lundi 30 avril 2012

Janine Marcos.




Janine Marcos ne sera pas demain matin dans le défilé syndical du premier mai, contrairement à son habitude. Elle nous a quittés samedi, à l'âge de 91 ans. Janine était une femme de gauche, une syndicaliste, une militante associative, toujours présente dans les manifs saint-quentinoises, y compris ces dernières années. Longtemps adhérente à Rencontre Citoy'Aisne, participant au café philo, elle avait été notre invitée le 7 mars 2003, lors d'un dîner-débat où elle était intervenue sur le thème "Luttes d'hier et combats d'aujourd'hui", relatant sa longue et riche expérience.

Je la voyais régulièrement, dans les réunions, les rassemblements, les inaugurations. Elle était très fidèle à ses amis, discrètement, sans souci de notoriété ou de gloire. Ma dernière rencontre avec Janine date du 10 mars, au palais de Fervaques, où elle avait été mise à l'honneur dans le cadre de l'exposition "Femmes d'ici et d'ailleurs". D'une humeur toujours égale quoique se déplaçant de plus en plus difficilement, nous avions échangé quelques mots qui suffisaient à nous comprendre, elle et moi ayant en commun le peu de goût pour le bavardage et l'épanchement. Elle me disait "Emmanuel" comme si elle me connaissait depuis toujours, et moi "Janine" comme si nous étions intimes, ce que nous étions mais à notre façon, sans avoir à parler et à être démonstratif, sans avoir besoin d'en savoir beaucoup l'un sur l'autre.

Le sourire et le regard de Janine Marcos sont ce que je retiendrai surtout d'elle, parce qu'ils constituaient toute sa personnalité, montraient ce qu'elle avait immédiatement de meilleur en elle. Ce sourire et ce regard étaient plein de gaîté et de bonté, ce qui n'est pas si fréquent dans les sourires et les regards que je croise. Elle était fille de batelier, avait eu dix enfants, une vie pas facile, elle était consciente des injustices de ce monde qu'elle ne cessait de dénoncer mais elle avait cette vertu rare de ne jamais se plaindre, de ne pas faire état de ses difficultés personnelles, situation sociale ou santé. Elle avait le militantisme joyeux, optimiste, dépourvu de toute rancoeur, jalousie ou ressentiment. La gauche est belle quand elle est ainsi. Janine était belle.

Il y a une explication à cette mentalité "positive", comme on dit aujourd'hui : Janine avait la foi, appartenait au courant des chrétiens de gauche, encore très vivant à Saint-Quentin, savait ce qu'était l'espérance. Elle se rattachait à une histoire aujourd'hui oubliée, le mouvement populaire des familles (MPF), lancé en septembre 1941, dont l'objectif était la défense matérielle et morale des familles ouvrières. Après guerre, Janine et son époux ont fondé sur Chauny un service d'aides familiales, avec des membres de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne). Les besoins étaient si grands que plusieurs aides familiales ont été embauchées. Des lave-linge, une nouveauté pour l'époque, ont été achetés et mis à disposition dans plusieurs quartiers, afin de soulager les femmes de la corvée qu'est la lessive. Puis, une maison de repos, transformée ensuite en maison de vacances familiales, a été créée à Oulchy-le-Château. Le militantisme de Janine Marcos n'était pas vraiment idéologique mais du quotidien, "concret" et "citoyen", comme on dit aujourd'hui.

Demain, dans le rassemblement du premier mai, à 10h30 devant la Bourse du Travail, quelqu'un nous manquera, c'est certain. En achetant le brin de muguet, nous aurons une pensée pour Janine Marcos. Ses obsèques auront lieu mercredi, à 14h30, en l'église Saint-Martin à Saint-Quentin.


En vignette, Janine au premier plan, bras croisés, en 2004, à Rouvroy, lors de la réunion de soutien à ma candidature aux élections cantonales, en présence de Dominique Strauss-Kahn.


















dimanche 29 avril 2012

L'heure des braves.




Ce matin, à 10h15, il fallait être brave pour se retrouver place de l'hôtel de ville à Saint-Quentin. Braver la pluie, braver un ciel gris de fin du monde, braver surtout un vent d'enfer qui faisait tomber les pierres des maisons. Et puis c'est dimanche, il y a la couette, le brunch et pour certains la messe. Pour beaucoup, il y a en ce moment les vacances. On ne peut pas grand chose contre ça ! Ils étaient donc quelques dizaines de braves pour commémorer le souvenir de la déportation sous un temps qui avait pris des couleurs de tragédie. La grande place était vide : la fanfare s'était réfugiée sous l'entrée du théâtre Jean-Vilar et les porte-drapeaux sous celui de la mairie.

Le maire Xavier Bertrand est sorti du bâtiment entouré de ses adjoints. Il était là parce qu'il est toujours là. Pour les autres, la présence est protocolaire, morale ou politique. Les candidats aux législatives n'étaient pas si nombreux. Les camarades communistes étaient absents (je me demande d'ailleurs s'ils n'ont pas renoncé à se présenter ?). Car c'est une cérémonie qui normalement leur tient à coeur. Anne Ferreira et Jean-Claude Capelle, les deux seuls élus de gauche, attendaient la troupe devant le monument du boulevard Gambetta.

Quand le défilé s'est engagé dans les rues de Saint-Quentin, il pleuvait encore. En marchant, on discute forcément, de tout et de rien, entre autre des élections. "Le vent tourne", me dit mon voisin sans que je sache vraiment si la remarque était atmosphérique ou politique. La plupart de ces braves sont tête nue, affrontant fièrement les éléments déchaînés. Ne pas avoir de couvre-chef, c'est un signe de liberté. Il y a quelques parapluies tout de même, dont deux géants, bleu et blanc, capable d'abriter un régiment, tenus respectivement par Freddy Grzeziczak et Marie-Laurence Maître. Avec ce vent violent, il faut des parapluies résistants. Au moment de se séparer, à la fin de la cérémonie, deux anciens combattants se sont dits : "A l'an prochain, si on est encore vivant". Mais les braves ne meurent jamais.






samedi 28 avril 2012

FJT.



Le foyer des jeunes travailleurs de Chauny m'a invité à venir hier soir faire une petite animation autour de la question "Pourquoi voter ?" que j'ai traitée à la façon d'un café philo : n'imposer aucune idée, amener chacun à réfléchir, favoriser la libre expression des opinions. Je ne me sens pas le droit, encore moins le devoir d'administrer une leçon de morale, même civique. De toute manière, ce genre de méthode ne marche plus, est contre-productive. Bien sûr, je dis ce que je pense, qu'il vaut mieux exercer ses droits que les laisser à d'autres. Mais sans rien imposer, sans prétendre détenir une vérité exclusive.

Il y a une trentaine d'années, j'ai commencé dans la vie professionnelle en étant hébergé dans un FJT. Aujourd'hui, cette structure a bien changé : il n'y a pas que des jeunes et tous n'ont pas un travail. Hier soir, une vingtaine, sur la centaine de résidents, avait choisi de me rencontrer, pendant une heure de débat. Vingt sur cent, c'est une très bonne proportion pour ce type d'activité. J'ai évidemment demandé à chacun de taire ses préférences politiques, rappelant que nous n'étions pas dans un meeting mais une réunion de réflexion pour essayer de comprendre cet acte pas si évident, aucunement naturel qui consiste à se déplacer pour aller mettre un bulletin dans une urne après avoir tiré un petit rideau pour cacher son choix. Avec surtout ce qui précède : s'intéresser à une campagne électorale, écouter les candidats, lire leur profession de foi.

Parmi les intervenants, il y avait ceux pour qui voter va de soi, comme une évidence, parce que la politique est une chose importante, parce que la vie quotidienne en dépend, parce que l'existence humaine ne consiste pas non plus à penser qu'à soi, parce que nous vivons avec d'autres, dans ce qu'on appelle la société. Il y avait ceux qui, au contraire, m'ont dit ne pas aller voter, depuis toujours, parce que ça ne sert à rien, parce que les puissants ne s'occupent pas des "petits", parce que les promesses ne sont jamais tenues. Si je me range du côté des premiers, je comprends aussi parfaitement les seconds. Quand on est comme eux, parfois sans emploi, avec peu d'argent, que l'avenir est depuis longtemps bouché, qu'est-ce qu'on peut encore espérer de la politique, d'une élection ? Si j'étais à leur place, j'aurais peut-être la même réaction ...

A eux tous, dont j'ai respecté chaque opinion, j'ai simplement, à la fin, livré cette réflexion, les laissant libres d'en faire ce qu'ils veulent : depuis que le monde est monde, les puissants ne demandent jamais l'autorisation pour occuper le pouvoir et le conserver. La République soumet ce privilège à la décision du peuple, sans tenir compte de l'avis des puissants. Ce n'est pas rien, c'est exceptionnel, ça ne durera peut-être pas des millénaires : profitons-en. Dès qu'un bout de pouvoir est mis quelque part aux voix, il faut s'en mêler. Même si ce pouvoir était dérisoire, comme désigner quelqu'un pour surveiller à la porte des chiottes (poste qui susciterait j'en suis certain, aussi dérisoire soit-il, des convoitises puisque l'être humain est prêt à se battre pour la moindre parcelle de pouvoir) il faudrait mettre son grain de sel, s'intéresser à cette petite affaire et aller voter. J'espère que je reviendrai prochainement au FJT de Chauny pour débattre d'un nouveau sujet, d'amour, de bonheur, de liberté. Parce qu'il n'y a pas non plus que la politique dans la vie des jeunes travailleurs !

vendredi 27 avril 2012

Gagnants et perdants.



Notre vie politique et médiatique est étrange : des victoires et des défaites passent à la trappe, sont oubliées. Dimanche soir, le grand vainqueur était incontestablement Jean-Luc Mélenchon, et encore plus le parti principal qui constitue son Front de gauche, le PCF. Celui-ci en cinq ans a multiplié par cinq son score, aucun autre parti n'a réussi une telle performance. Son candidat n'espérait pas au départ un résultat à deux chiffres, c'est fait. Non, ce qu'on retient, c'est le score du FN, certes très important mais qui n'a pas connu une nouvelle poussée d'envergure, Le Pen fille ne parvenant même pas à rééditer la qualification du père au second tour.

Jean-Luc Mélenchon est victime de lui-même et de ces médias qu'il vitupère pourtant avec force. Le score qu'on lui donnait, autour de 15% et pourquoi pas plus, était inévitablement exagéré. Une dynamique a été créée par sa bonne campagne, mais son amplification médiatique très largement artificielle. Mélenchon s'est laissé prendre à son propre lyrisme et à ces effets en trompe-l'oeil. Grisé, il a cru bon jouer la posture du troisième homme, allant jusqu'à espérer être le second, et là le bouchon était lancé trop loin. En se donnant pour objectif de dépasser le FN, il se condamnait à échouer dans la victoire, limitant sa portée, la transformant étrangement en défaite, lui donnant le goût amer de la déception. En demandant à être jugé là-dessus, ce politique pourtant avisé se piégeait lui-même. Je sais bien que l'idéal sert à faire bouger les lignes comme la foi déplace les montagnes, mais point trop n'en faut.

Le grand perdant, c'était dimanche soir Nicolas Sarkozy. Tout le monde a répété qu'un président sortant qui n'arrive pas en tête au premier tour ne s'était jamais vu. Bien sûr, mais ce perdant est tout de même retenu pour le second tour. Et puis, la situation étant ce qu'elle est, ce candidat aurait pu s'attendre à pire. Il peut encore espérer l'emporter "d'un cheveu", selon l'expression révélatrice de Xavier Bertrand (même si je ne crois pas en sa victoire).

Non, le grand perdant de ce scrutin, c'est Eva Joly, partie de 7% dans les intentions de vote et retombant à 2%. Une pareille chute est assez rare. On a oublié que la candidate écologiste avait il y a un an une bonne image, une forte notoriété, tout ça ayant été dilapidé dans une mauvaise campagne. C'est d'autant plus catastrophique que les Verts sont ces dernières années une force politique montante, que leurs idées imprègnent l'air du temps et que les accords électoraux avec le PS les avantagent grandement.

Bref, les gagnants et les perdants ne sont pas ceux qu'on croit et qu'on retient, sachant tout de même qu'en politique tous sont perdants sauf celui, l'unique, qui accède au pouvoir.

mercredi 25 avril 2012

L'ivresse de la victoire.



Drôle de photo dans l'édition d'hier de L'Aisne Nouvelle, à la rubrique du petit carillonneur : Freddy Grzeziczak, maire-adjoint, en grande discussion Jean-Pierre Lançon, conseiller municipal d'opposition, complètement hilare. Nous sommes au palais de Fervaques, dimanche soir, après l'annonce des résultats. Généralement, les commentaires des uns et des autres qui suivent la proclamation officielle sont très convenus, d'autant que les résultats nationaux ne sont pas encore connus. Mais là, entre le gaulliste et le socialiste, l'échange est original. C'est même du lourd, comme on dit aujourd'hui.

Le propos est entre la confidence privée et l'échange politique, le règlement de comptes et la querelle de famille (Freddy a passé plus de temps à gauche qu'à droite). C'est assez surréaliste quand on sait qu'un journaliste était là pour rapporter ce dialogue hallucinant, qui navigue entre le factuel et l'allusif, traite de boulot et de sexe, mêle le sérieux et la gaudriole. On a l'impression que les deux interlocuteurs n'ont pas conscience que leur petite dispute est écoutée et enregistrée. Ce sont pourtant l'un et l'autre des hommes publics, dans un moment politique très particulier, en un lieu lui aussi public.

J'en viens à me demander quelle est, dans cette scène baroque, la part de comédie et la part de sincérité. Nous sommes aussi, il me semble, dans l'ordre du lapsus révélateur (le recrutement familial dans l'ancienne municipalité communiste), dans l'aveu pour le coup assez désarmant. L'explication ? Le journaliste a ressenti de l'euphorie et du délire. La politique, activité souvent grise et ingrate, a aussi ses moments de griserie et de gratification. A Saint-Quentin, nous avons le délire poétique de Daniel Wargnier, le délire méchant d'Antonio Ribeiro, le doux délire de Stéphane Monnoyer : c'est maintenant le tour au délire allègre et rigolard, l'ivresse de la victoire. Mais comment le lecteur lambda, qui ne connaît rien à tout ça, perçoit-il en lisant son journal ce qui est montré et raconté là ? Je reste dubitatif ... Qu'est-ce que ce sera dans quinze jours, quand François Hollande sera élu président de la République ? Je crains beaucoup ...

mardi 24 avril 2012

Une France qui souffre ?



Pendant la soirée électorale de dimanche et depuis, j'entends régulièrement parler de "la France qui souffre" pour qualifier l'électorat de Marine Le Pen. Arrêtons si vous le voulez bien cette escroquerie, volontaire ou pas. Le FN n'a certainement pas le monopole de la souffrance. En quoi les autres candidats, quels qu'ils soient, n'attireraient-ils pas eux aussi cette "France qui souffre" ? Il y a des malheureux qui votent Hollande, Sarkozy, Poutou, etc. Ce privilège du malheur humain accordé à l'extrême droite, qui n'est qu'un mensonge, m'exaspère.

Et n'allez pas me dire que les citoyens en souffrance (puisque c'est ainsi qu'on parle aujourd'hui) sont plus nombreux chez les électeurs frontistes. J'ai déjà fait sur ce blog la démonstration que c'était faux, que la part ouvrière était minoritaire : la France du Front est constituée majoritairement de commerçants, d'artisans, de petits patrons, d'anciens UMP qui ne souffrent pas plus que vous et moi, qui ont autant de problèmes que vous et moi, ni plus ni moins. Arrêtons donc cette arnaque, ce chantage à la souffrance, malhonnête comme il n'est pas permis.

Ce qui est détestable dans l'excuse de la souffrance, c'est qu'elle sous-entend que la difficulté sociale engendrerait forcément le vote extrêmiste, et le plus détestable qui soit, pour des raisons historiques, le vote nationaliste, poujadiste, néo-fasciste (car c'est bien de cela dont il s'agit quand on entend les discours de Marine Le Pen). Non, la souffrance ne rend pas nécessairement aveugle ou fanatique, elle n'interdit pas un choix raisonnable, de gauche ou de droite. Ce préjugé d'irrationalité qui frapperait ceux qui souffrent est insupportable d'un point de vue républicain, qui accorde à chaque citoyen la même part de conscience, de sensibilité, d'intelligence. C'est un préjugé social, un préjugé de classe.

Et puis, la souffrance n'est pas une catégorie ou un argument politiques, c'est une réalité personnelle, intime, psychologique, difficile à cerner (qui souffre, qui ne souffre pas ?), qui n'a pas sa place dans le débat idéologique, qui est en réalité odieusement manipulée, instrumentalisée. Loin d'être la France qui souffre, je dirais plutôt que l'électorat frontiste représente la France qui fait souffrir d'abord les petits, les exclus, les pauvres, les immigrés. Personne n'ose le dire à cause du tiroir-caisse électoral mais il s'agit bien de cette France-là, éternellement trouillarde, lâche, bête, jalouse, mesquine, haineuse et xénophobe jusqu'au trognon.

Cet électorat-là fait mal à la France, salit son drapeau, dénature le patriotisme, détériore l'image de notre pays dans le monde. J'aimerais qu'on cesse d'en parler, de le mettre au centre du débat public : il faut le cacher, comme une maladie honteuse. Et rappeler cette évidence : 80% des Français n'ont rien à voir avec ça, ne voteront jamais Le Pen, n'y pensent même pas. Le peuple le voilà ! et pas ces 18% de misérables qui s'en prennent aux malheureux. Que leurs voix aillent au diable !

lundi 23 avril 2012

Transformer l'essai.


Au lendemain du scrutin présidentiel, la gauche saint-quentinoise se retrouve avec de nouvelles responsabilités. Elle n'est plus simplement une force d'opposition, elle peut prétendre à remporter les prochaines élections locales, législatives et municipales, donc à gérer la ville. En effet, dans 30 bureaux sur 39 au total, François Hollande arrive en tête, ce qui est énorme. Nicolas Sarkozy résiste bien dans ses places fortes traditionnelles, le centre ville et quelques quartiers. De 2007 à 2012, il y a eu quasi inversion à Saint-Quentin des rapports de force entre UMP et PS.

Très inquiétant : le FN est en deuxième position dans 22 bureaux, dont la plupart sont dans les quartiers populaires. L'extrême droite est la force politique qui réalise la plus grande progression : plus 7 points par rapport à 2007 ! A noter aussi que François Bayrou réalise ses meilleurs scores dans les bureaux traditionnellement classés à droite, preuve que son électorat, à Saint-Quentin, est plutôt de ce côté-là. Enfin, plus anecdotique, Nicolas Dupont-Aignan dépasse Eva Joly (1,78 contre 1,29) : c'est Freddy qui doit être content, c'est Nora qui doit être marrie !

En situation de l'emporter, le parti socialiste doit capitaliser le succès d'hier. Les conditions de la réussite sont là, encore faut-il en faire quelque chose. Car ce serait un tort de croire qu'il y aura un report mécanique des voix de la présidentielle à la municipale en passant par la législative. Il faut nécessairement transformer l'essai, comme on dit en langage sportif. L'analyse des résultats du premier tour invite la gauche locale à trois responsabilités nouvelles :

1- Face au dramatique et puissant vote FN, la gauche doit reconquérir les quartiers et les populations abandonnés. Ce vote n'est hélas pas uniquement un cri de colère ou l'expression d'une souffrance : c'est l'adhésion à des valeurs, à une idéologie opposées à celles de la gauche. Ces électeurs ne reviendront pas spontanément vers le PS (au contraire, beaucoup seront plus enclin à se reconnaître dans le discours de l'UMP). Le PS ne doit donc pas se cantonner à l'activité électorale, militante et partisane, aussi noble et utile soit-elle. Mais c'est en investissant le monde associatif, la base sociale, ce qu'on appelle le terrain qu'une véritable reconquête des esprits pourra s'effectuer. La gauche, si elle veut gagner, ne pourra pas faire l'économie de ce travail de fond et de fourmi. C'est une stratégie de la présence, y compris médiatique, qu'il faut adopter.

2- Le proche avenir du PS saint-quentinois n'est plus du côté de l'extrême gauche, si tant est qu'il n'y ait jamais été. Les positions radicales, en soi estimables, ne sont pas électoralement profitables (sans parler de l'incohérence politique qu'il y a pour le PS de s'allier à l'extrême gauche, que je ne cesse de dénoncer depuis plusieurs années). Il me semble que l'heure de vérité a enfin sonné : le social-démocrate Hollande largement en tête, le radical Mélenchon en deça de son score national, l'extrême gauche marginalisée (la présence de trois conseillers municipaux n'a eu aucune influence électorale), il est temps d'en tirer les leçons, de tourner la page, d'adopter une ligne politique plus conforme à celle du PS national.

3- A Saint-Quentin, l'histoire récente nous a appris que de très bons scores du PS au niveau national ne se traduisaient pas forcément ensuite par de très bons scores aux élections locales. Entre les deux moments, il y a incontestablement une perte de crédibilité. Il y a surtout une droite locale, en la personne de Pierre André et Xavier Bertrand, influente, efficace et populaire. Le défi pour le PS, le challenge des semaines et des mois à venir, c'est de créer une véritable gauche locale, crédible, énergique, enthousiasmante, qui ne se contente pas de reprendre les discours nationaux mais avance des propositions pour Saint-Quentin, utiles, convaincantes, originales. A défaut, il y aura un rêve, un espoir de victoire, comme aux dernières cantonales, mais pas de réalité effective.

dimanche 22 avril 2012

De toutes les couleurs.


Ce soir à Saint-Quentin, au palais de Fervaques, les résultats électoraux s'affichaient sous forme de colonnes dont les couleurs avaient été plutôt bien choisies : rose pour Hollande, bleue pour Sarkozy, rouge pour Mélenchon, orange pour Bayrou, verte pour Joly et noire pour Le Pen, très noire, hélas trop noire pour notre ville : 22,36% ! C'est la première information, triste, dramatique, que je tire du scrutin localement.

Ensuite, je note que la gauche radicale, anticapitaliste ne fait pas un score énorme, moins en tout cas qu'au niveau national. J'ai presque envie de dire : hélas ! parce qu'à tout prendre, j'aurais préféré que la radicalité s'exprime de ce côté-là, rouge, que du côté noir. Mélenchon ne fait à Saint-Quentin que 9,68%, l'extrême gauche ne représente quasiment rien. Il faudra quand même s'interroger sur les conséquences de ces résultats sur les prochains scrutins locaux et les enseignements politiques à en tirer. Ce qui est curieux, c'est que les communistes rebelles (Bécourt et Tournay) étaient assez nombreux à Fervaques alors qu'ils ne soutenaient officiellement aucun candidat, étant très critiques à l'égard de Mélenchon.

Enfin, je me réjouis bien sûr de cette excellente première place de François Hollande, avec 30,25%, et l'écart important entre lui et Nicolas Sarkozy (25,82). Si, avec de tels résultats, la gauche locale ne remporte pas les législatives et dans deux ans les municipales, si elle ne parvient pas à capter et à faire prospérer la dynamique nationale, je comprendrai plus rien à la politique ou c'est qu'il y aurait vraiment un problème quelque part.

samedi 21 avril 2012

Une campagne française.



Un samedi de silence et un dimanche où le peuple donnera de la voix. En attendant, que peut-on retenir de ces présidentielles 2012 ? Comme les précédentes, au-delà des affrontements partisans, la campagne aura été un puissant révélateur de la société française, de ses aspirations et de ses contradictions. Cet aspect-là d'une élection, autant que la dimension politique, m'intéresse beaucoup. Cette année, trois traits d'une campagne très française m'ont frappé :

D'abord ce que j'ai remarqué dès le début, dont j'ai parlé sur ce blog : la demande souvent excessive de précision dans les échanges entre candidats. Le chiffre est devenu roi, jusqu'à ne plus vouloir signifier grand chose. Nous avons certes eu une campagne d'une grande qualité, contrairement à ce que disent les grognons, mais très technique, ce qui n'est pas l'idéal en démocratie.

C'est le reflet de notre société : des statistiques, des courbes, des camemberts en veux-tu en voilà. D'où le succès de ce journaliste au crâne chauve, dont j'ai oublié le nom, et qui aura fait les beaux jours des débats à la télévision. Ce n'est pas l'économique qui me dérange, c'est la tyrannie du chiffre : même le pap des socialistes (voir mon précédent billet) se décline en nombre de portes ouvertes !

Ensuite, je retiendrais la vogue des meetings géants, qui semblaient pourtant venir d'un autre temps. Mais notre société hyper-individualiste, maudissant le populisme, est en mal de peuple. Le voici le voilà, de retour, représenté, incarné, rassemblée en plein air devant ses leaders. "Je pense donc je suis", disait Descartes. "Je me montre donc j'existe", dit le peuple, aidé par les politiques. N'est-ce pas l'étymologie de la démo-cratie ? J'aime ces manifestations et aussi je me méfie : un type acclamé par 100 000 types, vous trouvez ça normal docteur ?

Enfin, il y a la contestation de la loi, y compris au plus haut sommet de l'Etat, des 500 signatures dont on discute la légitimité jusqu'à l'heure de publication des résultats qu'on n'accepte pas (voir mon billet de jeudi). C'est totalement nouveau. Avant n'existait pas ce genre de polémiques autour de points juridiques.

Le phénomène est d'ailleurs paradoxal : notre société remet fréquemment en cause la loi et excelle dans le juridisme ! Ainsi on a vu ces derniers jours apparaître une préoccupation à propos de ce qui se passerait constitutionnellement en cas de décès d'un candidat à la présidentielle. Je n'ai jamais vu cette question se poser lors des précédents scrutins. Voilà donc où nous en sommes. Et en 2017, qu'en sera-t-il ? Sûrement de nouvelles obsessions, des innovations surprenantes, des engouements inédits, au rythme où nous allons, où nous changeons.

vendredi 20 avril 2012

Vive le pap !

Ces derniers temps, quand un socialiste rencontre un autre socialiste, de quoi parlent-ils ? Non, pas seulement des résultats de la présidentielle, mais surtout du pap. Nous ne sommes pas tous devenus catholiques, ce n'est pas non plus une grossière faute d'orthographe : le pap est un sigle, puisque notre société, éducation nationale en tête, est siglée de la tête aux pieds. Dans mon lycée, les "professeurs principaux" n'existent plus mais les pépés (pp) sont bien vivants. C'est partout comme ça : il faut aller vite, ne pas perdre de temps, même en parlant. Et puis, un sigle ça fait plus chic, plus technique, un peu mystérieux, moins trivial. Allons donc pour le pap !

Mais ça veut dire quoi ? Porte à porte, tout simplement (oui, vous voyez, pap rend mieux). C'est la grande nouveauté de cette campagne, du moins côté socialiste. La nouveauté c'est vieux comme le monde, comme disait le directeur du théâtre des "Enfants du Paradis". Car le porte à porte est une très ancienne activité militante des partis politiques. Je la crois surtout efficace quand elle est répétée régulièrement, pas seulement en période électorale, et quand elle est pratiquée par des militants dans leur quartier (c'est la technique maoïste du poisson dans l'eau !)

Pourtant, ce fameux pap a bien quelque chose de totalement inédit, aussi important pour le parti socialiste que l'instauration des primaires citoyennes et le fichier Rosam des adhérents. Les trois dispositifs, très différents, répondent à une même philosophie, une évolution que je trouve excellente pour mon parti : un meilleur contrôle des sections, de leurs actions, de leurs résultats puisque le pap nécessite une remontée assez scrupuleuse de ce qui est fait sur le terrain. L'objectif à long terme est de forger un parti vraiment ancré dans la population, comme le sont les grandes organisations sociales-démocrates en Europe, au lieu de sections indépendantes ne réunissant que quelques militants autour d'élus. Cette transformation ne se fait pas sans mal tant elle bouscule les habitudes. Mais je la crois positive et inéluctable.

Ceci dit, ne jurons pas que par le pap ! Ce n'est pas la solution miracle (son inspiration est essentiellement américaine, reprise de la campagne d'Obama). La tradition française de présence sur les marchés et de distribution de tracts doit être maintenue. Le marché, c'est le coeur de la ville, la rencontre des citoyens, le brassage des populations : si les militants en disparaissaient, si la politique n'était plus visible dans cet espace populaire et public, ce serait dramatique pour la démocratie. Pire : ce serait laisser les marchés aux militants d'extrême droite, qui eux y sont bel et bien présents. Vive le pap oui, mais vive la pmm aussi ! (Présence Militante sur les Marchés)

jeudi 19 avril 2012

Le viol de la loi.

Nous vivons dans une société qui depuis une vingtaine d'années conteste systématiquement l'esprit des lois, sinon leur lettre. Par exemple, la notion à la mode de "désobéissance civique" est aberrante, contradictoire. Les décisions de justice sont régulièrement dénigrées, jusqu'à cette épouvantable formule souvent entendue : "La justice n'est pas juste". Nous avons une nouvelle et triste illustration de la corruption de l'opinion publique avec cette incroyable polémique sur la publications des premiers résultats électoraux dimanche prochain.

La loi, la raison, la tradition et le bon sens conjugués veulent que l'affichage public se fasse à 20h00 pile, pas une heure, pas une minute, pas une seconde avant. C'est la loi et c'est une juste et bonne loi : tant que le scrutin n'est pas clos, tant que le dernier citoyen n'a pas voté, rien ne doit venir influencer, pervertir le corps électoral. 20h00 doit rester une heure solennelle, un rite républicain, l'instant sacré où le suffrage universel dévoile ses choix, comme le prêtre lève l'hostie au moment de l'eucharistie.

Ne souriez pas à mes images : à force de tuer les symboles, les citoyens vont finir par ne plus croire en rien, par douter de tout ... sauf d'eux-mêmes. L'individualisme ambiant les conforte dans cette idée narcissiquement délétère. Le journal Libération, en voulant publiant les résultats vers 18h30, s'apprête vraiment à faire une très mauvaise action, une stupide transgression au nom d'une fausse conception de l'égalité : ce n'est pas parce que quelques happy fews ont par métier et par nécessité l'information que tout le monde doit la posséder.

Nous assistons une fois de plus à une confusion entre le public et le privé, le politique et le professionnel. Libé flatte une tendance détestable de notre époque : l'immédiateté, l'urgence, vouloir tout savoir le plus vite possible, en l'occurrence à peine deux heures avant. Et ça sert à quoi ? A rien. Il est sage de maintenir cette limite, de même qu'interdire la publication de tout sondage dès le vendredi soir : les médias doivent alors faire silence, la parole est réservée au seul peuple.

Autre attitude idiote envers la loi : la campagne de l'association Ni putes ni soumises contre l'interdiction du port du pantalon pour les femmes, loi tombée depuis fort longtemps en désuétude, qui n'exige donc pas qu'on s'oppose à elle. Son abrogation ne changerait strictement rien à l'état de nos moeurs qui ont heureusement évolué. Je sens derrière cette gesticulation dérisoire une occasion supplémentaire de moquer et discréditer notre législation, parce qu'on ne la comprend pas, parce qu'on oublie ou feint d'oublier que les lois sont toujours le reflet des mentalités, évoluant avec le temps.

Toutes ces polémiques mettant en cause la loi, aussi ridicules soient-elles, sont inquiétantes : la République c'est l'Etat de droit, qui repose sur la justice et la loi. On peut vouloir transformer celle-ci, c'est même l'objet et la grandeur de l'action politique. Mais il est dangereux, irresponsable, idéologiquement criminel de la transgresser. La loi se respecte ou se change, elle ne se viole pas (si ce terme très fort est utilisé, c'est pour bien marquer la gravité du délit).

mercredi 18 avril 2012

Mots de tête.

J'ai reçu comme vous l'enveloppe des professions de foi des candidats à l'élection présidentielle. Je n'en ai lu aucune puisque j'ai mon champion et que je connais les idées des autres. Et puis je n'ai pas trop le temps. En revanche, par politesse quand on reçoit n'importe quel courrier, je feuillette, je m'attarde sur la photo de première page et le slogan qui l'accompagne. Voilà ce que les dix candidatures m'ont inspiré :

D'abord, il y a une grande division entre ceux qui vous regardent dans les yeux (Arthaud, Poutou, Le Pen, Dupont-Aignan, Joly, Hollande) et ceux qui regardent de côté (Mélenchon, Bayrou, Sarkozy, Cheminade). Qu'est-ce qui justifie ce choix, politiquement, médiatiquement ? Droit dans les yeux, le candidat interpelle le citoyen, c'est bien. Visage de profil, le regard semble porter vers l'avenir, ce n'est pas mal non plus. Je remarque que tous ceux qui ont choisi cette dernière option se tournent sur leur gauche, même les candidats de droite ! Pour le lecteur, c'est plutôt la flèche du temps qui est suggéré, le futur étant alors à notre droite. Comme quoi l'interprétation est compliquée ...

Je m'intéresse ensuite au décor (le fond, c'est important ...). Il y a ceux qui ont simplement derrière eux une couleur unie : chez Arthaud, c'est tout blanc, genre photo d'identité. Bayrou, Le Pen et Dupont-Aignan ont le même fond (n'y voyez pas une allusion politique) : bleu pâle, délavé. Mélenchon a mis un rouge foncé (pas surprenant !) harmonisé à sa cravate. Sarkozy et Hollande ont choisi un joli bleu ciel, avec l'océan pour l'actuel président et un paysage terrestre pour le prochain président. Deux candidats ont choisi de faire figurer une scène particulière : des gens chez Poutou, sûrement des manifestants, un bâtiment avec des grilles sinistres chez Cheminade, champion du fond le plus pourri. Et Joly ? Pas de décor ! Sa tête mange toute la photo, s'étale en très gros jusqu'au cadre. Elle est la seule à oser ça.

Le seul qui sourit franchement, à montrer les dents, visiblement content, c'est Bayrou. Tous les autres ont le sourire discret. Le visage de Le Pen est tout en retenu, presque tendu, s'efforçant de ne pas montrer sa vraie nature, gueule de facho. Sinon, à part Poutou le révolutionnaire, tous les hommes portent la sacro-sainte et bourgeoise cravate. Joly évidemment exhibe ses lunettes ridicules, passées du rose au vert, qu'on dirait tirées d'une panoplie d'enfant.

Pour finir, il y a les slogans (c'est essentiel en politique, le slogan). Quatre candidats font référence à la France, solidaire (Bayrou), forte (Sarkozy), libre (Dupont-Aignan) et Le Pen ("Oui, la France", slogan le plus nul, à l'image de la candidate). Cheminade, lui, évoque carrément le monde, "sans la City ni Wall Street" (pourquoi pas le cosmos, puisque ce candidat propose la conquête de Mars ?) Deux candidats se réfèrent au changement, le vrai chez Joly (parce qu'il y a un faux ?) et maintenant chez Hollande (autant ne pas tarder). Mélenchon a le slogan le plus bizarre : "Prenez le pouvoir". Je ne vois pas ce que ça signifie. En démocratie représentative, on délègue, on ne prend pas le pouvoir. Poutou est le plus prolixe (deux longs slogans sur la même page !) et Arthaud la plus sobre : pas de slogan, simplement une identité, "candidate communiste" (Poutou se présente comme "ouvrier candidat").

Voilà, il ne vous reste plus maintenant qu'à aller voter dimanche.

mardi 17 avril 2012

Signes des temps.

Dans la littérature prophétique et apocalyptique, biblique par exemple, la fin du monde est annoncée par des signes avant-coureurs, pluie de grenouilles, nuée de sauterelles ou ciel enténébré. En politique, il en va de même pour une fin de règne : la chute de pouvoir est prévisible à certains événements précurseurs. Ainsi, la défaite de Nicolas Sarkozy se lit dans la récente actualité par des faits apparemment anodins mais significatifs, révélateurs d'une époque qui s'achève.

D'abord, il y a cette idée lancée dans le camp du futur perdant que son Premier ministre pourrait être François Bayrou. En appeler à l'adversaire, c'est admettre la défaite, c'est trahir qu'on est aux abois pour en arriver là. Le centriste n'a jamais cessé de critiquer l'actuel président de la République : lui tendre la main, c'est la plonger dans la gueule qui vous mord. La décadence commence quand vos propres forces vous lâchent, comme l'empire romain a décliné dès qu'il a dû recruter des mercenaires chez les peuples barbares.

Ensuite, il y a cette proposition inhabituelle venue de Nicolas Sarkozy : deux débats au lieu d'un seul entre les deux tours. Aucun débat on a déjà vu, mais deux jamais ! On voit mal d'ailleurs l'utilité de ce doublon. La réponse est dans la peur de perdre : le candidat de l'UMP joue son va-tout, se sachant fini. Il se dit qu'une maladresse médiatique de son adversaire peut encore faire mentir le destin. Mais jamais François Hollande ne se prêtera à ce jeu, n'acceptera de prendre ce risque.

Enfin, il y a le spectacle affligeant de ces dernières heures, les ralliements de celles et ceux qui ne veulent surtout pas se retrouver parmi les perdants, qui font le nécessaire pour complaire au nouveau pouvoir après avoir servi l'ancien : Martin Hirsch, Corinne Lepage, y compris la patronne du Medef et quelques chiraquiens. Les lois de la politique sont aussi implacables que les lois de la physique : les êtres humains vont vers le pouvoir comme le crachat en l'air retombe inévitablement au sol. Sarkozy et ses partisans vont connaître dans les trois prochaines semaines le chemin de croix des multiples trahisons. Ils m'en deviendraient presque sympathiques.

lundi 16 avril 2012

100 000 contre 100 000.

C'est amusant, les deux chiffres symétriques du match d'hier, la Concorde-Vincennes, ronds comme un ballon. La vérité, c'est que personne ne sait, qu'il est plus simple de renvoyer droite et gauche dos à dos : ils étaient des dizaines de milliers de chaque côté, on ne peut rien dire d'autre. D'ailleurs, quelle importance ? Ce ne sont pas des rassemblements de partisans véhiculés par cars entiers qui font l'élection. Je me demande même si ce genre de meetings ne sont pas d'abord organisés parce qu'il est impossible de vraiment comptabiliser leurs participants.

Car leur vogue, en ces élections présidentielles de 2012, est étrange. Elle nous fait revenir à la première moitié du 20è siècle, jusqu'aux années 1960, où le meeting en plein air était très répandu, de Jaurès à de Gaulle. Avec la civilisation du confort, les réunions publiques ont privilégié presque exclusivement les salles, où l'on est au chaud, assis, où c'est beaucoup plus confortable, sécurisé. Il y a cinq ans, Ségolène Royal avait même lancé le débat participatif, sans discours solennel, où les citoyens étaient disposés circulairement et invités à prendre la parole : tout l'opposé du meeting géant sur la place publique !

Qu'est-ce qui s'est donc passé pour que nous en arrivions là, à contre-courant des tendances de l'époque ? C'est Jean-Luc Mélenchon qui a commencé, suivi ce dimanche par Hollande et Sarkozy. Mon explication de l'engouement pour ces meetings risqués et compliqués à organiser, c'est qu'il donne autant la vedette au candidat qu'au peuple rassemblé ainsi massivement. Dans un monde fondamentalement individualiste, dans lequel le collectif a du mal à exister, où les élites sont continuellement contestées, le meeting de masse à ciel ouvert permet de prouver que le peuple est bel et bien là, visible, ce qui est bien le moins dans une démocratie.

dimanche 15 avril 2012

Le boudin a-t-il du sens ?







Le boudin a-t-il du sens ? Ça pourrait être un sujet de philo un peu frivole, c'est simplement de ma part une reprise de l'expression favorite de Xavier Bertrand à l'occasion de la Foire au Boudin, aujourd'hui à Saint-Quentin. Son inauguration est un must de la vie locale, que les élus et personnalités ne doivent manquer sous aucun prétexte. Il y avait pourtant moins de monde que d'habitude dans la salle Paringault décorée de maillots jaunes, Tour de France oblige.

Le Grand Maître de la Confrérie du Boudin de Saint-Quentin Saint-Jean, Daniel Caudron, tout de bleu vêtu, a commencé par les précautions d'usage en période électorale : attention aux mots choisis et surtout aux mots bannis ! Le maire a enchaîné et disserté sur le boudin qui rassemble, en pressant chaque élu à se soumettre à cette profane communion au sang de cochon (vignette 1). Voilà selon lui le sens de cette cérémonie devant quelques dizaines de personnes, quelques heures avant que le ministre ne se retrouve place de la Concorde devant quelques dizaines de milliers. Abyssal !

Le Bouffon de la Ville, Jean-Paul Lesot, tout de vert vêtu, dominait d'une tête les invités sur scène : un géant au dessus des grands (vignette 2), qui une fois de plus n'a pas épargné Marie-Laurence Maître, adjointe chargée de l'administration et du personnel. L'an dernier, il avait moqué son "pyjama", ce matin sa "robe de chambre". L'an prochain quoi ? Le sens du Bouffon c'est le sens de la dérision.

La traditionnelle intronisation a honoré cette année six bénévoles associatifs, et aucune personnalité locale. Les politiques leur ont cédé la place, se retrouvant inhabituellement au second rang (vignette 3). La très élitiste et initiatique confrérie céderait-elle à la démocratisation ? Ça aurait en effet du sens, de même que s'ouvrir aux femmes comme l'a annoncé solennellement le Grand Maître.

Parmi l'assistance, des présences étaient lourdes de sens : les communistes rebelles Corinne Bécourt et Jean-Luc Tournay, l'écologiste poète Daniel Wargnier (vignette 4). Les absences elles aussi avaient du sens. Les mignardises au boudin accompagnées d'un verre de rouquin étaient excellentes. Finalement, dans la vie, je me demande si ce qui a vraiment du sens ce n'est pas ça : manger et boire, modérément bien sûr, quand on est quelqu'un de sensé.

samedi 14 avril 2012

Le gagnant est ...

Je vous préviens : je fais faire quelque chose qui ne se fait pas, révéler le nom du prochain président de la République. Non ce n'est une prévision, une conjecture ou un souhait mais une certitude, une évidence, un constat. Le bon ton veut qu'on fasse semblant de faire comme si on ne savait pas, sous prétexte de laisser l'électorat libre de son choix. Je n'attente à la liberté de personne, j'énonce seulement une vérité ! Au risque de passer pour présomptueux ? Je m'en moque, il n'y a que la vérité qui m'intéresse ! Je ne veux pas jouer l'ignorant et ce billet témoignera en ma faveur ou me déconsidérera. D'autres se taisent parce qu'ils sont superstitieux, craignant que le destin ne se retourne contre eux au dernier moment. Ils se racontent l'histoire de la peau de l'ours et redoutent sa fin. Ils ont bien tort.

Ne soyons pas timides ou faussement modestes, disons simplement ce qui est : le gagnant de l'élection, le prochain président de la République c'est François Hollande. Je ne prends pas mes désirs pour des réalités, je prends la réalité pour ce qu'elle est, c'est tout. Jérôme Lavrilleux aura beau travailler, encore travailler, toujours travailler, ça ne changera strictement rien : on ne ramasse pas l'eau de la mer avec ses mains, Nicolas Sarkozy est perdu, fini, battu. Qu'est-ce qui me fait dire ça avec tant d'assurance ? Rien de particulier et tout en général, une ambiance, des réactions autour de moi, une forte intuition du genre de celles qui sont tellement puissantes qu'elles ne se démentent pas. C'est comme le printemps qui vient, ça ne s'explique pas, on y consent forcément.

Il y a bien sûr plus que le sentiment : aussi la réflexion. Les sondages, je n'y crois pas plus que vous. Mais quand une batterie de sondages vous donne sans exception le même gagnant, est-il rationnel de penser qu'un autre pourrait l'emporter ? Non. Une hirondelle n'annonce pas le printemps mais toute une bande oui. Si nous étions à trois mois du scrutin, je dirais que je n'en sais rien, que tout peut évoluer et s'inverser. Plus maintenant. Les jeux sont faits, rien ne va plus pour Nicolas Sarkozy. Il a cru longtemps en une théorie : le croisement des courbes, entre lui et le candidat socialiste. Drôle de théorie : à forcer de monter, Hollande ne pourrait finir un jour que par baisser ; à force de baisser, Sarkozy ne pourrait alors que monter, celui-ci dépassant celui-là à ce moment-là. On se raccroche aux théories qu'on peut mais celle-là ne tient pas : espérée, elle n'a pas été confirmée. Le légendaire croisement des courbes n'a pas eu et n'aura jamais lieu.

Tout cela n'a d'ailleurs rien d'extraordinaire, n'est que très normal en démocratie. La droite détient la présidence de la République depuis 17 ans, l'UMP gouverne pleinement la France depuis 10 ans, Nicolas Sarkozy a remporté une formidable victoire il y a 5 ans. Les présidents n'ont pas la longévité des monarques. La République vit au rythme des changements, dans un sens ou dans un autre : nous y sommes. Que la droite ne s'en émeuve pas : elle restera puissante, Sarkozy fera un score plus élevé qu'on ne croit et le résultat des législatives ne sera pas automatique. La gauche au pouvoir aura fort à faire, dans un registre qui n'est pas spontanément le sien : redresser les comptes publics. Sa majorité sera fragile, fondée beaucoup plus sur l'antisarkozysme que sur le hollandisme, avec en son sein une composante contestataire importante, l'électorat Mélenchon. Et puis, à l'UMP, la relève est assurée et motivée, Bertrand ou Copé. Cinq ans en politique comme dans la vie, ce n'est rien du tout. Jérôme Lavrilleux aura encore du travail, toujours du travail, beaucoup de travail.

vendredi 13 avril 2012

Cheminade, candidat space.

Parmi les petits candidats à l'élection présidentielle, il y en a un qui est plus petit que les autres : Jacques Cheminade, candidat space. On ne sait pas trop de quelle planète il vient. A l'écouter dénoncer la finance mondiale, on pourrait le ranger à l'extrême gauche. Mais quand on sait qu'il est proche du leader américain Lyndon Larouche, c'est du côté de l'extrême droite qu'il faut le situer. Lui se présente comme une sorte de gaulliste de gauche, ce qui en soi est contradictoire, de Gaulle n'ayant jamais cessé d'être un homme de droite. Et puis, le créneau du gaullisme social est déjà occupé dans cette élection, par Nicolas Dupont-Aignant.

Space, Jacques Cheminade l'est aussi puisqu'il propose de relancer la conquête de l'espace, direction Mars. Tout le monde se marre alors que c'est pourtant ce que notre candidat avance de plus sérieux et de plus intéressant. Depuis six ans de rédaction de blogs, j'ai régulièrement abordé ce thème : la civilisation humaine est l'histoire d'un développement géographique continu, qui est appelé à se poursuivre au-delà de notre planète, sous des formes encore insoupçonnées, grâce aux progrès fabuleux de la technologie. Que Cheminade véhicule par ailleurs des idées inquiétantes, que le personnage soit en partie fantaisiste ne discréditent pas ce projet.

Space enfin, les réunions de notre extra-terrestre : des meetings électroniques, sur le net ! Plus fort que Mélenchon sur la plage du Prado, Sarkozy à la Concorde ou Hollande à Vincennes, Cheminade sur la toile promet d'être le meilleur ! Royal avait inventé le débat participatif où le public est assis en cercle comme chez les alcooliques anonymes, Cheminade a lancé le meeting où l'on n'a plus besoin de se déplacer, où l'on peut rester sur sa chaise ou dans son lit. Avec les applaudissements électroniques à la clé ?

Quoi qu'il en soit, Cheminade est candidat, et je n'apprécie pas trop que certains journalistes le traitent avec condescendance et mépris. Cheminade n'est pas pire que Le Pen, de toute façon moins dangereux qu'elle, et pas moins sérieux. D'ailleurs, n'a-t-il pas la respectabilité et le costume de l'énarque ? Respectons donc la stricte égalité qu'impose la loi pour tous les candidats et ne nous moquons pas. Pour moi, une seule chose discrédite complètement Cheminade : sa mise en doute des attentats du 11 septembre. Je n'ai même plus besoin d'écouter le reste qu'en j'entends ça.

jeudi 12 avril 2012

Votez Poutou !

Avez-vous regardé Philippe Poutou hier soir à la télévision ? Un grand moment ! Du jamais vu je crois dans une élection présidentielle : un candidat complètement décalé, pratiquant volontiers l'autodérision, avouant s'emmerder dans ce qu'il fait, niant absolument toute ambition personnelle, se désintéressant du pouvoir au beau milieu d'une compétition pour le pouvoir. Il fallait quand même oser ! Il y a dans ce visage sympathique quelque chose qui me fait penser au comédien trop tôt disparu Patrick Dewaere.

Le plus drôle, c'est quand il a évoqué, avec ce sourire chez lui permanent, la séquestration des patrons qu'il pratique dans la bonne humeur et la joie, aucun journaliste ne s'étonnant de l'illégalité de l'action : Poutou peut dire ce qu'il veut, sa bonne tête fait tout passer. Si la campagne se prolongeait de quelques semaines, il serait capable de devenir aussi médiatique que Mélenchon !

Comme beaucoup, j'aime bien Poutou. Mais je ne me moque pas. Un ouvrier, ça mérite le respect. Cette franchise, cette distance à l'égard de soi-même, ce regard critique porté sur le monde politique, c'est bien, c'est sain. Poutou nous rappelle cette évidence : il y a toujours une dimension dérisoire dans l'activité politique (mais ce n'est pas sa seule dimension, heureusement). Surtout, cet ouvrier tient à l'égard de l'immigration des propos qu'on devrait entendre plus souvent dans notre République : les étrangers ne sont pas un problème, la liberté de circulation et d'installation ne gêne personne. Plus efficace encore que Mélenchon, Poutou est un vaccin contre la lèpre Le Pen.

Pour le reste, le candidat du NPA n'est ni ma tasse de thé, ni mon verre de vin. Mais à tous ceux qui sont tentés par l'abstention, à tous ceux qui sont séduits par la radicalité "anti-système", à tous ceux qui sont rétifs à voter François Hollande malgré mes argumentations, à tous ceux là je dis, à tout prendre, d'aller aux urnes, de jeter à la poubelle le bulletin Le Pen et de voter Philippe Poutou. Ce n'est pas à mes yeux le vote idéal, mais mieux vaut encore ce vote-là que rien ou que le pire.

mercredi 11 avril 2012

Tapis rouge.





Ce soir, Saint-Quentin et son multiplexe, c'était Cannes et son festival. Rien ne manquait, juste un peu décalé. La croisette, c'était le quai Gayant, mais aucune starlette pour se dévêtir parce qu'il faisait frisquet. On accédait par les fameuses marches, moins nombreuses semble-t-il qu'à Cannes, mais avec un tapis rouge sous les pieds. La cérémonie d'ouverture du festival international ciné-jeune de l'Aisne était conduite par un duo d'enfer, l'élégant Robert Lefèvre et la charmante Céline Ravenel, respectivement président et déléguée artistique.

Il n'y a pas de perfection sans quelques imperfections pour la mettre en valeur. Le son n'a pas toujours suivi l'image mais les applaudissements ont tout surmonté. Sur la scène (vignette 1), trente bougies fêtaient l'anniversaire du festival. Une exposition dans le hall d'entrée rappelait ses grands moments (vignette 2). A la fin, nous avons comme il se doit sablé le champagne.

Parmi les élus et personnalités présentes : Stéphane Lepoudère, Thierry Délerot, Marie-Laurence Maître, Alexis Grandin, Michèle Cahu, Anne Ferreira, Francis Crépin, Didier Dutfoy, Anna Osman, Jean-Claude Decroix, Edwige Bednarek, Jean-Robert Boutreux, Jacqueline Hargous, Marie et Jeff Prouveur, Michèle Zann, Maxence Tasserit, Philippe Nowak, Jean-Pierre Vallez, Martine Davion, Gilbert Richard et quelques autres que j'ai sûrement oubliés. Ah les mondanités !

mardi 10 avril 2012

L'échec d'une génération.

Marine Le Pen en tête des votes pour la présidentielle chez les 18-24 ans, selon un sondage CSA : incroyable, je n'en reviens pas ! C'est Le Monde qui commente, avec un reportage du vote FN des jeunes à ... Saint-Quentin. Je me souviens d'un slogan il y a quelques années, de je-ne-sais-plus quelle organisation : "La jeunesse emmerde le Front national". Comme on en est loin aujourd'hui ! J'ai vécu une époque où l'extrême droite avait l'image de vieux cons à béret. Il y avait bien quelques fachos au crâne rasée, mais c'était rare et pas à la mode. Les jeunes étaient rebelles, libertaires, révolutionnaires, surtout pas nationalistes. C'est fini.

Qu'est-ce qui s'est passé ? L'échec d'une génération, dont je fais partie, les quinquas antiracistes. Dans les années 80, j'ai bien connu Harlem Désir, j'ai assisté à la naissance de SOS-Racisme et sa petite main. "Touche pas à mon pote", c'était formidable ! Nos mots d'ordre, encore les miens aujourd'hui : droit à la différence et société multiculturelle. Le FN pointait son nez de rat, engrangeait ses premiers succès, mais nous pensions qu'il s'agissait d'un feu de paille, purement protestataire. Raté !

Qu'est-ce que cette génération antiraciste n'a pas réussi ? Constituer un mouvement associatif puissant, antiraciste, progressiste, indépendant. Nous avons été captés par le PS, la politique partisane, les préoccupations électorales, les jeux d'appareil. Pourquoi pas, ce n'est pas déshonorant, mais le terrain associatif a été délaissé. De même, les mouvements d'éducation populaire ont perdu de leur force d'attraction. Il aurait fallu se concentrer là-dessus, bosser dans cette direction. Il y a tout un tissu social qui a été involontairement laissé au Front national.

Et puis, politiquement, dans les années 2000 s'est imposée une idée a posteriori désastreuse : la lutte contre l'extrême droite a été abandonnée ou minorée sous le prétexte qu'elle lui faisait de la pub, qu'elle était contre-productive, qu'elle la renforçait. Avec aussi l'idée qu'il ne fallait pas braquer, culpabiliser, diaboliser les électeurs FN, d'autant que ceux-ci venaient des milieux populaires, exprimaient une forme dévoyée de colère, pouvaient revenir à gauche au second tour.

En réalité, il aurait fallu faire comme Jean-Luc Mélenchon maintenant, mais un peu tard : frapper le FN d'ignominie, l'empêcher de s'installer, de se banaliser, le casser pour l'empêcher de se populariser. On ne gagne jamais en politique à ignorer l'adversaire, surtout lorsque celui-ci est un ennemi. Il nous faudra bien des années, à Saint-Quentin comme ailleurs, pour reconquérir le terrain.

lundi 9 avril 2012

Leçon de conduite.

La trêve pascale qui s'achève fut celle aussi des candidats à la présidentielle, du moins des deux "grands". Ce n'est pas un jugement de valeur mais un constat : j'appelle "grands" candidats ceux qui ont une forte probabilité de devenir président de la République, et je n'en vois bien sûr que deux dans ce cas. Ils se sont signalés, ce week-end élargi, par une pause dans leur campagne. C'est le privilège des grands : pouvoir quelques heures se reposer sur leurs lauriers. Les "petits" ont continué. Pour eux, c'est comme au vélo : il ne faut pas s'arrêter au risque de tomber.

Sans rien faire, Nicolas Sarkozy a quand même fait, parce que cet homme-là ne s'arrête jamais vraiment. Il a proposé de faire passer le permis de conduire au lycée. Drôle d'idée ! Non pas en soi, puisque c'est une proposition comme une autre, mais dans le cadre d'une présidentielle, elle fait un peu bizarre : l'homme qui va avoir en charge la force nucléaire se préoccupe du permis de conduire de nos lycéens ! Vous imaginez de Gaulle faire cette proposition ? J'ai l'impression que le champ politique s'élargit de plus en plus alors que les Français y croient de moins en moins. Paradoxal !

Ceux qui me lisent depuis plusieurs années, qui me suivent depuis six ans savent que le socialiste libéral (pour aller vite et être un peu provoc) que je suis tient cependant à deux nationalisations : les entreprises de pompes funèbres et les auto-écoles, parce que les unes et les autres imposent des tarifs trop élevés à des situations obligées, l'inhumation et la conduite automobile. La proposition de Nicolas Sarkozy pourrait donc me convenir mais elle ne me convient pas : je ne crois pas que le lycée soit approprié à cette mission. Il faudrait penser sa gratuité sous une autre forme, dans un cadre différent.

Car c'est la question des finalités de l'école qui est posée. Comme pour la politique, son champ d'activités s'élargit de plus en plus. A force de charger la barque, on prend le risque de la faire couler. A l'école, on apprend à lire, à écrire, à compter et finalement à travailler, on s'y cultive et on y réfléchit à travers l'apprentissage de plusieurs matières. Mais si on y fait entrer la conduite d'une voiture, que ne va-t-on pas y faire entrer d'autres ? Pourquoi pas la cuisine, le ménage, l'éducation d'un enfant, le bricolage, l'entretien du jardin, le savoir-vivre en société, etc ? Toutes ces activités ne sont pas moins socialement utiles. Je ne pense pas que l'école soit là pour enseigner la vie mais les savoirs fondamentaux et les valeurs de la République. Elle doit faire des citoyens, pas des mères au foyer, des pères bricoleurs ou des automobilistes avertis.

dimanche 8 avril 2012

Un rêve de Che.

Jean-Luc Mélenchon est en train de réaliser le rêve de Jean-Pierre Chevènement il y a vingt ans. Lorsque celui-ci a quitté le PS pour fonder le MRC, il voulait réaliser l'impossible : l'existence politique de l'aile gauche socialiste en dehors du parti. Mais comme pour l'église catholique, à l'extérieur point de salut ! Le MRC est resté marginalisé. Il y a dix ans, la candidature du Che, comme on le surnommait alors, a pu faire pendant quelques semaines illusion. Rappelez-vous : on parlait à l'époque, déjà, de troisième homme (ce qui ne veut strictement rien dire). Finalement, Chevènement aura été le quatrième ou le cinquième homme, je ne sais plus, je ne me souviens que de la défaite de Jospin.

Pourquoi Mélenchon est-il en passe de réussir là où Chevènement a échoué ? Trois causes essentielles à cela : d'abord, Jean-Luc Mélenchon a le soutien d'un appareil, le PCF, qui lui apporte son réseau d'élus et de militants. Jean-Pierre Chevènement n'avait que son petit parti pour lui. Si Méluche ne pouvait compter que sur le Parti de gauche qu'il a fondé, il n'aurait pas réussi à déclencher une telle dynamique, ne serait pas parvenu à remplir des salles et des places.

D'autre part, le parti socialiste d'aujourd'hui, avec la candidature de François Hollande, est clairement social-démocrate. Il y a vingt ans, il y a même dix ans, c'était moins évident. Les dissidents socialistes avaient du mal à se distinguer, à faire leur trou. Maintenant, l'identité du socialisme révolutionnaire à la Mélenchon est beaucoup plus claire, tranche nettement sur le socialisme réformiste. A vrai dire, il n'y a plus maintenant d'aile gauche idéologiquement structurée au sein du PS actuel, comme pouvait l'être autrefois le CERES. Il reste des souvenirs, des affinités et des individualités, pas plus. Arnaud Montebourg exprime une forme de radicalité, mais pas au point de constituer une aile gauche vertébrée et assumée.

Enfin, Jean-Pierre Chevènement en son temps a pâti d'un positionnement politique, d'une image médiatique qui ont séduit quelques mois avant l'échéance de 2002, sans tenir leurs promesses. L'idée d'unir les républicains de gauche et de droite (des "deux rives", comme disait le Che), de renvoyer dos-à-dos Chirac et Jospin ("du pareil au même", disait-il aussi) sont trop étrangères à la culture de gauche pour fonctionner. Résultat : Chevènement a échoué. Mélenchon en revanche suscite un enthousiasme, réveille un imaginaire, agite des références qui parlent à l'électorat, qui sont clairement repérables.

Ceci dit, je ne pense pas que Jean-Luc Mélenchon fera le score flatteur qu'on lui prête : il y a de l'exagération médiatique et sondagière dans sa dynamique pourtant bien réelle. Surtout, je pense que sa percée peut parfaitement être sans lendemains, c'est-à-dire très vite retomber, comme on l'a vu avec les écologistes ou même l'extrême gauche. Cette montée électorale est très liée à la présidentialisation du débat. Mais qu'en sera-t-il lors des législatives, pour ne pas parler des municipales ?

L'engouement est en faveur de Mélenchon, pas de son Parti de gauche, encore moins du PCF. Attention aux illusions, fréquentes en politique. Quant à vouloir peser sur le PS, non cette stratégie sera inopérante : la social-démocratie ne bougera pas, elle restera elle-même (le résultat de Montebourg aux primaires n'a rien changé), elle sait que la discipline républicaine jouera à fond en sa faveur au second tour, elle n'a pas besoin d'en faire plus.

samedi 7 avril 2012

Le vrai combat.

La semaine politique à Saint-Quentin a été dominée par une belle confusion à propos de la laïcité. La Ville doit 830 000 euros à l'école privée, et ce n'est qu'un début ! L'extrême gauche s'en prend à la loi Debré, les votes de l'opposition en conseil municipal sont contradictoires, les explications aussi, et personne n'y comprend rien. C'est pourtant simple. D'abord, mettons la loi Debré de côté : quand un automobiliste dépasse la vitesse autorisée et se fait sanctionner, est-ce qu'on vise la responsabilité du chauffeur ou la loi qui limite la vitesse ? Voilà pour la loi Debré. L'affaire des 830 000 euros relève du tribunal administratif, pas de la tribune politique.

Mais faisons de la politique tout de même, dans la cohérence de l'engagement qui est le mien, de gauche et pas d'extrême gauche. Dénoncer la loi Debré ne sert à rien sinon se faire plaisir, se donner bonne conscience laïque, satisfaire à la pureté révolutionnaire. En réalité, le maximalisme irréalisable (abroger la loi Debré) fait oublier le minimalisme réaliste : abroger la loi Carle. Car ce que la gauche doit faire respecter, c'est a minima l'égalité de traitement entre les deux écoles, publique et privée, aujourd'hui bafouée par cette loi Carle certes moins connue que la fameuse loi Debré qui instaure le dualisme scolaire et le double financement.

La loi Carle oblige une collectivité à payer pour la scolarité d'un enfant allant dans une école privée d'une autre commune. Ainsi, le lien entre école et commune est brisé, le privé est géographiquement avantagé, la loi Debré est contredite dans son principe d'égalité. Voilà ce qu'une gauche réaliste doit dénoncer, la loi Carle, dont l'abrogation est dans l'ordre du réel politique, à la différence de l'abrogation de la loi Debré, qui s'est installée dans un demi-siècle d'existence (la loi Carle a été adoptée en 2008).

Les laïques doivent se battre pour que l'école publique soit respectée, pour que l'école privée ne soit pas privilégiée. Contrairement à ce qu'a dit Xavier Bertrand en conseil municipal lundi, c'est bien la question des moyens, humains et financiers, qui est posée, même si les problèmes scolaires ne se réduisent pas à cela. Ne nous focalisons pas sur l'enseignement privé, défendons simplement de toutes nos forces l'école de la République et n'ayons pas l'illusion de croire qu'en donnant moins d'argent aux uns on en donnera plus aux autres. Ça ne marche pas comme ça, sauf chez ceux qui ont à la place du cerveau une calculette, ce qui est fortement déconseillé en politique.

Pour le reste, je me conforme aux mandats qui sont ceux de l'organisation laïque que je représente dans l'Aisne, la Ligue de l'enseignement : inscrire les principes laïques de la loi de 1905 dans la Constitution (étonnement ils n'y figurent pas), assortir le financement de l'enseignement privée de conditions précises, contrôlées, garantissant la liberté de conscience des élèves et la conformité des contenus d'enseignement avec ceux de l'école publique, puisque c'est elle qui est au coeur de la République. Voilà le vrai combat.

Quant à la loi Debré, rien n'interdit, si vous y tenez, d'en faire l'objet d'une discussion de philosophie politique. Là aussi les choix sont assez simples. Vous pouvez privatiser l'école privée, en ne lui versant plus un sou public, et donc en la libérant de toute obligation d'Etat. C'est paradoxalement la seule et unique privatisation que réclame l'extrême gauche, qui aurait pour conséquence tout aussi paradoxale de faire de l'école privée, pour le coup, une école de riches puisqu'il faudrait payer le prix fort pour y entrer (l'extrême gauche ne demandant pas la suppression de la liberté d'enseignement).

Ou alors vous choisissez de nationaliser l'école privée, de l'intégrer dans un grand service public de l'éducation. C'était l'idée de la gauche, socialiste et communiste, des années 70, qui a échoué dans les années 80. Je veux bien qu'on remette les plats, mais pour faire quoi ? Ce beau et noble projet s'est heurté au soupçon d'attenter aux libertés. C'est injuste mais c'est ainsi. On ne peut pas faire comme si ce qui s'est alors passé ne s'était pas passé, en rester à un raisonnement abstrait, hors réalité.

La Libre pensée va organiser une journée pour la laïcité à Saint-Quentin, et le Parti ouvrier indépendant une conférence-débat. C'est leur droit mais je ne me reconnais pas dans leur conception de la laïcité. Bouffeurs de curés quand il n'y en a presque plus à se mettre sous la dent, anticléricaux comme on l'était à l'époque des chapeaux melons, mangeurs de boudins le Vendredi saint, leur folklore laïquard ne me branche pas trop. J'aime bien la conversation avec les prêtres, la spiritualité et la théologie m'intéressent et la dialectique lambertiste m'emmerde. Le vrai combat laïque tel que je le conçois, ce n'est pas la lutte contre la religion, c'est la liberté des convictions dans la neutralité des institutions.

Terminons avec le conseil municipal de lundi : j'admets que l'opposition ait pu s'abstenir sur la délibération proposée par Xavier Bertrand. Un vote est toujours un vote de circonstances : il fallait marquer le coup, mettre en avant l'école publique et ses difficultés, ne pas partager une responsabilité qui n'appartient qu'à l'actuelle municipalité, après décision du tribunal administratif. Mais ce que je n'accepte pas, ce sont les explications données, le privilège de parole accordé à l'extrême gauche, le silence du chef de file de l'opposition, l'absence d'unanimité dans les votes.

vendredi 6 avril 2012

Ma campagne idéale.

Une campagne électorale, surtout présidentielle, brasse un tas de sujets, évolue au fil de l'actualité. C'est normal mais le citoyen s'y perd un peu. La surinformation égare, les lignes de force s'estompent. Si j'avais à imaginer une campagne idéale, épurée, minimaliste, je ne retiendrais que deux grands thèmes, qui selon moi effaceraient tout le reste, le rendraient très secondaire :

D'abord la dette publique : c'est une question de vie ou de mort pour notre économie. Nos comptes sociaux sont au bord du gouffre. Les candidats ne devraient parler que de ça. La gauche n'a plus vraiment, comme autrefois, de nouvelles conquêtes sociales à proposer mais tout simplement des acquis sociaux à préserver ou à reconquérir : la santé gratuite, du travail pour tous. Rien que ça, ce serait énorme. Maintenir la protection sociale coûte que coûte, nous en sommes là.

Les solutions fondamentales ? Arrêtons de parler de la France (oui, je sais, c'est impossible, mais je vous décris une campagne idéale), ne pensons qu'à l'Europe. L'issue de secours est de ce côté-là, nulle part ailleurs. Le protectionnisme sent la mort, le produire français est une fadaise. Tous nos efforts devraient tendre vers une Europe intégrée, transnationale, bâtie sur des abandons de larges parts de souveraineté. Aujourd'hui ça ne passe pas, un jour forcément on y viendra.

Il nous faudrait un Napoléon ou un Charlemagne, mais complètement démocrates. L'Europe réclame des géants et nous en manquons. Mitterrand avait une formule géniale et prémonitoire : "La France est ma patrie, l'Europe est mon avenir". C'est exactement ça, qu'il faut prendre à la lettre. Sans l'Europe, la France crève. L'Europe ou la mort, voilà ce que nos candidats devraient idéalement répéter. La mondialisation l'exige.

La dette, l'Europe et puis, en tant que socialistes, cette partie de l'électorat devenue invisible à force d'être occultée par les classes moyennes : ouvriers, employés, précaires. Allons dans les centres sociaux, les foyers de jeunes travailleurs, les banlieues pourries, les villages paumés, n'employons plus le jargon petit-bourgeois, parlons avec les mots simples et parfois brutaux du coeur, cassons l'extrême droite. Sinon gare à Mélenchon, cette totale illusion, sympa mais sans solution pour réduire la dette ou pour construire l'Europe. Quant à la sécurité, je ne veux pas en entendre parler : c'est le travail ordinaire des forces de l'ordre et des professionnels, ça ne doit pas être un thème électoral. Mais bon je suis dans une campagne idéale ...

jeudi 5 avril 2012

Les intellos patati patata.

Mardi soir, comme à peu près chaque mardi soir, j'ai regardé à la télé l'émission de Frédéric Taddéï, Ce soir (ou jamais). Le principe est intéressant : inviter des intellectuels et les faire réagir sur un sujet d'actualité qui n'est pas de leur partie. Mardi dernier, c'était bien sûr les élections présidentielles : que pensez-vous de la campagne ? leur a demandé l'animateur. Ils étaient sept autour de la table basse : deux philosophes, deux sociologues, un écrivain, un metteur en scène, un consultant et une ethnologue. Du beau monde, quoi ! des gens intelligents, forcément. Sauf que leurs réponses ont été très ... bêtes.

La tonalité était la même : gémissement et déception. La campagne est ennuyeuse, les candidats ne sont pas à la hauteur, les propositions sont inexistantes, et patati et patata ... Je me suis dit, au fur et à mesure que passait la parole : l'un d'entre eux va réagir, dire quelque chose de dissonant, d'original, de réfléchi. Mais non ! J'ai assisté au déballage du conformisme le plus plat, celui qui consiste à critiquer sans de sérieuses raisons la classe politique et le fonctionnement de la démocratie (parce qu'au bout du compte ces récriminations reviennent à ça). On s'en prend parfois au café du commerce, aux discussions de bistro : au moins le peuple n'a pas le privilège universitaire de ces messieurs-dames, et ses souffrances excusent bien des comportements injustes et excessifs. Les intellos, aucunement.

Moi je l'aime cette présidentielle, je la suis passionnément, comme je le fais pour toutes les présidentielles depuis 1974. Son niveau ? Je n'en sais rien, la question est idiote, on ne juge pas une campagne comme on évalue une classe. Ce que je constate, c'est que Hollande fait des propositions, que Sarkozy fait des propositions, que Mélenchon réussit une percée intéressante, que la chute des petits candidats nous apprend quelque chose, que le maintien de la détestable Le Pen nous en apprend une autre, que Bayrou continue à faire son trou, que tout ça est un grand moment de démocratie. Les intellectuels devraient avec le courage et l'intelligence de le reconnaître, au lieu de geindre médiocrement.

Quant aux citoyens qui s'évertuent à trouver la campagne inintéressante, qu'ils se demandent plutôt si ce ne sont pas eux qui n'ont pas la force de s'y intéresser. Nous vivons dans un monde où la faute vient toujours des autres, généralement des politiques. Et le citoyen dans tout ça ? Blanc comme neige ? Lavé de tout soupçon ? Que non ! A l'heure où les sondages annoncent un taux record et historique d'abstentions, les intellos devraient prendre conscience de leurs responsabilités. Ils sont porteurs d'une parole publique qui est écoutée. S'ils se mettent à dénigrer la politique, c'est la République qui est touchée. Moi qui ne me suis jamais reconnu dans ce monde des intellectuels (c'est pourquoi sans doute je n'ai pas quitté Saint-Quentin), je dis à tous qu'il faut s'intéresser à cette campagne parce qu'elle est intéressante, qu'il faudra bien sûr aller voter, massivement, pour qui vous voudrez, mais aller voter. Ne faites pas comme les intellos qui donnent le mauvais exemple.

mercredi 4 avril 2012

Soyez clairs !

La politique, comme n'importe quelle activité humaine, exige certaines qualités, ce qu'on appelait autrefois des vertus. Il en faut plusieurs, mais l'une souvent est cardinale, pas toujours la même. Les époques privilégient des vertus différentes. Par exemple, lors de la campagne présidentielle de 2007, la mode était au concret. Le mot était sans cesse employé (il l'est encore un peu aujourd'hui) : il fallait être concret, parler concrètement, proposer des mesures concrètes, évoquer des cas concrets. Nous étions alors en pleine concrétude, pour s'exprimer comme Ségolène. Je n'aime pas cette vertu : la demande de concret n'est que le cache-sexe de l'individualisme.

L'actuelle présidentielle s'est entichée d'une autre vertu, la précision. Les candidats se somment mutuellement, dès la primaire citoyenne du PS, d'être précis, reprochent à l'adversaire son manque de précision. Résultat : les débats sont souvent très techniques, truffés (truqués ?) de chiffres. J'aime aussi peu la précision que le concret, qui ne font pas partie de mes vertus préférées. En politique, je ne vois pas l'intérêt ni l'utilité à être précis. C'est le monde de la technique, de la spécialisation qui réclame une telle vertu, pas cette activité généraliste qu'est la politique.

Au contraire, la précision est un tue-la politique, comme on parle de tue-l'amour. Quand un discours ou un programme sont noyés dans les détails, leur sens et leur finalité échappent aux citoyens, le message devient inaudible et illisible. Les précisions en politique sont purement descriptives, n'apportent rien à la compréhension d'un projet. Le désintérêt des Français pour cette élection, le risque préoccupant d'une abstention massive ne sont sans doute pas étrangers à cette course à la précision proprement insensée.

Je ne vois qu'une vertu essentielle en politique, universelle et éternelle, qui hélas fait trop souvent défaut : la clarté. Quand on s'adresse aux citoyens, dans n'importe quelle activité publique d'ailleurs, il ne faut pas être concret ou précis, c'est très secondaire. Mais être clair c'est indispensable, vital en quelque sorte. En l'absence, il n'y a pas de choix politiques possibles. Un homme politique, en démocratie, doit pouvoir se faire comprendre de tous (ce qui ne signifie pas nécessairement se faire apprécier : la clarté est l'ennemie de la démagogie, qui est embrouillée).

Tenir des propos compliqués, faussement savants, abuser d'un jargon quel qu'il soit, c'est contraire à l'esprit de la République. Je suis souvent irrité par les mots, le style, les références de nos hommes politiques, grands ou petits, qui ont perdu de cette simplicité et de cette efficacité qui font les discours de qualité. Je n'ai qu'un seul mot d'ordre, qu'une unique revendication de style, de rhétorique : soyez clairs !

mardi 3 avril 2012

La question laïque.

La question laïque est chère au coeur des Français, de la gauche, des socialistes. En revoyant cette fois sur internet la séance du conseil municipal d'hier à Saint-Quentin, le début consacré à cette question était stupéfiant de confusion et de paradoxes. Le fond de l'affaire, c'est un "contentieux", un "conflit" (ce sont les mots qui ont été employés) de plusieurs années entre la ville de Saint-Quentin et l'enseignement privé, qui obligent aujourd'hui à verser des indemnités importantes à celui-ci. Mais pourquoi, pendant si longtemps, la municipalité n'a-t-elle pas appliqué la loi qui impose aux communes le financement des écoles privées ? Personne, ni le maire ni l'opposition, ne l'a expliqué. Le point de départ du problème est pourtant là.

A entendre les uns et les autres, on ne savait pas si la municipalité de Saint-Quentin était hyper-laïque (elle résiste à une loi qui favorise l'école privée) ou bien anti-laïque (elle avantage l'école privée, comme il a été suggéré). Le premier opposant à s'exprimer, Michel Aurigny, a demandé l'abrogation de la loi Debré de 1959, en se réclamant de la loi de séparation de 1905 et en condamnant les traités européens. C'est tout confondre : la loi de séparation des églises et de l'Etat, qui concerne les cultes, n'a rien à voir avec la loi Debré, qui concerne le système scolaire. On peut s'opposer à celle-ci si l'on veut, on ne peut pas dire qu'elle contredit celle-là. Quant aux traités européens, ils ne portent ni sur la laïcité, ni sur l'école, ces domaines relevant des nations, pas de l'Europe.

En déplaçant le problème du "contentieux" entre la Ville et l'école privée vers le débat sur la loi Debré, je ne crois pas que Michel Aurigny ait été très pertinent. L'affaire est plus juridique que politique (une décision du tribunal administratif). Quant à sa demande d'abrogation, elle correspond à sa perspective politique et à sa conception de la laïcité : théoriques, abstraites, radicales, comme si l'histoire n'existait pas, comme si la société n'avait pas bougé depuis 1959. Oui, à cette époque-là, des millions de laïques se sont opposés au financement contractuel et public de l'enseignement privé, au nom du principe "A école publique fonds publics, à école privée fonds privés". Mais cinquante ans après, peut-on proposer l'arrêt total des subventions à l'école privée, comme le souhaite Michel Aurigny ? Idéologiquement oui, parce que dans le monde de l'idéologie tout est possible ; mais politiquement non, parce que les faits sont là, parce que la réalité est intangible, parce que l'histoire nous instruit.

En 1981, est-ce que la gauche a abrogé la loi Debré ? Même pas à cette époque-là, quand les circonstances historiques étaient pourtant favorables ! Et quand elle a voulu nationaliser l'enseignement privé à travers un grand service public et laïque de l'éducation, elle s'est retrouvée avec deux millions de manifestants dans la rue ! Et Mitterrand a dû renoncer. On a beau rêver autant qu'on voudra, abroger tout ce qu'on voudra, l'histoire et la réalité, elles, ne peuvent pas être abrogées. Le parti socialiste auquel j'appartiens, la Ligue de l'enseignement que je préside dans l'Aisne ne demandent pas qu'on abroge la loi de 1959 mais que le financement de l'enseignement privé se fasse sous des conditions précises, après contrôle, en supprimant les injustices les plus flagrantes (la loi Carle par exemple).

Le plus stupéfiant, quasiment surréaliste, c'est lorsque Michel Aurigny en appelle à la laïcité pour "dépasser les clivages" et "rassembler", alors que sa proposition d'abrogation mettrait la France à feu et à sang (c'est une image), réactiverait ce qu'on appelle la "guerre scolaire". Je crois que notre pays, quelles que soient les convictions et les intentions de chacun, a tout de même mieux à faire. Le plus affligeant est ailleurs : cette question laïque, c'est le chef de file de l'opposition qui devait la porter, la défendre, en rappelant le point de vue de la gauche, et ne pas laisser l'extrême gauche s'en saisir et imposer sa philosophie, mettant ainsi en porte-à-faux l'élue socialiste intervenant sur le sujet, offrant à Xavier Bertrand une occasion en or de tacler son opposition. Mais y a-t-il encore un chef de file de l'opposition ? L'épisode d'hier soir sera vite oublié, les Saint-Quentinois n'en retiendront comme je l'ai dit au début que confusion et paradoxes. Il n'empêche qu'il faudra bien, le moment venu, en tirer des conclusions.

lundi 2 avril 2012

Conseil ... d'école.

Il a été beaucoup question d'école au conseil municipal de ce soir à Saint-Quentin. On s'attendait à un affrontement à propos de la date d'ouverture du pôle universitaire, 2014 pour Xavier Bertrand, 2015 pour la Région, mais non, rien là-dessus. C'est d'abord la régularisation de la subvention aux écoles privées qui a déclenché les hostilités. Michel Aurigny (POI) est contre, absolument, jusqu'à demander l'abrogation de la loi Debré. Mais curieusement il ne vote pas contre, il refuse de voter.

Carole Berlemont (PS) vote pour, en rappelant en quoi consiste l'école privée sous contrat (la loi Debré), en faisant remarquer que personne ne propose de l'abroger (pourtant si ... le POI !), en n'excluant pas totalement cette possibilité ("pourquoi pas", termine-t-elle). Les autres élus d'opposition s'abstiennent sur cette délibération. Évidemment, le maire prend un malin plaisir à pointer du doigt "une opposition idéologiquement fracturée".

Sur la carte scolaire, Olivier Tournay (PCF) dénonce les fermetures de postes (30 depuis 2007), défend la maternelle dès 2 ans et déplore que la municipalité n'ait pas pesé de tout son poids pour éviter les fermetures. Il s'ensuit un accrochage avec Xavier Bertrand à propos du nombre de chômeurs à Saint-Quentin, le maire estimant que les chiffres avancés par Tournay sont "faux", qu'il confond la ville et l'arrondissement, qu'il fait le "fanfaron". L'intéressé persiste et signe.

Sur l'apprentissage, que le maire défend, Anne Zanditenas (LO) a une position plus "nuancée", s'inquiétant d'un départ précoce du système scolaire. Michel Aurigny est contre l'apprentissage avant 16 ans, qui revient selon lui à faire travailler une main-d'oeuvre sans la rémunérer. A quoi Xavier Bertrand répond sèchement que l'élu ne connaît rien au monde de l'entreprise.

Ambiance scolaire encore, quand le maire a invité ses élus d'opposition à demander la parole avant de la prendre et de ne pas l'interrompre, menaçant d'instaurer un règlement intérieur. A part ça, il a été notamment question de la réfection de la toiture du théâtre Jean-Vilar, de la privatisation des chantiers d'espaces verts, de la dénomination de l'école Paule Polvent, de la non distribution de tracts sur le marché ...

dimanche 1 avril 2012

Savelli rallie Hollande ?




Vincent Savelli, vice-président du conseil d'agglomération de Saint-Quentin, figure ancienne et éminente de la droite locale, a-t-il choisi pour cette élection présidentielle de soutenir François Hollande ? Non, non, je ne suis pas en train de vous faire un mauvais poisson d'avril. La photo, prise ce midi dans une brasserie parisienne, Le Danton, place de l'Odéon, en témoigne : vous voyez Vincent Savelli en compagnie, juste derrière, de Pierre Moscovici, directeur de campagne de François Hollande. Ce n'est pas un sosie, ni une photo-montage. Alors, Savelli socialiste ?

Hélas non. Le cliché est bel et bien authentique, pris par mes soins, mais ce n'est pas ce que vous croyez, ce que vous espérez ou ce que vous redoutez. Tout est vrai dans ce que j'ai dit précédemment mais la conclusion est fausse parce que le contexte vous est méconnu. Je vous explique : j'ai passé toute la journée dans la capitale, pour une sortie scolaire, le matin au Panthéon, l'après-midi au jardin des Plantes. Vincent Savelli, en tant que CPE du lycée Henri-Martin, faisait partie des accompagnateurs. Au moment du déjeuner, surprise : Mosco entre, s'installe à nos côtés, Savelli ne se rend compte de rien mais moi j'ai tout vu. Clic clac discret et c'est dans la boîte !

Regardez bien la cravate de Vincent Savelli, lisez ce qui est écrit : "Joyeux anniversaire, l'homme aux 1000 cravates", offerte et illustrée par les élèves. Eh oui, non seulement nous sommes le 1er avril, non seulement Savelli est quasiment à la même table que Moscovici mais en plus c'est le jour anniversaire du plus célèbre cravaté de Saint-Quentin ! Même dans un roman, on n'oserait pas imaginer toutes ces coïncidences. J'ai remarqué depuis longtemps déjà que la réalité dépasse très largement la fiction, qu'elle est plus riche, plus surprenante, plus incroyable que celle-ci. J'en ai eu encore la confirmation aujourd'hui.