criard (tout ce qui se voit est à la mode, tout ce qui crie, même les grévistes se mettent maintenant des gilets jaune fluo, notre époque a peur de tout sauf du ridicule). Je vois un panneau avec ce mot : "Côlon". Je ne comprends pas tout de suite. Non, ce n'est pas le colon qui fait suer le burnou, c'est celui qui prend un chapeau de chinois sur son o et ça change tout ! Les hôtesses m'expliquent qu'il s'agit d'une opération de prévention contre le cancer. Le gros boudin rose, c'est un côlon géant dans lequel on m'invite à entrer !

Il m'arrive parfois d'être faible, je me suis laissé faire, j'ai été absorbé par le boyau. Un énorme côlon, quelle idée ! Au début, les parois du tuyau sont toute lisses. Parvenu à mi-parcours, une protubérance hideuse coupe le passage, une espèce de moignon qui ne ressemble à rien d'humain : vous venez de faire connaissance avec votre cancer du côlon, qui n'est pas très engageant. Tout au long du trajet, j'avais l'impression d'être une merde en circulation dans l'intestin.

Ouf, la sortie est quand même rapide, le côlon a une fin. Mais ce n'était pas complètement fini : j'ai dû remplir un questionnaire et on m'a offert en cadeau, pour me remercier d'avoir participé, une de ces boules de caoutchouc qu'on malaxe dans la paume de la main et qui servent à déstresser. J'en avais besoin, en effet. Et la boule représentait quoi ? Un morceau de côlon ! (encore une fois, ça peut paraître fou mais je n'invente rien).

J'approuve entièrement les campagnes de prévention sanitaire, surtout quand elle vise à détecter des maladies mortelles. Mais je m'interroge sur le style et l'efficacité de celle-ci. Faut-il vraiment en arriver là pour toucher les consciences ? Cette baudruche de côlon doit coûter du fric, son esthétique au milieu de la ville n'est pas d'un goût certain. Pourquoi ne pas aborder un problème grave de façon sérieuse, sous forme de panneaux, de fiches, de conférences ?

Ce ballon qui fait penser à une attraction de parc de loisir ou de plage se veut pédagogique en étant ludique. Le divertissement envahit toute notre société. Jusqu'où allons-nous ainsi ? Pourquoi vouloir amuser quand il s'agit d'informer ? A quand une immense paire de testicules sur la place de l'Hôtel de Ville à Saint-Quentin pour sensibiliser au cancer qui affecte cette partie du corps ? On a beau saluer les bonnes intentions, je trouve que quelque chose ne va pas là-dedans ...

vendredi 23 mars 2012

Un mois avant.

A un mois du premier tour des élections présidentielles, où en sommes-nous ? Je crois que la tragédie qu'a vécue la France cette semaine n'aura absolument aucune influence sur les résultats. Pourquoi ? Parce que le terrible événement n'a rien de politique, il ne trace pas de lignes de clivage entre les candidats. Le seul effet, paradoxal, qu'il pourrait avoir, c'est de faire baisser le score de l'extrême droite : son langage anxiogène, ethniciste et xénophobe finit par faire peur, la folie de Mohamed Merah peut être mis sur le compte de ce climat délétère créé par le Front national.

La montée du Front de gauche, jusqu'à dépasser le FN, est une excellente nouvelle. Non pas que je me réjouisse de la progression de ses idées puisque je ne les partage pas, mais elle a le grand mérite de clarifier le choix à gauche pour le premier tour : d'un côté une ligne social-démocrate raisonnable incarnée par François Hollande, de l'autre un socialisme traditionnel lyrique représenté par Jean-Luc Mélenchon.

La gauche a trop souvent par le passé souffert d'une ambiguïté, d'une confusion entre un discours radical et une pratique réformiste. Enfin l'alternative est claire, les discours et les programmes concordent : vous ne trouverez rien de révolutionnaire chez Hollande et rien de réformiste chez Mélenchon. A chaque électeur de se définir honnêtement selon ses convictions, sans mélange des genres, sachant que la discipline républicaine jouera à plein au second tour pour rassembler tout le monde.

Le faible score de l'extrême gauche (2% en tout, NPA et LO !) nous évite ce vote de substitution, très artificiel, qui a tant nui à la gauche lors des précédentes présidentielles. Le trotskisme ne motivait pas alors le choix des électeurs mais simplement leur mécontentement à l'égard du PS, au risque d'avantager la droite. Nous en avons fini avec ce vote purement tactique, donc contestable. L'assèchement électoral de l'extrême gauche aura également des conséquences à Saint-Quentin aux prochaines élections municipales (permettez que je pense aussi à ma ville !), rendant difficilement tenable le renouvellement des alliances PS-POI-LO-NPA.

Quant à la droite, Nicolas Sarkozy se bat comme un beau diable. Son profil très à droite n'étonne que ceux qui ne connaissent pas la droite et l'imaginent autrement qu'elle n'est. De ce point de vue, les présidences du passé sont un peu trompeuses : Giscard était un centriste réformateur et Chirac un radical-valoisien, ni l'un ni l'autre véritables hommes de droite, du moins idéologiquement. Sarkozy, depuis 2007, a renoué avec une droite bien dans ses bottes, ancrée dans ses fondamentaux. Avant lui, je ne vois qu'un seul président authentiquement de droite : le général de Gaulle !

La légende ou plus simplement la perte de mémoire l'imaginent en dehors des clivages politiques, le confondant ainsi avec l'homme du 18 juin. Non, de Gaulle n'était pas ce Bayrou avant l'heure qu'on nous dépeint parfois, mais quelqu'un dont l'éducation, la culture, les réflexes et les choix l'inscrivaient pleinement dans la tradition de la droite conservatrice (relisez les réactions violentes de la gauche de l'époque, Mitterrand au premier chef, et vous comprendrez).

Je ne vois pour l'instant qu'une seule anomalie et une profonde injustice dans cette campagne : le très faible score des écologistes. Ils paient le prix de s'être donnés, contre toute attente, une mauvaise candidate, de surcroît peu représentative de leur sensibilité, alors qu'un excellent candidat leur tendait les bras, Nicolas Hulot, qu'ils auraient normalement dû investir les yeux fermés. Mais je reste persuadé que cette noble et passionnante activité qu'est la politique n'est pas non plus quelque chose de toujours très "normal".

jeudi 22 mars 2012

Le destin de Mohamed Merah.

Le fanatique est donc mort. Cette tragédie ne pouvait sans doute pas finir autrement qu'en tragédie, la mort rattrapant celui qui a donné la mort. Certes, mieux aurait valu le prendre vivant, mais un fanatique est prêt à tout et la police a fait ce qu'elle devait. A ce propos, je trouve insupportable les doutes ou critiques qui ont pu être émis sur les comportements des forces de l'ordre ou de la justice à l'égard de Mohamed Merah. Le dénigrement des institutions est devenu un détestable sport national, même en de telles circonstances.

Quant à l'attitude des candidats à l'élection présidentielle, il a été exemplaire sauf la représentante de l'extrême droite. Mais on ne peut pas demander à ceux qui ne sont pas républicains d'être conforme à l'éthique de la République. Une tragédie nationale ne devrait jamais faire l'objet d'une exploitation politique. La politique est le lieu où s'affrontent pacifiquement les idées et les passions. Mais quand une tragédie frappe le pays, la politique partisane n'est plus concernée, c'est toute la République qui doit souder les citoyens.

Mohamed Merah est un nom qu'hélas nous retiendrons. Il a tué et il est mort pour cette misérable gloire, lui qui aimait à se filmer en train d'effectuer ses carnages : la célébrité au prix du crime. Faire parler de soi, accéder à la notoriété, c'est aussi une idée que notre société introduit pernicieusement dans les esprits. Son destin peut sembler contradictoire : un petit voleur qui rejoint une mouvance religieuse impitoyable envers les voleurs, un musulman qui supprime aussi d'autres musulmans. Mais sa folie est au-delà de ces contradictions. Le délinquant fauteur de désordre aspire à l'ordre, l'islamisme radical lui en offre un, de fer.

Son destin aurait-il pu être différent ? Oui, comme pour chacun d'entre nous, ce qui rend la tragédie encore plus tragique. Si l'armée l'avait intégré à la suite de sa demande, il aurait peut-être côtoyé les militaires qu'il a tués ou serait allé en Afghanistan pour combattre ceux qu'il a finalement ralliés. Une amie me disait hier : "cet homme-là, il faudrait le tuer". Non, la démocratie ne tue pas, elle juge, elle ne se comporte pas comme ses ennemis sinon elle ne serait pas la démocratie. Le destin de Mohamed Merah ne lui aura pas laissé le loisir de s'expliquer devant la justice mais tout un peuple uni dans ses différentes composantes, y compris les musulmans de France, l'a condamné, faisant mentir ce tueur qui prétendait avoir mis la France à genoux.

mercredi 21 mars 2012

Plus que jamais laïque.

Le présumé tueur a donc été très vite localisé, à l'heure actuelle encore cerné mais non rendu. C'est un délinquant et surtout un islamiste radical, passé par l'Afghanistan. Ses massacres auraient été motivés par son fanatisme. Terroriste, on peut en effet le qualifier ainsi, même si son acte semble isolé : tuer et répandre la peur, tel était l'objectif. La vraie radicalité du monde moderne, le total rejet de notre civilisation, ce n'est plus comme autrefois l'anticapitalisme révolutionnaire, qui a été largement intégré par le système, mais l'islamisme extrême anti-occidental.

C'est une forme de folie, mais sans pathologie individuelle. Dans nos pacifiques démocraties, nous avons oublié ce qu'est la haine religieuse, motivée par la certitude de posséder la vérité absolue. De la religion, nous ne retenons que les chrétiens allant tranquillement à la messe ou bien les doux bouddhistes perdus dans leurs méditations. Mais il peut y avoir de la fureur dans la foi, de la terreur dans la pensée de l'absolu. Le christianisme a connu autrefois ce genre de dérives, quand ses moines étaient aussi des soldats (incroyable conjonction). C'est aujourd'hui la religion musulmane.

Le risque, c'est de voir s'accroître, à l'occasion de cette tragédie, le sentiment anti-maghrébin, anti-musulman. L'extrême droite ne va sans doute pas se gêner pour réactiver son fond de commerce. Dans une société déculturée au plan religieux, il faudra beaucoup de pédagogie pour expliquer que la religion musulmane n'a rien à voir avec l'islamisme radical, pas plus qu'une confession chrétienne n'a de rapport avec une secte. La spiritualité n'est pas le fanatisme. Autre leçon à tirer : il nous faut plus que jamais être laïque, débarrasser le débat politique de toute référence directe ou indirecte à la religion, assurer une stricte neutralité de l'espace public. C'est la condition pour que cohabitent pacifiquement dans notre société toutes les opinions et toutes les religions.

mardi 20 mars 2012

Le massacre des innocents.

La tuerie de Toulouse, précédée par celle de Montauban, montrent à quel point la civilisation moderne, qui s'est construite il y a quelques siècles sur des bases rationnelles en rupture avec l'obscurantisme du passé, n'a pas supprimé la folie la plus incompréhensible et la plus criminelle. Un homme en scooter qui tue froidement des militaires et des enfants, qui filme semble-t-il ses massacres, c'est un acte qui n'entre dans aucune catégorie connue d'explication. Ce qui est d'abord terrible, abominable même, c'est cette barbarie que rien ne justifie, pour l'instant totalement irrationnelle. La cruauté humaine est ancienne, éternelle mais rarement gratuite.

Tout crime est un scandale, quand un homme en tue un autre, mais le crime d'enfants est le plus grand des scandales puisqu'il frappe des innocents. Pourtant, dans l'Histoire, l'enfant a souvent été la première victime de la violence des hommes. La civilisation moderne le supporte d'autant moins qu'elle protège, plus qu'aucune autre civilisation, l'enfant.

Notre indignation horrifiée ne doit pas non plus légitimer le spectacle du malheur qui passe en boucle sur nos écrans. Nous vivons dans un monde qui privilégie l'instant, le sentiment, l'image, alimentant ainsi une incroyable impudeur et indécence. Il faudrait réhabiliter les comportements de silence, d'attente, de distance, de maîtrise de soi. Pas facile dans une société hyper-émotive, qui exige de tout savoir tout de suite, très vite.

Cette tragédie nationale doit nous conduire aussi à réfléchir sur le débat public dans notre société. Celui-ci, depuis quelques années, se veut transgressif. Dans ses mots, dans ses thèmes, il se revendique régulièrement et fièrement "sans tabou", "décomplexé". Or, toute civilisation repose sur des tabous, toute existence individuelle se construit à travers des complexes. Dans le petit cercle des gens raisonnables (ou prétendus tels), tout est possible et sans danger. Mais parmi des millions d'auditeurs et de spectateurs, qui sait l'impact que peuvent avoir certains propos sur des esprits faibles, pervers ou malades ? Il faudrait, sans bien sûr limiter la liberté des opinions, réhabiliter le principe de responsabilité.

Faut-il suspendre la campagne électorale ? Un délai de recueillement est en effet nécessaire. Mais la République ne doit pas non plus reculer et s'interrompre devant la folie individuelle. Car elle donnerait un sentiment de fragilité de mauvaise augure. Quels que soient ses motifs, l'homme au scooter veut introduire la mort et la peur dans la société. Il ne faut pas céder à la panique, il faut être collectivement plus fort que lui.

lundi 19 mars 2012

Le visage de Mélenchon.

Mon dimanche n'a pas été illuminé par le soleil (ciel désespérément gris sur Saint-Quentin) mais par un visage, vu à la télévision, celui de Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, ce candidat à la présidentielle n'est pas de mon parti (le PS) ni de mes idées (le socialisme réformiste) mais il est de mon camp (la gauche, dont les frontières naturelles s'arrêtent à l'extrême gauche). Ses idées à lui, son projet politique, c'est le "socialisme révolutionnaire" (je reprends ses propres termes). Bref, il veut rompre avec le capitalisme alors que je me contente de le réguler.

Qu'est-ce qui fait donc que ce visage a malgré tout éclairé ma journée dominicale ? Parce que j'ai goûté avec plaisir le contraste. Avant, Mélenchon affichait des traits assez durs, des mâchoires crispées, des regards qui lançaient la foudre, des gestes vengeurs, une parole violente. Hier, ce même visage s'était apaisé, détendu, était devenu souriant, les yeux beaucoup plus doux, la voix plus caressante. Que s'est-il donc passé ? Cet homme est désormais heureux parce qu'il est victorieux.

Voilà le secret de la grande forme en politique : l'ivresse d'une possible victoire. Le Front de gauche a dépassé les 10% d'intentions de votes, il a mobilisé hier des dizaines de milliers de personnes à la Bastille. Voilà la performance d'un homme qui était encore, il y a quelques temps seulement, un dissident solitaire du PS appuyé par un parti, le PCF, marginalisé. Aujourd'hui, ils sont les premiers gagnants de la présidentielle. Comment ne pas être heureux et ne pas le montrer, dans ces conditions ?

Regardez le visage des socialistes à Saint-Quentin, le mien en premier (quoique je ne voudrais pas faire de mon cas une généralité) : les traits sont marqués, anxieux, tristes ou bien ce sont des figures rigolardes de fausse joie, des rires de convenance, des sortes d'exutoire. Je ne sais plus qui a dit que l'humour était la politesse du désespoir. Ce sont des têtes de perdants, et c'est normal quand on est constamment confrontés à la défaite. C'est pourquoi le visage de Mélenchon me fait plaisir, me requinque, me rend à mon tour heureux.

En tant que socialiste, fervent partisan de François Hollande, ai-je à me chagriner du succès de Jean-Luc Mélenchon ? Non, sûrement pas puisque son succès est en même temps celui de la gauche. En revanche, je suis chagriné pour de bon en voyant nos amis écologistes ne pas décoller. Quant au "vote utile", je n'en connais qu'un seul : celui des convictions. Je n'ai pas à faire de la retape pour mon candidat mais à expliquer son programme. Pour le reste, un vote se fait en notre âme et conscience, avec un peu de réflexion et beaucoup d'intuition : celui qui se reconnaît en Mélenchon doit voter Mélenchon et celui qui est plus sensible à Hollande votera Hollande, c'est tout.

J'entends dire que la montée du Front de gauche devrait amener François Hollande à se radicaliser, à gauchir son projet. Surtout pas ! Chacun doit rester ce qu'il est, fidèle à son histoire, à son identité, Mélenchon révolutionnaire et Hollande réformiste. Je pense même que plus Mélenchon se radicalisera, plus Hollande devra se social-démocratiser, afin de laisser aux électeurs de gauche un véritable choix entre deux alternatives différentes. Il faut cultiver les différences au lieu de les aplanir.

Ce qui permet cela, c'est la forte tradition, à gauche, de discipline républicaine : au premier tour chacun va à sa préférence, au second tour tout le monde soutient le candidat de gauche arrivé en tête (cette discipline républicaine n'a jamais été admise comme principe par l'extrême gauche). Mélenchon est heureux, je suis heureux et le soleil est revenu sur Saint-Quentin.

dimanche 18 mars 2012

Hollande à St-Quentin.




Le parti socialiste dans l'Aisne a dévoilé cette semaine son programme de campagne. François Hollande sera peut-être dimanche prochain à Villers-Cotterêts. Et à Saint-Quentin ? C'est le strauss-kahnien Jean-Marie Le Guen qui interviendra sur le thème de la santé, à une date pas encore fixée. Hollande est passé plusieurs fois par l'Aisne ces dernières années, récemment à Soissons, Hirson et Guise dans le cadre des primaires. Mais dans la plus grande ville de l'Aisne, devenue redoutable bastion de l'UMP après avoir été souvent municipalité communiste ? Oui il est venu, je le sais, j'y étais, chargé de l'accueillir !

C'était un autre temps, presque un autre monde, il y a treize ans, ce 21 juin 1999. Qui s'en souvient ? Moi, comme si c'était hier ! François Hollande était candidat, mais à l'élection européenne. Anne Ferreira aussi. Finalement, la politique est un éternel recommencement, dans des circonstances différentes. En tant que directeur de campagne, je devais aller chercher François à l'entrée de la ville, au bout de la rue de Paris. Il faisait très chaud, très beau ce jour-là. Je revois encore les deux véhicules qui attendaient aux portes de Saint-Quentin, Hollande, ses conseillers, des agents de sécurité, moi dans ma voiture guidant le cortège jusqu'au quartier Europe, un défilé qui ne passait pas inaperçu ! Nous roulions d'ailleurs assez vite puisque que le candidat n'avait qu'une heure devant lui, se rendant ensuite à un meeting à Amiens.

La petite troupe avait rendez-vous place de Rotherham, à la frontière du quartier Europe (nous avions choisi ce symbole !), du côté du café Le Q.G., où il y avait à l'époque un bureau de poste aujourd'hui fermé (autre symbole : les services publics). François Hollande est entré, très à l'aise, a discuté avec des usagers comme s'il les connaissait bien, trouvant sans difficulté les mots pour leur parler. Puis nous avons poussé la visite jusqu'au lycée Condorcet, Hollande toujours saluant, toujours souriant, toujours causant. La politique, quoi ! François, tu reviens quand ? Une fois devenu président ?

En vignette : l'article de L'Union du lendemain, que j'ai retrouvé parmi une masse d'archives personnelles, tracts, photos, correspondance, coupures de presse, que je mettrai un jour en ligne, quand j'aurai un peu de temps.

samedi 17 mars 2012

Cloclo, infect et fascinant.

J'irai voir demain le film de Florent Emilio Siri consacré à Claude François. Pour ne pas me laisser influencer, je vous livre dès aujourd'hui mes pensées sur le personnage. Cloclo est mort quand j'avais 18 ans. Sa disparition est passée chez moi presque inaperçue. A l'époque, je n'avais qu'une chose en tête : la possible victoire de la gauche aux législatives. Je suis resté insensible à l'événement parce que je ne considérais pas Claude François comme un grand chanteur.

Vedette populaire oui, mais ni plus ni moins que Michel Sardou. La vraie star nationale, c'était Johnny. Quant aux stars internationales, je n'en voyais alors que deux : Aznavour et Montand. Cloclo n'a jamais été le chanteur n°1 en France, malgré tous ses efforts pour le devenir. Ne parlons même pas de ce qu'il inspirait aux milieux cultivés, qui vénéraient Brel, Brassens, Ferrat et méprisaient cordialement Claude François.

Toutes ces données en faisaient à mes yeux un chanteur sans intérêt. Non pas que je n'appréciais pas certaines chansons, des "tubes" comme on disait ; mais autant que j'apprécie voir passer le train dans la campagne, par hasard et pour pas très longtemps. Cloclo n'a rien créé, rien inventé : il a repris habilement, en l'adaptant, ce qui marchait ailleurs, chansons et chorégraphie. Aucun génie en lui. Comment voulez-vous admirer ce genre d'homme ?

Et pourtant, depuis quelques années, je m'intéresse à Claude François, je regarde les émissions qui lui sont consacrées. Mon point de vue n'a pas changé sur l'individu. Au contraire, apprenant à le connaître, mon jugement est encore plus sévère : ce type était vraiment infect. En même temps, il me fascine (ça c'est nouveau). Pourquoi ? Parce que je me demande comment quelqu'un de talentueux mais pas génial, de surcroît à la psychologie tordue, peut devenir populaire et susciter durablement, jusqu'à nos jours, l'enthousiasme ? C'est fortiche, c'est un mystère pour moi.

Infect, le mot n'est pas forcé. Cloclo était parano, manipulateur, tyrannique, narcissique, prédateur sexuel, pornographe, mauvais père, mari possessif, affairiste raté. Il n'aimait personne à part lui. Qu'on ne me dise pas que c'est le revers habituel et obligé du perfectionnisme ! Cette vertu ne se paie pas au prix de ces nombreux vices. Sa disparition est à l'image détraquée de sa vie : il s'est fait embaumer comme un pharaon d'Egypte, obsédé qu'il était par la vieillesse et la mort.

Mais cet homme aimait-il la vie, était-il fait pour le bonheur qu'il célébrait, l'une et l'autre, dans ses chansons à succès ? J'ai l'impression d'une personne se fuyant sans cesse, se construisant un personnage pour ne pas se regarder en face, s'étourdissant froidement et méthodiquement dans la gloire et la lumière pour échapper à sa part d'ombre. L'énergie formidable de Claude François n'était qu'une réaction à sa fondamentale anxiété devant l'existence. Faisons bien attention : il y a, à des degrés divers, du Cloclo en chacun d'entre nous. Lui a assumé ses vices jusqu'au bout, publiquement, transformant ses faiblesses en forces. Chacun fait comme il peut, nous en sommes tous là.

vendredi 16 mars 2012

Cheminade oui, Villepin non.

C'est ce soir la date-limite pour le dépôt des 500 signatures permettant de participer à l'élection présidentielle. A priori, Dominique de Villepin ne pourra pas concourir mais Jacques Cheminade sera présent, sous réserve de vérification par le conseil constitutionnel. Nous vivons tout de même une drôle d'époque et dans un étrange pays, à moins que la politique ne soit une activité surprenante et mystérieuse.

Car voilà un homme qui a été le Premier ministre de la France il n'y a pas si longtemps, qui a porté haut et fort la voix de notre pays sur la scène internationale, un homme de panache et de conviction, avec forcément tout un réseau autour de lui : et il ne parvient pas à récolter 500 misérables signatures alors que la France regorge de maires petits et grands, par dizaines de milliers !

De l'autre côté, il y a Jacques Cheminade, un inconnu, sans parti politique pour le soutenir, un type vaguement extrémiste venu de nulle part et qui probablement y retournera, quelqu'un que personne ne peut politiquement identifier, dont l'existence même n'apporte pas grand-chose à la démocratie française, un homme sans bilan ni expérience, sans passé ni avenir et qui pourtant les a, les fameux et précieux 500 parrainages. Vous y comprenez quoi ? Un mystère, je vous dis ...

jeudi 15 mars 2012

Les sages de la République.



J'ai accompagné durant les vacances mes étudiants de Cambrai à Paris, pour une visite d'une institution méconnue, pourtant la troisième chambre de la République, après l'assemblée nationale et le sénat : le conseil économique, social et environnemental. Nous étions les invités de son président, Jean-Paul Delevoye, le maire d'une ville pas si loin de Saint-Quentin, Bapaume (à droite en vignette, à ses côtés le secrétaire général du CESE). C'est un peu le conseil des sages au sein de la République, qui en a bien besoin. Ses membres ne sont pas élus mais désignés, ils ne légifèrent pas mais donnent des avis, leur mandat est limité à deux quinquennats, la mixité est respectée dans cette assemblée : voilà déjà qui est en soi réjouissant.

Il me semble indispensable que la démocratie réserve un lieu pour les débats non partisans, sans enjeux de pouvoir, sans intérêts électoraux à défendre, pour y puiser des idées, des analyses, des projets. La pensée ne surgit jamais d'un rapport de forces. Ces derniers ont évidemment leur légitimité en politique et en République mais ils ne suffisent pas à exprimer toute la vie publique, qui fonctionne aussi à la réflexion, au consensus. Au conseil économique, social et environnemental, les syndicats, les organisations patronales, les organismes sociaux, les grandes associations, les courants de pensée peuvent se retrouver, dialoguer, préparer l'avenir. Aux élus ensuite, quelle que soit leur sensibilité, de s'en inspirer.

Le CESE a des assemblées au niveau des régions. J'aimerais, sans demander un strict décalque, que les municipalités intègrent aussi une telle structure. Les expériences de conseil des anciens ou des jeunes, à Saint-Quentin, n'ont jamais été très probantes parce que leur composition repose sur de simples citoyens qui souvent se lassent au bout d'un certain temps et ne participent plus aux réunions. Sur le modèle du conseil économique, social et environnemental, avec des représentants des forces vives, il en irait autrement, chacun se sentant tenu, mandaté par sa structure.

Au conseil municipal, c'est l'affrontement partisan qui prédomine, à juste titre. Mais jamais l'opposition ne peut faire passer une seule idée. Un CESE local permettrait de véritables échanges, des avis éclairés, des propositions novatrices. La démocratie y gagnerait. Autant je suis sceptique à l'égard des conseils de quartier, souvent coquilles vides d'une très démagogique "démocratie participative", autant un conseil des corps intermédiaires, à l'exemple du CESE, me paraît judicieux. Une idée pour les prochaines élections municipales ?

mercredi 14 mars 2012

A l'américaine !




C'est une très belle façade que vous voyez là, d'un superbe art déco, rue des glatiniers à Saint-Quentin. Vous reconnaissez bien sûr les affiches de campagne de Nicolas Sarkozy. Mais regardez plus précisément le bandeau en haut de la fenêtre du milieu : Gay lib, ce sont les homosexuel(le)s du parti présidentiel, les gays libéraux, réunis en "courant", comme nous dirions au PS.

L'étage est occupé par deux amies à moi, membres de l'UMP (vous vous en seriez doutés !). Mes amis ne sont pas qu'à gauche. J'ai le bon goût de ne pas mélanger les sentiments et la politique, ayant trop vu les dégâts que cette confusion pouvait donner. Mes amies, puisque ce sont deux femmes, une mère et sa fille, sont américaines.

Ceci explique cela : là-bas, outre-atlantique, comme en Angleterre, les citoyens n'hésitent pas à afficher leurs opinions politiques, publiquement, sur les murs et aux fenêtres de leurs maisons. En France, c'est inhabituel, étrange, ostentatoire, pour tout dire mal perçu, trop exhibitionniste. Nous sommes largement devenus américains mais par sur ce point-là ! Pourtant j'aime bien, c'est courageux et très démocratique : la pudeur française à exprimer ses opinions, qui est aussi une hypocrisie, m'irrite beaucoup.

Suis-je prêt à mon tour à afficher François Hollande à mon balcon, avec deux drapeaux de la rose au poing autour ? Franchement non. Je n'hésite cependant pas, où que ce soit et devant n'importe qui (sauf mes élèves évidemment, laïcité oblige), à dire que je suis socialiste, même si je regrette parfois qu'on ne retienne que ça de moi. Mais transformer ma façade en panneau électoral, en instrument de propagande, non. Et puis, j'ai d'éminents voisins, des personnages publics, influents dans la presse et le monde associatif. Que penseraient-ils de voir leur rue, même si elle s'appelle Jean Jaurès, repeinte aux couleurs du socialisme ? Désolé pour mes amies américaines, je ne les suivrai pas ...

mardi 13 mars 2012

Louise Wimmer l'insoumise.

Cent-cinquante spectateurs pour voir hier soir, au multiplexe de Saint-Quentin, le film "Louise Wimmer", de Cyril Mennegun, dans le cadre d'un ciné philo exceptionnel consacré à la journée mondiale des femmes. J'avais pour invitées Marie-Lise Semblat, d'ASTER-International, et Sylvie Racle, du CIDFF 02. Quel film ! Une femme, cinquantenaire, qui vit dans sa voiture parce que l'administration tarde à lui attribuer un logement. Et pourtant elle a un travail, femme de ménage dans un hôtel, s'occupant des chambres et des lits qu'elle n'a pas, ironie du sort, dans sa propre vie. C'est ce qu'on appelle une "travailleuse pauvre".

Si ce n'était que ça, ce serait très "politiquement correct". Mais non, le film n'est pas misérabiliste. Quand est venu le débat, c'était amusant d'observer à quel point certains spectateurs étaient sceptiques, résistaient à ce qu'ils voyaient : ils attendaient de la tristesse, peut-être même du drame dans un film au contraire plein d'espoir. Louise Wimmer, un prénom, un nom, un caractère qui ne s'en laisse pas compter, un personnage hors-normes qui n'entre pas dans les schémas psychologiques contemporains. C'est pourquoi elle nous surprend, elle nous étonne, c'est pourquoi elle me plaît.

L'idéologie victimaire et compassionnelle, très répandue aujourd'hui, y compris jusque dans les milieux de gauche (hélas), est battue en brèche. Louise Wimmer n'est pas une victime, elle ne réclame pas notre compassion. Elle ne demande qu'une chose, qui est un droit, qui suffirait à son bonheur : avoir un logement. Le reste, elle s'en fout. Pas besoin d'amour (elle refuse les sentiments que lui propose son amant occasionnel, qu'elle fréquente uniquement pour le plaisir physique), pas besoin de solidarité (elle ne demande rien à personne, n'a pas besoin d'être "écoutée" comme lui propose l'assistante sociale), pas besoin de s'exprimer non plus (c'est une femme silencieuse dont toute la personnalité passe dans le regard) : seulement la justice, la plus élémentaire, avoir un toit.

Louise Wimmer, c'est une insoumise, comme l'a fort bien remarqué un spectateur. J'ai d'ailleurs pensé à la parenté de nom avec Louise Michel. C'est une femme indépendante, libre. Au moment du pot de l'amitié qui a suivi la séance, une participante s'est étonnée auprès de moi : comment peut-on être libre sans logement, mal payé, à la rue ? Eh oui, difficile à comprendre tellement nos mentalités sont confortables, matérielles et bourgeoises. L'indignation nous connaissons, la désobéissance nous osons parfois mais l'insoumission non, c'est un sentiment devenu inconnu, rare, trop dangereux et cependant tellement précieux. Ne jamais se soumettre, à rien ni à personne, oui c'est une belle idée, et c'est la vie de Louise Wimmer.

A la fin, Louise Wimmer est heureuse : elle a trouvé un appartement dans une banlieue pourrie, au milieu de tours inhumaines mais qui deviennent dans son regard, sous le soleil, avec la joie d'avoir enfin un toit, très très belles.

lundi 12 mars 2012

Le pro et le bricolo.

Nous avions déjà, à Saint-Quentin, Xavier Bertrand comme vedette nationale ; au tour maintenant de Jérôme Lavrilleux, auquel le journal Le Monde, de référence s'il en est, a consacré ce week-end un portrait. C'est que le conseiller général du canton nord a pris du galon : il est en tête, je cite, de la "direction logistique de la campagne de Nicolas Sarkozy" et coordonnateur de la "cellule riposte", "maillon stratégique entre l'Elysée et le parti", rien que ça. Celui qu'on annonçait battu aux dernières cantonales à cause de ses absences et de sa brouille avec Xavier Bertrand s'est non seulement fait réélire mais se retrouve aujourd'hui dans les strates supérieures de l'UMP.

Le portrait qu'en fait Patrick Roger est juste, précis et bien écrit. Il y a d'abord la minutie du personnage : "il a l'oeil sur tout, veille au moindre détail, il observe tout, note tout, enregistre tout". Il y a aussi le côté "énorme bosseur" qui "sait à peu près tout faire", son "efficacité", son "addiction au travail". Enfin, et son physique ne le laisse pas paraître au premier abord, c'est un "tueur froid", "toujours tiré à quatre épingles", avec ces mots qui terminent l'article : "Il sent l'odeur de la poudre. Il aime ce parfum".

Oui je confirme, notre Saint-Quentinois est bien comme ça. Tout socialiste que je suis, adversaire de Lavrilleux en 2004 aux élections cantonales, je suis épaté. Pas admiratif, il ne faut pas m'en demander trop et il m'en faut beaucoup plus pour admirer quelqu'un. Mais épaté oui, c'est certain. Depuis longtemps d'ailleurs, sans avoir eu besoin d'attendre Le Monde d'hier.

Il y a une bonne dizaine d'années, je l'ai rencontré, il n'était que directeur de cabinet de Pierre André, j'étais encore secrétaire de section. Il fallait que j'organise je ne sais plus quelle campagne électorale, retenir des salles, etc. Nous étions à environ trois mois du scrutin. Lavrilleux derrière son bureau m'a écouté, calme, sympa, attentif. Quand mes doléances se sont terminées, il m'a regardé en souriant légèrement : "Nous, ça fait six mois qu'on est prêt, que tout est calé". Il ne mentait pas.

J'en suis sorti penaud, comme un bricolo qui vient de rencontrer un pro. Plus jamais de ma vie, me suis-je juré, je ne serai en politique un bricolo. J'ai commencé à tenir promesse en 2004, pas assez pro cependant pour battre le pro Lavrilleux. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot, Jérôme.

dimanche 11 mars 2012

Les infidèles.

Une affiche de film, "Les infidèles", a fait récemment scandale. On se demande bien pourquoi dans une société qui s'honore de ses moeurs très libres. L'infidélité en question est l'adultère. Peut-être ressentons-nous, en jouant les indignés, le besoin de cacher cette vérité fondamentale : nous ne croyons plus en rien, nous sommes devenus foncièrement infidèles (fidélité vient de fideis qui signifie foi), c'est flagrant en politique. Les électeurs ne sont plus fidèles à leur vote, ils passent facilement d'un candidat à un autre, au gré de leur humeur du moment, ils sont incapable d'engagement sérieux et durable.

Prenez Nicolas Sarkozy : on l'accuse de "droitisation". Mais il a toujours été un vrai homme de droite ! En 2007 déjà, sa campagne était très à droite, ni plus ni moins que l'actuelle. Que les infidèles ne jouent pas les étonnés ! Ils ont voté Sarkozy, ils sentent autour de lui le roussi, ils se tournent maintenant vers François Hollande. Je m'en félicite mais je ne les félicite pas : c'est en 2007 qu'il aurait fallu réagir ! "Mieux vaut tard que jamais", ça ne marche pas en politique : on revient difficilement sur le passé, même si on peut concevoir un autre avenir.

Prenez Eva Joly, rappelez-vous les dernières élections : le vote écolo était important, très important ; aujourd'hui, il a fondu comme neige au soleil alors que les problèmes d'environnement sont plus présents que jamais. Ils sont passés où, les électeurs Verts ? Infidèles, eux aussi ... Et l'extrême gauche ! 10% il y a dix ans, aux présidentielles, 2% aujourd'hui d'après les sondages : que sont devenus les électeurs qui s'entichaient de Besancenot ? Ils ont mangé leur bulletin de vote révolutionnaire. Ségolène Royal, vous vous souvenez quel enthousiasme elle avait déclenché à gauche il y a cinq ans. Et maintenant ? Au placard ! L'infidélité est un comportement méprisable.

Les responsables politiques ne sont pas mal non plus en matière d'infidélité. Regardez ce qui s'est passé ce week-end : Sarkozy se bat comme au beau diable, lance ses dernières forces dans la bataille avec autant l'énergie du désespoir que de l'espoir, mais autour de lui les premiers lâchages ont commencé. Rama Yade, qui doit tout au chef de l'Etat, qui ne serait rien sans lui, se retourne contre lui. Jean-Louis Borloo, qui aimait bien s'asseoir à la table des ministres, n'est pas allé s'asseoir au meeting de Villepinte.

Quand la défaite approche, certains lèvent le nez ailleurs, ont l'infidélité discrète mais réelle. Didier Bariani, lui, a l'infidélité franche : il votera Bayrou, ça lui a pris comme l'envie de pisser. Le parti radical dans son ensemble a choisi un soutien conditionnel à Sarkozy. Leur condition, tout le monde la connaît : c'est la victoire, car promesse de places à se partager. Qu'ils se rassurent : ils ne sont pas les seuls à pratiquer la fidélité hypocrite.

Le pompon de l'infidélité ce week-end, je l'accorde à Nicolas Dupont-Aignant, qui accepterait Marine Le Pen comme son Premier ministre ! Et cet homme se prétend fidèle à l'héritage gaulliste ! J'aimerais bien savoir ce qu'en pense notre Freddy local, qui lui-même n'a pas été fidèle à sa maison initiale, le MRC.

Oui, fidèle je suis, constant si vous préférez, cohérent avec moi-même. Ce n'est certes pas une garantie de vérité (on peut être fidèle à une erreur) ni un objet de fierté, mais c'est au moins une preuve de désintéressement et d'honnêteté. Fidèle à Strauss-Kahn je reste, accablé alors que la justice n'a rien retenu contre lui. Fidèle plus que jamais au socialisme réformiste tel que l'incarne aujourd'hui, après l'empêchement de DSK, François Hollande, hostile donc à toute alliance avec l'extrême gauche. Fidèle envers et contre tous s'il le fallait, seul au monde à l'occasion. Mais par bonheur tout le monde n'est pas infidèle, même si beaucoup le sont. Et puis il y a une justice immanente : je crois en l'existence d'un enfer (sur cette terre) pour les infidèles. Mais je ne jurerais pas non plus qu'il existe un paradis pour ceux qui sont restés fidèles à leurs convictions.

samedi 10 mars 2012

Femmes de gauche et de droite.




Cet après-midi, dans le cadre prestigieux du palais de Fervaques à Saint-Quentin, les femmes étaient à l'honneur à travers une exposition, "Femmes d'ici et d'ailleurs", visible toute la semaine prochaine, qui se conclura par une table ronde et un débat. Les trois associations organisatrices sont présidées par des femmes de gauche, féministes convaincues, Yvonne Bou, Viviane Caron et Marie-Lise Semblat. Deux femmes de droite, deux élues, étaient à leur côté, Pascale Gruny, députée de l'Aisne, et Colette Blériot, conseillère générale et représentante de la municipalité.

Dans l'assistance, on pouvait remarquer Alix Suchecki, ancienne adjointe de la municipalité communiste, Guy Fontaine, candidat du Front de gauche aux législatives, Daniel Wargnier, possible candidat de Génération écologie, Jean-Robert Boutreux, responsable régional de GE, Jeanine Marcos, ancienne de la JOC, Jeunesse ouvrière chrétienne (une partie de l'exposition lui est consacrée), des militants de l'ASTI (association de solidarité avec les travailleurs immigrés), Jean-Pierre Semblat, le conteur picard, des hommes et des femmes de gauche et de droite réunis pour une même cause, celle des femmes.

Les allocutions ont été un peu longuettes mais la défense des femmes le vaut bien. Si Yvonne Bou et Viviane Caron ont tenu des propos plutôt consensuels, Marie-Lise Semblat, dans la forme et le fond, a été plus offensive, revendiquant fièrement son féminisme, soulignant à quel point la lutte n'était pas encore terminée. Colette Blériot s'est avancée plus prudemment, critiquant au passage le principe des quotas pour les femmes et l'idée de parité (même si elle n'a pas prononcé le mot, qui d'ailleurs est inscrit dans la loi).

L'argument est connu et je ne le partage bien sûr pas : réserver des places aux femmes serait désobligeant pour elles, ce qui importe ce serait le recrutement sur compétence ouvert à tous ... et à toutes. Je comprends le raisonnement mais il pèche par idéalisme : à ce compte, jamais la condition féminine n'aurait évolué. La loi est faite pour l'y encourager. Colette Blériot a de nouveau utilisé un "truc" qu'elle semble tout particulièrement affectionner (je l'ai vue plusieurs fois le pratiquer) : faire applaudir les responsables avant qu'on ne l'applaudisse (pour préparer à ce qu'on l'applaudisse ?).

Pascale Gruny, très à l'aise dans son intervention, s'est distinguée du terme de "féministe", qu'elle trouve parfois excessif. Mais à la différence de Colette Blériot, elle accepte la politique des quotas. Comme quoi, à l'intérieur même d'une sensibilité politique, il peut y avoir des différences. Toutes les deux se sont en revanche retrouvées pour concevoir les rapports entre hommes et femmes en termes de "complémentarité". Ce qui a légèrement fait tiquer Marie-Lise Semblat, qui se méfie de cette notion, qui y voit un retour aux rôles traditionnels dans lesquels on peut vouloir enfermer les sexes.

C'est amusant : le public n'y voit peut-être que du feu, les discours demeurent dans leurs grandes lignes d'une tonalité très proche, il n'empêche que l'oreille avertie repère quelques petites différences qui renvoient à de sérieux clivages. Je m'en réjouis : que le monde serait triste si nous radotions tous les mêmes mots, les mêmes phrases et les mêmes idées, que la démocratie serait malheureuse !

vendredi 9 mars 2012

Le commissaire vous salue bien.

Quand un commissaire de police s'en va, c'est tout ce que la ville compte de personnalités qui vient. La salle des mariages de l'hôtel de ville de Saint-Quentin, cette fin d'après-midi, n'était pas assez grande pour les contenir toutes. Autour de David Boileau, le ministre, le préfet, le sous-préfet, la députée et le colonel Dutel. Dans le public, des galons et des uniformes, des grands et des costauds. Si vous ajoutez quelques forains, j'étais perdu, je ne voyais rien, la plupart des invités avaient une ou deux têtes de plus que moi, même les femmes policiers. Je vais donc vous raconter en aveugle ce que j'ai entendu.

Beaucoup d'élus étaient présents, le maire de Gauchy et de plusieurs localités voisines. Edith Erasti, ancien maire de Soissons où le commissaire Boileau a fait dans l'Aisne ses premiers pas, était là aussi. Dans la foule, Olivier Tournay, seul conseiller municipal d'opposition, avec ses cheveux longs bouclés et sa casquette d'ouvrier, dépareillait un peu. Imaginerait-on l'extrême gauche au milieu de ce monde d'ordre et d'autorité ?

Ce n'est pas non plus mon univers. Je n'ai aucun policier dans ma famille ni mes proches. Justement, c'est ce qui m'intéresse : allez voir ce que je ne connais pas bien. L'idée qu'on se fait d'un commissaire de police est éternellement marquée par Jules Maigret, le personnage de Simenon : mais non, Boileau n'a pas la cinquantaine, ne porte pas de manteau épais, ne fume pas la pipe ni surtout ne boit de bière. Il ressemble plutôt à un prof de gym ou à un animateur socio-culturel, réservé, jeune, sympa, et c'est pourtant un vrai commissaire de police.

Et un bon, si j'en crois les éloges qui ont été prononcés. A Saint-Quentin, David Boileau, parmi les événements marquant son passage, a dû gérer la visite du président de la République et des manifestations lycéennes. Ce que je retiens de son bilan : à son arrivée, le poste était classé "difficile" ; à son départ, il est devenu "normal". Boileau a assaini la situation en un peu plus de quatre ans. A noter : avant que ne commence la cérémonie, le commissaire s'est planté à l'entrée, au rez-de-chaussée, pour saluer chacun (c'est la première fois que je vois ça à cet endroit).

A la fin de son discours, sa voix a faibli un peu, tressailli légèrement : c'est le moment des adieux, qu'il modère par un "Je ne vous oublierai pas" final. Va-t-il verser une larme ? C'est ce que se demandent les dames et nous n'en sommes pas loin. Je ne jurerai de rien puisque ma taille et surtout celles des autres ne m'ont pas permis de voir grand chose. Je crois cependant que le commissaire a repris le dessus et que l'émotion a été contenue. Où irait-on si les commissaires de police se mettaient à pleurer ?

La cérémonie s'est terminée par la remise de nombreux cadeaux, dont une belle collection de paires de menottes ! David Boileau quitte Saint-Quentin pour suivre une femme, son épouse, elle aussi commissaire, à Longwy. Il a succédé à une femme, il sera remplacé par une femme. Et c'était hier leur journée ! Le commissaire vous salue bien.

jeudi 8 mars 2012

Deux photos, deux symboles.





Ces deux photos ont été prises à Saint-Quentin. Sur la première (merci Michèle), vous reconnaissez la mosquée, quartier de Vermand, avec au loin la basilique. C'est une très belle image, pleine de douceur et de lumière, un symbole de la cohabitation paisible des cultures. La deuxième photo a été prise la semaine dernière, près du cinéma, quai Gayant : des autocollants de deux groupuscules fascistes, L'Oeuvre française et le Bloc identitaire, viennent parasiter une affiche du Front de gauche. C'est cette fois le symbole de la haine et de la violence. Deux photos qui en disent plus long que n'importe quelle analyse.

mercredi 7 mars 2012

La politique à la télé.

Pour les passionnés de la politique, la télévision nous gâte avec de nombreuses émissions, dont deux phares : Parole de candidat sur TF1, Des paroles et des actes sur France 2. Paroles, paroles ... la politique c'est d'abord parler. Je n'évoquerai pas les qualités respectives de ces deux rendez-vous mais plutôt leurs défauts, c'est plus intéressant. Un reproche commun : la durée, à mon sens beaucoup trop longue. Pour moi ça va, la politique c'est mon truc. Mais pour les simples curieux, les citoyens pas trop motivés ? Hier soir, Des paroles et des actes s'est étalé sur trois heures ! Je suppose qu'on décroche alors facilement quand on n'est pas très investi ...

Ensuite il y a les défauts particuliers : Parole de candidat soumet ses invités aux questions d'un panel de Français. Je n'aime pas du tout cette formule : les interventions soulèvent forcément des problèmes très individuels, pas toujours très bien formulés, pas nécessairement très intéressants. L'homme politique habile peut fort bien s'en sortir et s'en servir sans que ça nous apprenne grand-chose. Des paroles et des actes consacre sa première heure à des questions très personnelles, psychologisantes qui ont rarement un sens politique. Mais c'est une concession à l'air du temps, un petit côté presque people. Il faut s'y faire.

Lundi, Jean-Luc Mélenchon était à Parole de candidat. J'ai apprécié sa prestation, à la fois lyrique et pédagogique. Sa lutte contre l'extrême droite est exemplaire, il emploie les mots qu'il faut, les arguments qui font mouche et il est quasiment le seul. Sur la délinquance, j'ai trouvé ses explications très éclairantes : il a fait ce qu'il faut faire en la matière, rationaliser une situation qui est trop souvent passionnelle, en établissant un rapport entre la délinquance et le monde de l'argent. Mon désaccord bien sûr, c'est à propos de son programme économique, certes cohérent et précis, mais qui n'est pas le mien : Mélenchon fait de la théorie à partir d'un modèle très théorique, la rupture avec l'économie de marché. Ce socialisme révolutionnaire (c'est son expression) auquel il se réfère, je n'y crois pas du tout.

Hier, c'était donc Nicolas Sarkozy tel qu'en lui-même la vie le change un peu, mais un peu seulement : il émet des regrets, se montre plus calme mais l'énergie, la crispation sont toujours là. En ce moment, rien ne marche pour lui, on a le sentiment que François Hollande retourne toute situation à son profit. Alors Sarkozy met le paquet, brûle ses dernières cartouches, va chercher dans ce qui a marché, les fondamentaux de la droite, pour tenter de s'en sortir.

Peut-il encore gagner ? Chaque jour qui passe, le goulot se resserre. Mais les Français sont imprévisibles (et c'est très bien pour la démocratie) : ils ont tant aimé Sarkozy en 2007, tellement cru en lui, sont-ils arrivés maintenant à le haïr, à le rejeter ? Je ne sais pas, je suis dans la raison, pas dans la passion et c'est le défaut qui m'empêche de deviner comment vont réagir les autres, faute d'éprouver en politique amour ou haine.

mardi 6 mars 2012

Sarkozy à St-Quentin (suite).

Par la presse locale de ce matin, nous en savons plus sur les propos tenus hier par Nicolas Sarkozy lors de sa visite à l'EPIDE de Saint-Quentin. Il a d'abord réitéré son refus du droit de vote pour les étrangers non communautaires aux élections municipales, avec l'argument que cette mesure "créera un vote communautariste", contraire donc à l'esprit de la République. Mon désaccord est total : les européens bénéficient, eux, de ce droit de vote, en vertu des traités européens ; a-t-on remarqué lors des élections locales un "vote communautariste" portugais par exemple (la communauté étrangère la plus importante) ? Sûrement pas. Il n'y a donc pas à craindre ce qui n'existe pas et n'existera pas.

Au contraire, donner le droit de vote aux étrangers non communautaires leur permettra de sortir de leur communauté, d'être mieux intégrés à la République en devenant des citoyens comme les autres, disposant du droit de vote. Cela ne suffira pas en matière d'intégration mais ce sera un élément important, que la gauche n'a jamais pu mettre en place à cause de l'opposition du Sénat, majoritairement à droite.

Autre point de vue de Nicolas Sarkozy qui suscite mon opposition : l'étiquetage de la viande halal afin d'informer le consommateur sur son origine. C'est Marine Le Pen qui, comme chacun sait, a lancé ce débat délétère qui n'a aucunement sa place dans une campagne présidentielle où il y a tant à débattre, emploi, industrie, logement, santé, Europe, politique internationale, mais pas du mode d'abattage des animaux ! Le Pen le fait pour exciter les passions racistes, viser la communauté musulmane, sous prétexte de sensibilité envers la souffrance animale et de traçabilité hygiéniste. Le candidat Sarkozy ne devrait pas rebondir sur ce terrain-là, qui ne mérite que le mépris.

Car où est le problème ? Nulle part ! Je me moque de savoir de quelle façon la bête qui est dans mon assiette avant d'aller dans mon estomac a été tuée, rituellement ou pas. Ce qui préoccupe, ce sont les bonnes conditions sanitaires. Le reste n'a aucune importance. Je n'ai jamais vu aucune religion en être gênée. Quant aux athées, ils sont totalement indifférents à ces choses-là, qui pour eux n'ont aucun sens. Où est le problème ? A part dans la tête xénophobe de Marine Le Pen, je ne vois vraiment pas.

Je partage encore moins les propos du Premier ministre affirmant que l'abattage rituel était dépassé, non conforme au progrès des sciences et des techniques. Au nom de la laïcité, un représentant de l'Etat ne doit pas s'insérer dans les pratiques religieuses, porter sur elles des jugements défavorables ou favorables. En tant que citoyen, François Fillon est libre d'apprécier ou pas, de trouver stupide ou noble les rituels musulmans ou juifs mais il n'a pas à en faire publiquement état, il doit se montrer neutre en la matière, notre Constitution séparant les églises et l'Etat.

Mais la souffrance animale ? Quand j'étais enfant, j'ai vu tuer le cochon dans les fermes du Berry : tuer une bête n'est jamais agréable pour la bête mais ce n'est pas pire quand la mise à mort est rituelle. Je crois même que la condition animale est bien plus atroce dans les élevages industriels d'aujourd'hui. Et les conditions sanitaires ? Elles sont respectées dans le cadre de l'abattage rituel, les contrôles ont lieu comme pour n'importe quelle forme d'abattage, soumise à la loi. Laissons donc tomber cette querelle des viandes, qui me fait penser aux débats théologiques du Moyen Âge, et concentrons-nous sur les vrais problèmes qui sont suffisamment nombreux pour qu'on ne s'en détourne pas.

lundi 5 mars 2012

Sarkozy revient à St-Quentin.

A l'heure où j'écris, Nicolas Sarkozy est dans nos murs, à Saint-Quentin, visitant un lieu que je connais bien : l'EPIDE, Etablissement public d'insertion de la Défense, où je me rends une fois par mois pour animer une séance de café philo, en présence d'une vingtaine de jeunes volontaires, très enthousiastes, pleins d'idées alors même que la vie ne les a pas trop gâtés.

L'EPIDE c'est une belle réalisation. Son directeur, Michel Devisscher, est un homme de grande rigueur et d'humanité. Pourtant, au départ, quand on est de gauche et enseignant, on tique un peu : un encadrement militaire (tenue uniforme, marche au pas, lever des couleurs, ...) pour réinsérer des jeunes en difficulté, on se dit spontanément qu'il y a mieux en matière d'éducation.

Et puis, comme souvent dans la vie, on se rend compte qu'on se fait des idées, que la réalité n'est pas tout à fait celle-là, que l'aspect militaire reste léger et surtout que ce mode d'organisation est d'une grande utilité pour les jeunes, les résultats faisant foi. Je me sens maintenant très à l'aise à l'EPIDE, je salue ses volontaires et leurs cadres qui font un magnifique travail. Leur présence nous est devenue familière dans les manifestations saint-quentinoises.

Et la visite du président de la République dans tout ça ? C'est son droit de chef d'Etat et sans doute, de son point de vue, son devoir de candidat à la présidentielle. Nous verrons bien s'il en profitera pour lancer un message national. Quoi qu'il en soit, je crois qu'il est malvenu de protester contre cette présence, à l'instar de mes camarades communistes qui ont prévu de manifester cet après-midi devant l'hôtel de ville. Ça n'a vraiment aucun sens. Et ils veulent le faire en agitant un balai ! Je comprends la lourde symbolique mais franchement la gauche locale n'a-t-elle pas mieux à faire ? J'espère que le parti socialiste ne va pas se joindre à cette action qui ne saurait être que marginale et folklorique.

En matière de manifestation, j'ai un principe : il faut descendre dans la rue pour défendre des convictions politiques ou des revendications syndicales. Mais il n'y a pas à défiler contre telle ou telle personne, y compris le chef de l'Etat. Je fais une exception : les manifs contre le Front national, qui me semblent parfaitement légitimes, ce parti pas comme les autres représentant un danger pour la République.

dimanche 4 mars 2012

Si Hollande gagnait ...

Il n'est plus présomptueux de prévoir aujourd'hui une possible victoire de François Hollande à l'élection présidentielle, même si un retournement de l'opinion n'est pas à exclure jusqu'au dernier jour. Ce choix d'un président socialiste, vingt-quatre ans après François Mitterrand, aura évidemment des conséquences politiques d'ampleur, au-delà d'un changement à la tête de l'Etat. A Saint-Quentin, ce prévisible événement aura trois effets positifs à gauche :

1- Très directement, la victoire d'Anne Ferreira sur Xavier Bertrand deviendra envisageable, dans la perspective d'une "vague rose" aux élections législatives comparable à celle de 1981. L'ancrage socialiste local étant faible comme l'attestent les résultats des scrutins locaux ces dix dernières années, il n'y a qu'un élan national puissant qui laisse espérer une victoire de la gauche. Tout dépendra de la dynamique présidentielle, de la force de sa poussée. Rien ne sera en tout cas automatique mais tout redeviendra possible.

2- Plus durablement, un gouvernement de gauche influera sur les mentalités, les comportements politiques. J'ai pu le vivre en tant que secrétaire de section à l'époque de Lionel Jospin, de 1997 à 2002. Les militants doivent alors assumer des réformes, défendre des choix, répondre aux critiques, bref sortir de la culture d'opposition. L'état d'esprit n'est plus le même que celui de simple contestation à l'égard de Nicolas Sarkozy et Xavier Bertrand. Dans ces circonstances, la ligne radicale tient plus difficilement, n'est pas dans son élément naturel alors que la ligne réformiste retrouve un espace, une fonction.

3- Avec la victoire de François Hollande, nos partenaires saint-quentinois d'extrême gauche seront mis au pied du mur. Ils n'auront plus affaire à un parti socialiste utilisable comme force d'opposition, une section décentrée mais un parti de gouvernement dont la politique forcément social-démocrate sera largement combattue par eux. Les alliances locales deviendront intenables, la fiction d'une gauche saint-quentinoise détachée des orientations nationales tombera. Je prédis que la rupture ne viendra pas des responsables socialistes mais des instigateurs de l'alliance, POI au premier chef, qui ne pourront pas très longtemps, nonobstant la dialectique lambertiste, se maintenir en partenaire d'un parti désormais gouvernemental.

Je vois en politique, peut-être aussi dans la vie en général, deux formes de pédagogie : la pédagogie par l'échec, où l'on comprend dans la douleur les fautes commises, à la façon de la cruelle défaite socialiste devant l'extrême droite aux élections cantonales à Saint-Quentin (n'étant pas maso, cette forme d'enseignement n'a pas pas ma préférence). Ou bien la pédagogie par la réussite, qui démontre à quelles conditions une victoire est possible, qui fait ouvrir les yeux sur la réalité d'une situation (je pense aux résultats des primaires, où François Hollande a devancé Martine Aubry sur la ville) : si François Hollande gagnait, c'est toute la gauche saint-quentinoise qui s'en porterait mieux, renouant alors avec le réalisme et l'espoir.

samedi 3 mars 2012

Dites-le avec les dents.

On me reproche souvent de ne pas assez sourire. Certaines personnes bien intentionnées, promptes à me donner des conseils, croyant que j'ai un avenir politique, s'inquiètent pour moi. Il arrive que Colette Blériot me soit donnée en exemple. Je les en remercie mais sourire n'est pas dans ma nature. Quelques connaissances, vaguement psychologues comme un peu tout le monde aujourd'hui, y décèlent un tourment caché, un voile de tristesse, un mal-être. Tant de sollicitude me va droit au coeur mais non je vais bien, j'ai l'humeur plutôt gaie, même la situation de la gauche locale ne me déprime pas : je ne souris pas c'est tout, c'est musculaire ou génétique, je ne sais pas.

Pourquoi vous dire ça ? Parce qu'un bar à sourire vient d'ouvrir en ville. La boutique s'appelle aussi institut de blanchiment dentaire, qui fait plus sérieux, plus scientifique. Si je ne savais pas depuis longtemps que le ridicule ne tuait pas, je serais très étonné. Là je suis simplement amusé ; ça me ferait presque sourire. C'est quoi une société qui se préoccupe de la blancheur de ses dents ? Je vous laisse réfléchir ... En attendant, je vous en fais une lecture politique :

La mode de la dentition parfaite et exhibée est un effet parmi d'autres de l'impérialisme culturel américain. Montrer ses dents, en être fier, en faire un signe de distinction sociale nous vient des Etats-Unis. Qui surnommait-on "dents blanches" en 1965 ? Jean Lecanuet, candidat à la présidentielle, pro-américain, admirateur du très souriant Kennedy. Vous imaginez de Gaulle sourire de toutes ses dents ? Impensable ...

Attention : je distingue le sourire américain du sourire européen (Mona Lisa) et oriental (le Bouddha). Ces deux derniers sont synonymes de finesse et de sérénité, le premier est un automatisme discriminant. Regardez-les à la télé : tous prennent soin de montrer leurs dents jusqu'aux oreilles, on peut quasiment les compter, ça ressemble au clavier d'un piano où il n'y aurait que des touches blanches.

Au début des années 90, une histoire de sourire a défrayé la chronique sociale et politique : à l'arrivée de Disneyland en France, le contrat de travail de ses employés stipulait que le sourire à la clientèle faisait partie des obligations professionnelles. Au pays des commerçants qui font la tronche et des garçons de café qui vous regardent à peine, la clause passait mal. Aujourd'hui elle est acceptée : le sourire américain a gagné !

vendredi 2 mars 2012

Les injoignables.

Dans ma lecture quotidienne de la presse locale, il y a régulièrement un moment savoureux : c'est lorsque je lis que tel élu, tel responsable politique, tel président d'association sont "injoignables". A notre époque d'hypercommunication, où n'importe qui gratouille son mobile ou son ordi, plus personne n'est injoignable ou ne devrait être injoignable. Même à l'autre bout du monde, le contact peut se faire.

Injoignable signifie donc : qui ne veut pas être joint, ce qui est étrange et même anormal pour un élu, un responsable politique ou un président d'association puisque ce sont des personnages publics, qui à ce titre se doivent de répondre aux sollicitations de la presse, d'autant qu'ils sont les premiers à faire appel à elle lorsqu'ils ont une information à transmettre. Manifestement, la réciprocité n'est pas le fort des injoignables.

L'intelligence non plus : ne pas répondre à un message laissé par un journaliste sur votre répondeur, c'est avouer qu'on est gêné par l'interpellation, qu'on craint les questions, c'est finalement mettre en relief qu'il y a bel et bien un problème, c'est trahir paradoxalement qu'on a quelque chose à cacher . On ne fait pas plus maladroit que ça. Si la politique de la chaise vide est la pire des politiques, il en va de même pour celle du téléphone muet. J'ajouterais que la simple courtoisie exige qu'on rappelle celui qui vous appelle et qui ne vous a pas eu.

Les injoignables me font penser au méprisant "cause toujours, tu m'intéresses" des indifférents ou au laconique "on vous rappellera" de la secrétaire qui se débarrasse ainsi de son interlocuteur. Je ne dis pas qu'il faut se soumettre aux demandes de la presse, les considérer comme des injonctions ; il y a des questions dont les réponses sont impossibles ou qui doivent demeurer discrètes. Mais au moins suffit-il de s'en justifier, de le signaler, au lieu de l'insupportable et condescendant silence.

jeudi 1 mars 2012

100 000 euros, 75%.

Ce qu'on retient d'une campagne électorale, ce sont deux ou trois propositions qui marquent. En 1981 je me souviens des nationalisations et de l'abolition de la peine de mort, en 1997 des 35h et de la CMU. Chez François Hollande, les 60 000 postes dans l'Education nationale, annoncés pendant les primaires, et il y a quelques jours l'imposition à 75% des rémunérations dépassant les 100 000 euros mensuels feront date. Je veux revenir sur cette dernière mesure.

Elle est conforme à la tradition du socialisme, qui repose sur la redistribution fiscale. Elle a le mérite de clarifier les enjeux : la droite s'y oppose bien sûr, mais l'extrême droite aussi, alors qu'elle se présente comme le parti des ouvriers. L'extrême gauche trouve que le candidat socialiste ne va pas assez loin. Chacun à partir de là fera ses choix. Je veux cependant répondre à quatre objections :

- Hollande n'aime pas les riches. Non, le problème politique n'est pas d'aimer ou non les riches, pas plus que les pauvres d'ailleurs, mais de défendre l'intérêt général et la solidarité nationale. Même avec une imposition à 75% d'une rémunération dépassant les 100 000 euros par mois, les riches resteront riches. Je ne crois pas que leur sort soit fondamentalement menacé ni qu'il faille s'en inquiéter.

- Cette mesure ne va rien rapporter. Non, une tranche d'impôt ramène toujours de l'argent dans les caisses de l'Etat ou je n'y comprends plus rien en économie élémentaire. Ce qui est vrai, c'est que les sommes ne seront pas immenses et ne rétabliront pas à elles seules les comptes de la nation. Mais ce n'est pas l'objectif : ce qui est recherché, c'est beaucoup plus de justice sociale. Même la droite convient que certaines rémunérations sont indécentes. Sauf que Nicolas Sarkozy renvoie le traitement de ce problème aux actionnaires des entreprises. Je crains que ça ne change rien.

- Les riches vont quitter la France. Non, les riches qui ne supportent pas l'impôt ont déjà les moyens de partir ; ce n'est pas une imposition supplémentaire qui va les en décider. Et puis, s'ils le désirent, qu'ils s'en aillent ! De toute façon, ils ne le feront pas. Le feraient-ils que d'autres les remplaceraient tout aussi avantageusement. Personne n'est indispensable. La force de la France est dans toutes ses énergies, pas seulement dans une petite minorité de nantis.

- Aucun pays n'a jamais adopté une telle mesure. Je n'en sais rien, je ne suis pas économiste. Je sais tout de même que les taux d'imposition dans les social-démocraties nordiques sont très élevés, "confiscatoires" comme disent ceux qui leur sont hostiles. Mais peu importe : la France n'a pas à se déterminer par rapport à ce que font ou ne font pas les autres pays mais par rapport à ce qu'elle croit être juste ou non. Si nous sommes les seuls à prendre la mesure que prône François Hollande, pourquoi pas ? Il vaut mieux donner l'exemple que suivre.