dimanche 30 juin 2013

On est les champions



Comme le Christ est venu sur terre pour les pécheurs et pas pour les justes, l'enseignant de l'école publique vient en classe pour les mauvais élèves et pas pour les bons (qui n'ont pas besoin de lui). C'est pourquoi je suis assez réservé à l'égard des cérémonies de remise de prix aux bons élèves, qui n'existaient pas dans mon lycée quand j'y suis arrivé il y a bientôt vingt ans, mais qui sont de nouveau en vogue depuis quelque temps. En fonctionnaire discipliné, j'obtempère et je participe.

La cérémonie a eu lieu mardi dernier, dans la cour d'honneur, comme il se doit. Le public était nombreux, car mes réserves ne sont pas partagées par tout le monde et le succès de ce type de manifestation est flagrant (vignette 2). Normal : notre société, qui ne croit plus à grand chose, se raccroche à ce qu'elle peut, et la valeur du mérite en fait partie. Les parents sont tout contents que leurs enfants soient parmi les meilleurs et que l'institution le proclame publiquement. Ils se disent sûrement qu'ils y sont pour quelque chose. Les enseignants pensent de même, pour leur propre compte et le résultat de leur travail. Bref, c'est la satisfaction généralisée.

Monsieur le proviseur, Guy-Roger Meitinger (vignette 1), a tenu à ce que la distribution des prix dure une heure, pas plus. C'est que l'exercice est fastidieux, répétitif, sans surprise, un peu comme la cérémonie des Césars à la télévision. Les élèves sont appelés, ils reçoivent leur prix de la main de leurs enseignants et ils s'en vont sous les applaudissements. Mais, visiblement, personne ne se lasse et le ciel pluvieux ne pousse pas à partir. Les profs sont vêtus comme d'habitude, sauf mes collègues féminines d'EPS qui ont échangé leurs baskets pour des talons hauts (Stéphanie Holbach, pétillante, en vignette 3).

J'ai récompensé Mélissandre et Wadir, qui sont repartis avec Dostoïevski et Stendhal sous le bras (vignette 4). Je croiserai à la rentrée Mélissandre, qui ira en classe préparatoire à Henri-Martin, et j'ai un projet pour Wadir : qu'il anime une séance du prestigieux café philo des Phares à Paris, comme il a su si bien le faire à Saint-Quentin. Quand on fait partie des meilleurs, on n'a peur de rien.

samedi 29 juin 2013

Vu à la Gay Pride



Au départ, devant la tour Montparnasse, le Front de gauche et la Ligue des droits de l'homme ont choisi de défiler très colorés (vignette 1). Dans le cortège, les chrétiens contestataires du groupe David et Jonathan affichaient des slogans théologiquement incorrects (vignette 2). Devant le char du parti socialiste, deux anonymes au milieu de la foule étaient en grande conversation : Harlem Désir et Cécile Duflot (vignette 3). Les Hommen, hostiles au mariage homosexuel, ont tenu à faire, torse nu et visage masqué, leur petite provocation, vite oubliée, du haut du balcon d'un hôtel (vignette 4).

Histoire d'hommes



La politique, ce sont des idées, mais c'est aussi une histoire d'hommes. J'ai rencontré pour la première fois Michel Garand en janvier 1999, lors des voeux de nouvel an de la députée socialiste Odette Grzegrzulka, à l'espace Matisse. Michel n'avait pas encore rejoint le parti. Il se distinguait de tous, il tranchait par sa haute taille, sa fière allure, son aisance d'élocution, sa sympathie naturelle. C'était alors une personnalité de gauche, profil société civile, pas compromis dans les batailles internes et sanglantes entre socialistes. Il passait pour avoir de l'influence, des relations, c'était un monsieur, comme on dit chez moi dans le Berry. Pour Odette, c'était l'oiseau rare, le candidat idéal pour liste municipale. Pour moi, c'était un bourgeois, logé chez les frères, pas un militant qui colle et qui tracte.

Michel a donc adhéré (j'étais secrétaire de section) et très vite son nom s'est imposé comme possible n°2 sur la liste, ce qui ne me plaisait qu'à moitié. Outre le fait que j'ai une allergie congénitale aux n°2 en général (voir mon billet du 30 novembre dernier), je n'appréciais pas de voir arriver tous ceux, ils étaient quelques-uns, qui espéraient profiter de notre victoire. A l'époque, en effet, le Figaro donnait Odette gagnante, Xavier Bertrand n'était pas encore une personnalité nationale et, dans l'esprit de beaucoup de Saint-Quentinois, leur ville ne dérogerait pas à la tradition locale aux élections : une fois à droite, une fois à gauche ...

Michel a été mis sur orbite, chargé de lancer l'association Saint-Quentin Oxygène, censée ramener quelques gros poissons de la société civile (puisque l'oiseau rare avait été déniché). C'est à cette occasion, en mars 2000, que j'ai eu mon premier et dernier accrochage avec Michel Garand (et surtout Odette) : j'avais appris dans la presse la création de cette association, alors que j'estimais devoir au moins en être informé directement, en tant que secrétaire de section. Bref, ça n'arrangeait pas les relations entre le bourgeois et moi !

Et puis, mes yeux se sont ouverts, Michel m'a apporté la lumière (peut-être celle qu'il quête dans ses loges ?). Début 2001, chez moi, dans mon petit appartement de la rue des Frères Desains, il m'apprend qu'Odette ne le sollicite plus pour la deuxième place, qu'il n'a plus de nouvelles d'elle, qu'il ne cherche pas spécialement à la contacter. L'ambitieux que je croyais n'en est pas un. Au contraire, il est plutôt cool, détaché et il prononce cette phrase qui est restée gravée en moi : "Tu sais, je n'ai pas l'esprit bourgeois". Abasourdi, j'ai repris un whisky. On ne connaît jamais vraiment les gens, il faudrait s'abstenir de penser quoi que ce soit d'eux.

Du coup, entre Michel et moi, quelque chose désormais nous rapprochait : l'incompréhension commune devant l'attitude contradictoire et périlleuse de la candidate députée (confirmée par le résultat catastrophique des élections). Au bout du compte, nous avons tous les deux été exclus de la liste municipale de 2001. Odette appliquait la stratégie du ni-ni : ni Vatin ni Lançon, ni Garand ni Mousset. Elle ne se sentait bien, en confiance, que parmi les siens, ses fidèles, ses partisans. A sa décharge, elle n'est pas la seule en politique à réagir ainsi.

De ce jour, j'ai découvert en Michel Garand un homme libre, au sens fort du terme, j'oserais même dire au sens maçonnique du terme. Je lui ai depuis conservé ma sympathie, qui n'a jamais été contrariée, y compris jusqu'à ce funeste jeudi soir, celui de ma défaite : il aurait pu m'écraser comme une merde, d'autres n'auraient pas hésité, lui s'est déplacé vers moi pour me tendre la main. Avec lui s'ouvre pour les socialistes, après des années de déchirements (je devrais même peut-être écrire des décennies !), une période d'apaisement et d'ouverture. Je ne ferai rien pour la gêner : si je suis entré avec fracas parce que j'espérais être chef de guerre, je me retire sur la pointe des pieds puisque battu. Je me consacre à ce que je sais faire le mieux puisque j'y réussis, rédaction de ce blog très lu, analyses et idées généralement appréciées, activités associatives qui marchent bien.

La désignation de notre nouveau leader a été précédée par un petit miracle, comme un signe du ciel : la célèbre boîte à chaussures dans laquelle, depuis tant d'années, les socialistes déposaient leurs bulletins, s'est transformée jeudi en belle urne, toute neuve, transparente comme de l'eau de roche, protégée par un cadenas, une urne véritable comme dans une véritable élection ! Pas de doute, les temps changent, mais la mélancolie reste : où est-elle passée, la boîte à chaussures, un peu cabossée, fendue au dessus, renforcée par des bandes de scotch ? Dans une poubelle, une décharge, un grenier ? Il aurait fallu la conserver, l'exposer dans un musée dédié à nos turpitudes récentes et passées.

Et puisqu'il est question de turpitudes, attention à ce début de campagne : Xavier Bertrand, dans L'Aisne Nouvelle de ce matin, riposte, comme il était prévisible, à la remarque de Michel Garand sur la scolarisation de ses enfants ("une attaque odieuse", dit-il). A propos de Michel, de lui et de la franc-maçonnerie, le député-maire annonce "des révélations", "des surprises dans quelque temps". La politique ne s'honore pas dans ce genre d'échanges. Mais ça aussi, c'est peut-être une inévitable histoire d'hommes.

vendredi 28 juin 2013

Une défaite personnelle



Cinq voix. Des années de présence, d'action, de réflexion et faire cinq voix ! C'est une défaite sans appel, une défaite personnelle. Car le paradoxe est là : ma ligne politique l'emporte, Michel Garand (qui a fait 37 voix) partage mes idées, lui aussi critique sévèrement l'actuelle opposition, mais il gagne et je perds, alors que j'avais l'antériorité de notre positionnement politique commun ! Comment expliquer ce paradoxe ? Je ne suis pas un homme d'appareil, c'est tout mon problème. Michel a été sollicité et soutenu par l'appareil, c'est évident. Exemple criant : quand la direction nationale a souhaité refaire l'élection du secrétaire de section, l'appareil fédéral n'a pas suivi !

C'est quoi un appareil ? Prenez une machine à café : c'est un assemblage de pièces qui s'emboîtent en vue d'une seule finalité, produire du café. Un appareil politique, c'est la même chose : des pièces qui s'emboîtent pour produire des candidats. Il y a une culture, un esprit d'appareil que je n'ai pas, dont les vertus sont la discrétion, l'adaptation et la discipline. Je ne suis pas fait comme ça, je ne suis pas né comme ça.

Ma liberté de ton, ma surexposition médiatique, mon opiniâtreté à défendre des idées bien arrêtées, tout ce qui pouvait être des atouts dans une campagne électorale s'est retourné en désavantages dans une campagne interne. Les chiens ne font pas des chats, et je suis plus chat que chien. Mon problème, c'est le hiatus entre la sympathie que je suscite à l'extérieur du parti et l'hostilité que je provoque à l'intérieur du parti. Attention : je ne porte aucun jugement, je ne fais que décrire une situation. Un appareil, il en faut en politique, et être un homme d'appareil n'est pas un défaut. Simplement, je constate que je n'en suis pas un et que je dois à ce défaut de fabrication (puisqu'il est question d'appareil !) ma sévère défaite.

J'ai une satisfaction à l'issue de cette campagne interne : les socialistes de Saint-Quentin sont désormais unis sur une même ligne politique. J'ai deux regrets : ne pas être parvenu à faire passer l'idée de primaire citoyenne, dont nous aurions pourtant bien eu besoin pour mobiliser notre électorat (il n'y a eu que 46 votants hier soir !) ; ne pas avoir anticipé le retrait d'Anne Ferreira, qui aurait permis une entente avec Michel Garand et une seule candidature au final. Et puis, bien sûr, un troisième regret, mais personnel : j'aurais tellement aimé affronter Xavier Bertrand, je m'y étais tant préparé !

Et maintenant ? Ma philosophie de vie, c'est qu'un individu ne change pas, qu'il reste ce qu'il est, pour le meilleur et pour le pire, et que ça ne s'arrange pas avec l'âge ! Je crois même que c'est la grandeur d'un individu d'assumer ce qu'il est, de ne pas renoncer à sa personnalité. Je vais donc continuer à un être un agitateur d'idées, je vais poursuivre mon engagement associatif, ma vie publique, ma passion pour la politique et pour Saint-Quentin. Mais j'ai le devoir de tirer des leçons de ma défaite : avec un si faible nombre de voix, je ne suis pas qualifié pour figurer sur la liste municipale. Si le déséquilibre des voix entre Michel et moi avait été moins fort, ma position serait différente. Mais là, il faut respecter le choix des adhérents, qui est très clair.

En guise de testament politique, et puisque mes idées passent beaucoup mieux que ma personne, j'aimerais que trois propositions que j'ai faites pendant la campagne fassent leur chemin dans la réflexion collective : l'engagement de ne pas augmenter la pression fiscale afin de préserver le pouvoir d'achat des Saint-Quentinois ; la signature d'une charte du candidat afin de s'assurer que tous nos élus siégeront en séance et participeront à la vie locale ; l'ouverture de la liste, pour moitié, à des personnalités de la société civile.

Pour finir, j'adresse mes félicitations, mes encouragements et tout mon soutien à Michel Garand. J'avais écrit, sous forme de boutade, qu'il ferait un très bon maire et que je ferais un très bon chef d'opposition. Je n'ai pas changé d'avis, je lui souhaite de devenir le très bon maire qu'il peut être. J'associe à ces voeux tous mes camarades : je n'ai pas su les convaincre, mais d'une défaite personnelle je ne fais pas une affaire personnelle. En politique, il n'y a que la politique qui compte, c'est-à-dire les idées.

jeudi 27 juin 2013

22h00, 6 ans



La vérité sort de la bouche des enfants, dit-on. En politique, la vérité sort du fond des urnes. Pour les socialistes de Saint-Quentin, ce sera ce soir, à 22h00, que nous saurons : l'épreuve de vérité, en quelque sorte, tant il est vrai que toute vérité d'importance a quelque chose d'éprouvant. Ai-je des chances d'être désigné premier des socialistes ? Ce sera très difficile, puisqu'un candidat a déjà été pré-désigné, à travers ce que Michel Garand dans L'Aisne Nouvelle a appelé pudiquement un "travail préparatoire". Mais comme j'ai commencé ce billet par un proverbe, je vais faire appel à un autre : Jamais deux sans trois. Jusqu'à présent, nous avons eu deux surprises dans cette campagne interne : le retrait d'Anne Ferreira et l'unité politique retrouvée de la section socialiste, puisque Michel et moi appartenons à la même sensibilité et avons grosso modo les mêmes analyses, les mêmes propositions. Pourquoi pas une troisième surprise, qui serait mon élection à la tête de liste ?

Toute élection réserve des surprises, même celles qui sont les mieux verrouillées. Le taux de participation joue beaucoup, ainsi que le niveau des abstentions. Ce qui est certain, c'est que jamais désignation interne à Saint-Quentin n'aura été autant médiatisée. On peut donc dire que les adhérents choisiront en connaissance de cause. Qu'est-ce qui pourrait les amener à voter en ma faveur ? Entre deux sociaux-démocrates, autant prendre le plus connu, le plus constant, le plus déterminé ! Car ce soir, les socialistes ne se donnent pas seulement un candidat pour les élections municipales, mais un leader pour les six années qui viennent, que nous soyons dans la majorité ou, à nouveau, dans l'opposition. Cet élément-là, il faut l'avoir bien en tête. Pour ma part, j'ai fait tout mon possible pour expliquer que je pouvais être ce leader, mettant en avant trois qualités : l'autorité, les idées, le dynamisme.

Si tu perds, tu fais quoi ? On m'a souvent posé la question (de mauvaise augure !) ces derniers temps. La réponse est facile. D'abord, je ferai ce que j'ai toujours fait : respecter une décision majoritaire, quand elle est prise dans un cadre démocratique. Ensuite, j'assumerai totalement la défaite. J'ai une sainte horreur des politiques qui se défaussent, qui refusent de reconnaître avoir échoué, qui vont même pour certains jusqu'à prétendre que la défaite est une ... presque victoire ! Non, quand on a échoué, il faut l'admettre et en tirer toutes les conséquences.

Si j'échoue sur un score honorable, c'est-à-dire représentatif d'un courant de sympathie politique, je participerai à la campagne des élections municipales, à la place que la tête de liste voudra bien me donner, si elle le souhaite, si elle le juge utile. Car je rappelle qu'on n'est pas candidat à une place sur une liste municipale : ceux qui croient bon le faire publiquement se disqualifient. Si mon score se résume à quelques voix seulement, ce sera alors une défaite sans appel. Depuis des années, j'oeuvre pour offrir aux socialistes de Saint-Quentin une candidature et une alternative crédibles, je suis énormément présent, sous de multiples formes, dans la vie publique locale et même départementale ; si c'est pour finir avec quelques voix, ce sera en effet la fin : je ne serai plus qualifié pour participer aux élections municipales. Dura lex sed lex : l'adage ne vaut pas que pour la justice, mais aussi la politique. A 22h00 ce soir, je représenterai quelque chose ou je ne serai plus rien du tout.

mercredi 26 juin 2013

La plus dure des batailles



La gauche saint-quentinoise va s'engager, pour la campagne des municipales, dans la plus dure des batailles jamais livrée depuis une vingtaine d'années. En 1995, la gauche avait l'avantage d'être sortante ; en 2001, elle était conduite par la députée socialiste ; en 2008, elle était unie, jusqu'à l'extrême gauche. A chaque fois, la gauche locale disposait d'un atout assez fort, ce qui n'a pas empêché sa triple défaite. Cette fois-ci, la gauche n'aura aucun de ces atouts, elle part en quelque sorte nue au combat ; mais paradoxalement, je crois que ça n'interdit pas forcément sa victoire. Les difficultés seront de cinq ordres :

1- Pour la première fois, la gauche va affronter une personnalité nationale, très médiatique, ancien ministre, ancien chef de parti, ce que n'était pas Pierre André. Xavier Bertrand a pour lui l'expérience, la compétence, l'habileté et la dureté, main de fer dans un gant de velours. Ce sera le combat de David contre Goliath. Mais rappelez-vous de la fin de l'histoire ...

2- Pour la première fois, la gauche aura pour adversaire, à confirmer, une liste du Front national qui va très largement chasser sur nos terres électorales, les milieux populaires. Autant de voix en moins pour le premier tour ... Or, c'est au premier tour que tout va se jouer : si l'avance des socialistes n'est pas assez grande, l'écart ne se rattrape pas. Inutile donc d'espérer récupérer les voix du FN au second tour pour l'emporter : ce sera trop tard. Et puis, n'oublions pas les dernières cantonales : personne n'osait croire que le PS serait éliminé dès le premier tour, il l'a été !

3- Pour la première fois depuis 1995, la gauche partira aux municipales divisée. Les communistes (Bécourt-Tournay) auraient accepté de repartir avec Lançon, peut-être avec Ferreira mais jamais avec Garand ou moi. Je crains beaucoup une alliance PCF-POI, qui entraînerait avec elle LO, le NPA, éventuellement les Verts. Les lambertistes, qui mettent la stratégie au dessus de tout, sont capables d'un tel montage. Et si Olivier Tournay en prend la tête, ça fera très mal aux socialistes. Ils ont des militants (regardez la préparation de la Fête des Libertés), ils sont une référence historique dans Saint-Quentin, ils auront sur leur liste quatre conseillers municipaux (Tournay-Aurigny-Zanditenas-Mousset), alors que le PS n'en aura au mieux qu'un seul (Berlemont), puisque Lançon a dit qu'il ne se représenterait pas. Ils apparaîtront à juste titre comme le prolongement de l'opposition actuelle : vous imaginez un peu la confusion dans la tête des électeurs ! Une liste PCF-POI-LO-NPA, portée par une dynamique de radicalisation, peut espérer récolter 7 à 8%.

4- Les partenaires traditionnels du parti socialiste vont être difficiles à trouver. Les Verts n'ont jamais réussi à exister vraiment, le Front de Gauche pâtit de la dissidence communiste et est lui aussi très critique envers la social-démocratie, le PRG n'a aucun représentant, le MRC n'est pas présent. Les socialistes vont devoir, pour l'essentiel, compter sur leurs propres forces.

5- Enfin, dernière difficulté : le contexte national, l'impopularité de François Hollande, ne sera pas porteur pour les socialistes. Quand on sait que même lorsqu'il y a eu une vague rose ces dix dernières années, le PS n'en n'a jamais bénéficié à Saint-Quentin, on est effrayé à l'idée de ce que va produire une situation de fort reflux électoral.

Je n'exagère donc pas en disant que nous allons entrer dans la plus dure des batailles électorales que nous n'ayons connues, d'autant plus dure qu'on ne pardonnera pas à la gauche de perdre une quatrième fois consécutive. C'est pourquoi la notion un peu lyrique de chef de guerre n'est pas exagérée non plus. Sinon, on va se faire bouffer, par les fachos, par les gauchos, par Bertrand et par l'air du temps. "Père, garde-toi sur ta droite et sur ta gauche", je ne sais plus quel personnage historique disait cela, qu'on apprenait à l'école, mais je crois que les socialistes saint-quentinois en sont là : attaqués de toute part, sur leur gauche et sur leur droite. Encore heureux qu'ils ne soient plus attaqués de l'intérieur, par les divisions internes ! Qu'ils se donnent demain soir un chef de guerre, et le soleil enfin se lèvera, celui d'Austerlitz ; sinon, ce sera un nouveau Waterloo et sa morne plaine.

mardi 25 juin 2013

Avis aux amateurs



La politique est une guerre qui demande un chef. Ce n'est pas un duel d'aristocrates, où le vainqueur est désigné au premier sang versé. C'est une lutte à mort, où le ridicule, l'humiliation , l'ignorance tuent. Il faut être armé, déterminé et un peu fou. J'aurais aimé que tous les candidats qui rêvent de figurer sur une liste aux élections municipales assistent à la séance d'hier soir, à Saint-Quentin, pour voir ce qui les attend.

Beaucoup croient peut-être que devenir conseiller municipal est une sorte d'honneur, de reconnaissance, éventuellement un prestige. Non, c'est une misère, parce qu'il faut se battre ou mourir quand on est dans l'opposition, se taire ou partir quand on est dans la majorité. Rien à voir avec les débats politiques auxquels on assiste parfois à la télévision, qui sont généralement d'aimables échanges où chacun en ressort valorisé d'avoir combattu l'autre. Non, dans une séance de conseil municipal, l'affrontement n'est pas à armes égales : le maire, c'est le maître, et ses opposants ont un boulot de chien. Avis aux amateurs ! (il est d'ailleurs formellement déconseillé d'être un amateur, souliers vernis et gueule enfarinée ...)

Hier soir, la cruauté était parfois de règle. Le maire soumet ses opposants à la question, au sens de l'Inquisition (inversant par là les rôles). Michel Aurigny et Nora Ahmed-Ali en ont fait les frais. A ce moment-là, les rires sont des flèches qui sifflent de partout. Xavier Bertrand reprend les propos de Michel Garand dans L'Aisne Nouvelle pour rabaisser Jean-Pierre Lançon : rien à voir avec l'ordre du jour, c'est gratuit, c'est fait pour faire mal, pour disqualifier. Quel être humain normal accepterait d'entrer dans un jeu aussi retors, vicieux, pervers, méchant ? Les idées n'ont pas leur place. Ce qui compte, ce sont les coups qu'on va donner. Je ne sens aucune estime entre les adversaires. C'est un combat de rue au couteau, pas un match de boxe entre gentlemen. Ceci dit, ce n'est pas sans contenu : les 45 dossiers étaient sur la table, j'ai choisi d'en commenter quelques-uns :

Sur le nombre et la répartition des sièges à la communauté d'agglomération, Michel Aurigny a posé une question pour montrer que Xavier Bertrand ne savait pas la réponse ! En incorrigible lambertiste, il a pinaillé sur les chiffres, les calculs, les détails au lieu de dénoncer l'unique assemblée démocratique au monde qui fonctionne à la quasi unanimité, qui ne dispose d'aucune majorité ni opposition (le maire appelle ça le consensus et l'apaisement).

Sur le stationnement gratuit en centre ville, proposé par Michel Aurigny sous forme de zone bleue, Xavier Bertrand trouve la mesure démago : on finance comment ? Et qu'est-ce qu'on fait des voitures ventouses qui bloquent les places et chassent les véhicules des touristes ? Pourtant, je pense que la question de la gratuité est un vrai débat. La preuve : la carte Ma Saint-Quentinoise permet une heure gratuite de stationnement.

Les cours d'école et leurs équipements sportifs, faut-il les ouvrir à la population ? Bertrand dit oui, pour éviter que les gamins traînent dans les rues. Aurigny dit non, parce qu'il veut que cet espace demeure réservé à l'Education nationale ("sanctuarisation", c'est le mot). Olivier Tournay évoque une rumeur d'annualisation du temps de travail dans les centres sociaux, et s'en inquiète. Xavier Bertrand lui répond que la rumeur est infondée, et Marie-Laurence Maître renchérit en ce sens. Mais quand Agnès Potel intervient, elle parle ... d'annualisation. Du coup, Anne Zanditenas et Michel Aurigny soulignent la contradiction. Là, Xavier Bertrand est coincé. Mais quand on est le maître, on s'en sort toujours.

Pour finir, et pour ne pas changer, le maire s'en est pris au Conseil général de l'Aisne, qui ne finance plus les chantiers d'insertion selon lui : "un vrai scandale", dit-il, et de se préoccuper pour les finances du département. Pas de doute, Xavier Bertrand n'est pas un amateur en politique. Pour le moment, il n'a pas encore trouvé son homme. Pour le moment.

Mon projet, ma campagne



Au stade actuel de notre procédure interne, il n'est question que de la désignation du premier des socialistes pour les élections municipales de 2014. Le projet viendra plus tard, discuté et validé par les adhérents des sections. Mais un candidat à la tête de liste ne peut pas se présenter les mains vides et n'afficher que sa bonne figure ; il lui faut mettre des propositions sur la table, qui ne sont bien sûr que des pistes de réflexion. C'est ainsi qu'il faut prendre celles que je vais énumérer. Sauf une, non négociable, qui m'engage totalement : le refus d'augmenter les impôts locaux, afin de préserver un pouvoir d'achat déjà mal en point pour beaucoup de Saint-Quentinois(es).

Ma campagne se fera exclusivement sur des thèmes locaux, et pas nationaux. Chacun sait que je suis socialiste, que je défends à 100% le gouvernement Hollande-Ayrault : je n'ai pas besoin d'en dire plus ni d'en faire trop. Ce qui m'intéresse dans ces élections municipales, c'est la ville de Saint-Quentin et ses habitants, point. C'est pourquoi je m'adresserai à l'ensemble de la population, quelles que soient ses opinions, dans une campagne qui ne sera donc pas partisane. Et pour le prouver, la moitié de la liste sera composée d'hommes et de femmes n'appartenant pas à des partis politiques, mais des personnalités locales, influentes, actives, ayant fait leurs preuves en matière d'engagement public, responsables associatifs, syndicalistes, chefs d'entreprise, professions libérales ...

Chaque candidat de la liste sera invité à signer une charte du candidat, afin de remédier aux erreurs passées. Quant on aspire à un mandat, il est légitime de se soumettre à trois obligations et de s'y tenir durant toute la durée du mandat : siéger en séance de conseil municipal, se plier à la discipline majoritaire (pas de vote individuel), assurer son rôle de représentation lors des grandes manifestations publiques. L'élu qui, pour des raisons d'ordre privées, serait amené à ne pas pouvoir respecter ces trois obligations (qui sont les devoirs élémentaires d'un élu) devra remettre son mandat en démissionnant.

Je ferai une campagne de propositions. Les Saint-Quentinois n'attendent pas qu'on critique et qu'on casse mais qu'on apporte et qu'on construise. Le bilan de Xavier Bertrand ne m'intéresse pas. Chacun sait ce qu'il est, ses réussites et ses échecs : je ne suis pas dans le commentaire mais dans l'action, je ne me définis pas par rapport à la majorité sortante mais en vertu de mes valeurs, de ma sensibilité, de ma réflexion et du mandat que m'accorderont mes camarades. Je respecte mon adversaire, je ne le caricature pas et j'accepterai, le moment venu, tout débat avec lui. Ma seule préoccupation, c'est Saint-Quentin et les Saint-Quentinois(es). Mon souci, c'est de réussir l'alternance, après bientôt vingt ans de gouvernance d'une même équipe, d'une même sensibilité.

Mon calendrier sera le suivant : dès après ma désignation, avant même que ne commencent les vacances d'été, je rencontrerai tous nos partenaires potentiels, du MoDem au Front de gauche, afin d'établir un premier contact. A partir de septembre, je lancerai les Rencontres du Projet : au lieu de rédiger un programme au sein de nos sections, entre socialistes, c'est la population qui sera sollicitée, à travers une petite dizaine de réunions publiques, dans le but de recueillir les désirs et les revendications des habitants. Parallèlement, des personnes ressources seront consultées pour construire notre projet municipal, non pas sur des slogans mais sur des compétences, une forme d'expertise. Courant janvier, le projet municipal sera rendu public, avec trois ou quatre grandes mesures qui seront chiffrées (dans leurs grands volumes financiers). Promettre n'importe quoi ne m'intéresse pas : promettre ce qui est faisable, là oui.

L'équipe municipale sera reconfigurée. Actuellement, l'éducation, la culture et la jeunesse sont séparées. Il faut les mettre en synergie, à la charge d'un seul maire-adjoint. Ensuite, il faut créer un adjoint au tourisme, qui n'existe pas aujourd'hui. Certes, l'agglomération s'en charge ; mais ce n'est pas une raison pour que Saint-Quentin ne s'en charge pas aussi (d'autres compétences sont communes aux deux assemblées). Un maire-adjoint, on s'en souvient, on l'identifie ; pas un vice-président d'agglo. Maire-adjoint au patrimoine historique, c'est une dénomination trop statique, trop restrictive. Le tourisme, c'est plus dynamique, et l'importance du développement de ce secteur pour Saint-Quentin n'est plus à démontrer. Enfin, dernière création, entièrement nouvelle celle-là : maire-adjoint aux droits des femmes et à la lutte contre les discriminations, comme il en existe dans bien des villes.

Les relations entre le maire et ses administrés est un point fondamental. On ne peut plus diriger une ville comme autrefois. L'avis et la participation de la population sont devenus indispensables. L'actuelle majorité consulte et communique, très bien. Mais je veux faire mieux : non plus des questions qui viennent d'en haut, mais des suggestions qui remontent d'en bas. C'est la procédure du référendum d'initiative populaire : proposé par pétition, un sujet est soumis à l'approbation de la population.

Dans le même état d'esprit, le CESE (Conseil économique, social et environnemental) est une assemblée réunissant les forces vives d'une ville, qui débattent de questions locales, rédigent des rapports en dehors de tout clivage partisan. Il existe au niveau national, régional mais pas local. Je propose de l'instituer au niveau local. Il nous faut absolument, à côté du conseil municipal dont les joutes, aussi essentielles soient-elle, sont généralement stériles, établir un lieu de rencontre, de débat et de proposition qui échappe aux contingences électorales (sachant bien sûr que le conseil municipal demeure souverain).

Enfin, une ville moderne doit avoir des relations modernes avec la presse et les médias, ce qui n'est pas encore tout à fait le cas à Saint-Quentin (y compris à gauche). La presse doit être libre et respectée. Un journal n'est pas une entreprise comme les autres. Je me moque de savoir si un fabricant de chaussures est libre et respecté. Mais un support qui contribue à former l'opinion publique, ce n'est pas la même chose. La presse est un rouage essentiel de la démocratie locale. Tous les six mois, les journalistes seront invités à me rencontrer en mairie, à faire un bilan de la politique en cours, à poser librement toutes les questions de leur choix.

Un maire, c'est aussi un employeur. A l'approche d'une possible alternance, le personnel municipal, des agents jusqu'aux directeurs, s'interroge et parfois s'inquiète. Mon seul critère, c'est la compétence, pas l'appartenance politique : je récuse d'avance tout copinage et tout favoritisme. Ceux qui ont fait leurs preuves resteront.

Voilà donc pour les principes et orientations de mon projet et de ma campagne. A partir de là, tout reste à définir, à construire, avec tous ceux qui voudront bien s'associer à cette démarche. La gauche a perdu les élections municipales de 1995, de 2001, de 2008. Gagner celles de 2014, ce n'est pas une possibilité ou une probabilité : c'est cette fois une question de survie politique. Sinon, nous sommes bons pour un demi-siècle, au moins, à droite.

lundi 24 juin 2013

Lui et moi



Plusieurs lecteurs se sont émus de la place accordée à la candidature de Michel Garand dans L'Aisne Nouvelle de samedi dernier (couverture et deux pleines pages intérieures). Surtout, ils ont été choqués par la présentation du journal, qui laisse entendre que la désignation est faite et le candidat socialiste déjà choisi. A tous, je rappelle que la presse est libre et qu'il n'y a donc pas à lui reprocher quoi que ce soit. Elle n'est pas tenue par les statuts du parti socialiste !

Et puis, la position de L'Aisne Nouvelle ne fait que refléter une réalité, que Michel Garand souligne au début de son interview : il a été pré-sélectionné comme "meilleur candidat" par les bureaux des deux sections locales, adoubé publiquement par la vice-présidente du Conseil régional de Picardie, le secrétaire de section de Saint-Quentin, le premier secrétaire fédéral adjoint et le secrétaire fédéral chargé des élections. Ce ne sont pas de simples soutiens individuels mais une véritable coalition qui porte Michel Garand.

Dans ces conditions, il est logique que L'Aisne Nouvelle considère que les jeux sont faits, que la messe est dite. En ce qui me concerne, je ne préjuge pas du résultat, je me présente aux suffrages de mes camarades en respectant nos règles, je ne me prévaux de personne, je ne me retranche derrière aucun parrainage : une tête de liste et un maire doivent garder les mains libres, ne dépende de personnes d'autres que de ceux qui les ont démocratiquement mandatés. Aurélien Walti m'a ce matin à mon tour interviewé, pour l'édition de demain de L'Aisne Nouvelle. L'incident est donc clos.

Comme promis hier, je veux en venir au fond des déclarations de Michel, sur lesquelles il y a accord général entre lui et moi, ce qui n'empêche pas les différences, d'ailleurs fructueuses. Sinon, à quoi bon organiser une élection ? Le débat est dans la tradition du parti socialiste. Sur la zone franche, Michel Garand a un jugement entièrement négatif et veut mettre fin à ce dispositif. Ma position est plus nuancée : comme Michel, je pense que les promesses que laissait espérer la zone franche n'ont pas été tenues, sinon le taux de chômage à Saint-Quentin ne serait pas ce qu'il est. Mais cette mesure (que choisissent d'adopter des maires de gauche) a tout de même réussi à maintenir un certain niveau d'emploi. Surtout, sa disparition ne créera pas un seul emploi nouveau ! C'est pourquoi c'est selon moi un mauvais cheval de bataille.

Les professions libérales qui ont quitté le centre ville pour bénéficier des exonérations fiscales ne vont pas forcément y retourner. En revanche, certaines entreprises extérieures seront enclines à partir. Redynamiser le centre ville est une impérieuse nécessité, mais pas en supprimant la zone franche : la concurrence n'est pas à craindre, il ne faut pas vouloir revenir à ce qu'était il y a trente ans le centre ville. Les modes de vie et de consommation ont évolué, la périphérie est une seconde ville, il faut s'adapter à cette nouvelle donnée.

Je préconise une occupation permanente et systématique de la place de l'Hôtel de Ville, à travers des animations de multiples sortes. Le centre ville ne renaîtra qu'en mobilisant encore plus sa fréquentation, son flux de population, en le rendant constamment attractif. Une seconde mesure est à réfléchir : le problème du stationnement. La périphérie commerciale est séduisante parce qu'on s'y gare facilement et gratuitement. C'est donc dans cette direction qu'il faut aller chercher des solutions, pas du côté d'une hypothétique suppression de la zone franche, dont les pertes seraient probablement supérieures aux gains en matière d'emplois.

Sur la zone franche, j'admets qu'il y a discussion, et je ne fais qu'émettre un point de vue personnel. Mais sur la fiscalité, il n'y a rien pour moi de négociable : je m'oppose totalement à toute hausse des impôts locaux, alors que c'est au tour de Michel d'être beaucoup plus nuancé ("On ne peut pas offrir de garantie complète", dit-il). Je garantis quant à moi que les impôts n'augmenteront pas. Non pas que je sois un libéral hostile par principe à l'impôt, mais parce qu'à Saint-Quentin les impôts locaux sont déjà très, trop élevés : laisser un doute sur leur possible augmentation, c'est faire planer une menace sur le pouvoir d'achat, dans une population saint-quentinoise durement touchée par la crise. Non, la hausse des impôts, ce n'est pas possible ! Je vais plus loin : si un nouveau projet entraînait une hausse des impôts, je préférerais encore renoncer au projet (cas d'école).

Un dernier point suscite mon désaccord avec Michel, lorsqu'il dit, faisant référence à Xavier Bertrand : "Quand on aime sa ville, on scolarise ses enfants à Saint-Quentin". J'estime que mon camarade franchit la ligne jaune en évoquant la vie privée de notre adversaire politique. La confrontation politique doit rester un échange d'arguments, sans aucune référence à la vie des personnes, de leur famille, de leurs enfants. Surtout pas. Un choix individuel, pour des raisons que nous n'avons pas à connaître, ne contredit pas un engagement public. En tout cas, jamais je ne mettrai mon combat contre Xavier Bertrand sur ce terrain-là.

Enfin, il est inutile de charger Jean-Pierre Lançon quant à sa responsabilité dans l'incurie et l'inertie de l'opposition. Désormais, nous sommes tous d'accord que les alliances avec l'extrême gauche étaient une grave erreur politique qui a débouché sur une absence des élus d'opposition dans la vie publique locale. Mais je n'aime pas la chasse à l'homme ni la logique du bouc émissaire. Jean-Pierre a certes proposé ces alliances, mais Anne Ferreira les a défendues aussi et notre fédération n'a pas validé le vote de la section qui les refusait majoritairement. Il y a donc responsabilité collective.

Pendant six ans et pour quelques mois encore, Jean-Pierre a été chef de file de l'opposition, sur une ligne qui n'était pas la mienne mais avec un courage qu'il faut lui reconnaître lorsqu'il a dû, à chaque séance municipale, s'affronter durement au maire et à la majorité en place. J'en sais quelque chose, moi qui ai assisté à presque tous les conseils municipaux. Bien malin celui qui pourrait certifier que face à une bête politique telle que Xavier Bertrand, il ferait beaucoup mieux en matière d'opposant. Je n'ai pas en tout cas cette prétention. Mon jugement critique sur la ligne politique de Jean-Pierre Lançon ne me prive pas de saluer l'homme, dont il faut tout de même avoir la justice de remarquer que son engagement a toujours été désintéressé.


Dans mon billet de demain, j'exposerai quelques propositions de mon programme municipal.

dimanche 23 juin 2013

Chef de guerre



C'était jeudi soir, au café des Champs-Elysées, la réunion de présentation des candidatures socialistes pour la tête de liste aux élections municipales de Saint-Quentin, c'est-à-dire Michel Garand et moi. Comme dans tout ce que je fais, je me prépare minutieusement, j'envisage toutes les éventualités, je néglige aucun détail, je n'improvise rien. Jusqu'à mes vêtements ! J'ai pris une chemise blanche parce que je me sens bien en chemise blanche. C'est la tenue de celui qui va se battre en duel, mais aussi de celui qui monte sur l'échafaud (je vous laisse le choix de l'image).

C'était pour moi un moment important : enfin, j'allais pouvoir expliquer officiellement à mes camarades, dans une réunion statutaire, le sens de ma démarche, plusieurs années d'une trajectoire politique qui diverge sur certains points avec les choix de notre section. Cette candidature, je l'ai annoncée publiquement il y a six mois, pensée et préparée depuis longtemps. Etrangement, j'étais calme, maître de moi, absolument certain de mon fait ... alors que je ne suis pas du tout le favori, alors que la défaite est plus probable que la victoire (mais attention aux surprises). Il y a ce phénomène que j'ai souvent constaté : quand on se croit porteur d'une vérité, rien ne peut vous atteindre, vous perturber, on file tout droit, sûr de soi. Et puis, j'ai toujours eu à l'égard de la politique ce mélange paradoxal de passion et de distance qui fait que je ne suis jamais déçu ou meurtri de ce qui peut m'arriver (je joue, je gagne ou je perds, mais j'assume et je ne me plains pas).

Les Champs-Elysées ! J'en ai tant vu, tant entendu : la salle est pleine de fantômes, des cris, des ricanements, des pleurs, des psychodrames, presque des bagarres ... En quinze ans, c'est affolant : de quoi vous dégoûter de la politique, d'en partir ... mais j'y reviens toujours, je ne la quitte pas. Il y avait donc, jeudi soir, de quoi trembler (mais aussi d'excitation, tant j'aime ça, le combat). D'autant que ma manie de tout prévoir est régulièrement mise en échec : en politique, on ne sait jamais comment une réunion va tourner. Avec Michel, je n'avais pas trop d'inquiétudes ; mais il y a les phénomènes de groupe qui montent très vite, qui vous échappent, où tout part en vrille (c'est du vécu !). Voulez-vous que je vous dise ? Tout s'est très bien passé, dans une excellente ambiance, sans heurt. Chacun a honnêtement présenté sa candidature, il n'y a pas eu de contestation violente, les interventions qui ont suivi notre présentation ont même très largement repris ce que l'un et l'autre avions dit.

Ce climat entre socialistes, qui augure d'un bon début de campagne (quel que soit le candidat désigné jeudi prochain), est-il à mettre au compte de la psychologie, Garand et moi étant suffisamment aimables et courtois pour répandre la sérénité autour de nous ? Non, pas du tout. En politique, il n'y a que des raisons politiques. Depuis quelques jours, nous assistons à un fait politique majeur chez les socialistes saint-quentinois : ce n'est pas le retrait de Ferreira, ce n'est pas la candidature de Mousset et Garand ; c'est que nous avons retrouvé notre unité politique, perdue il y a six ans lorsque les alliances avec l'extrême gauche ont été nouées. C'est l'événement très positif de ce début de campagne. J'ai lu la profession de foi de Michel Garand : j'aurais pu la signer, comme lui aurait pu signer la mienne.

J'ai expliqué, devant mes camarades, qu'il fallait relativiser l'influence des personnes dans une élection municipale, en politique en général. Mousset ou Garand, Garand ou Mousset, les Saint-Quentinois s'en moquent : ils veulent quelqu'un qui vienne les voir, qui les écoute et qui leur propose quelque chose. Le reste est important, mais secondaire. Ce qui compte, c'est l'orientation politique, très largement conditionnée par les alliances qu'on passe. La ligne de Michel, c'est la mienne : alliances à gauche, ouverture au centre, participation de la société civile, campagne de propositions plus que de contestation, quelques mesures fortes pour mobiliser l'opinion. Le bon climat entre socialistes, après des années de déchirements et de tensions, le voilà : le consensus autour des idées précédentes (ne me demandez pas comment on a pu arriver à ce miracle, moi-même je ne le comprends pas très bien ; mais il me suffit de le constater).

En politique, on peut parler avec son intelligence, son coeur ou ses tripes. L'intelligence me conduirait à faire autre chose que de la politique. Le coeur me ferait embrasser tous mes camarades et être copain avec tout le monde. Non, jeudi, ce sont mes tripes que j'ai mises sur la table. Pourquoi je crois être meilleur que Michel, avec qui je partage pourtant la même sensibilité ? D'abord, je suis plus connu que lui du grand public, à cause de mon engagement associatif, et reconnu depuis longtemps comme socialiste. Ensuite, j'ai une meilleure maîtrise de la communication, une meilleure connaissance de ce milieu. Enfin et surtout, et c'est l'argument le plus important, le plus décisif, que je suis allé chercher au fond de mes tripes : je suis offensif, j'ai le sens de l'adversité, je ne lâche jamais rien.

Contre Xavier Bertrand, je suis the right man at the right place, combattant au long cours. Michel part pour un mandat, moi pour deux ou trois : ça change tout. Je l'ai dit à mes camarades, pour finir ma présentation de candidature : même mes défauts, ce côté excessif qui me met souvent dans le trop, jouent en ma faveur. Alors, un mot, un dernier, m'est venu à l'esprit, que je n'avais pas préparé : chef de guerre ! Oui, voilà ce que je suis et ce que je veux être, voilà ce dont les socialistes de Saint-Quentin ont besoin : un chef de guerre ! Des chefs, il y en a plein un peu partout, notamment dans les partis politiques : petits chefs et grands chefs, chefs de bureau et chefs de clan. Mais chefs de guerre, il n'y en a pas tant que ça.

J'ai hésité quelques secondes avant de la prononcer, tellement l'expression est grandiloquente. Mais elle est vraie, et c'est elle qui me distingue le plus de Michel, qui ferait un bon maire s'il n'y avait pas à passer par l'élection, qui ne tiendra pas vraiment en adversaire de Xavier Bertrand. Il a le costume de premier magistrat et moi j'ai le treillis de chef de l'opposition. Nous nous complétons mais l'un des deux doit forcément quitter sa moitié, laisser la place : la vie est mal faite ... Il faudrait que j'ai ses qualités et lui les miennes ; on ne s'en sort pas ! Si la gauche était certaine de gagner, il serait raisonnable que je m'efface devant lui ; si la gauche était certaine de perdre, il faudrait que ce soit lui qui renonce, à mon profit. Mais comme en politique on est certain de rien, nous ne sommes pas plus avancés ... Une certitude tout de même : la campagne sera difficile, et la victoire aussi. Tirez-en de vous-mêmes la conclusion.

Quand la réunion s'est terminée, Michel Garand m'a quitté par une petite tape amicale sur la joue (je vous jure !). Il est vraiment sympa, libre et intelligent. Je lui ai répondu d'une formule un peu mystérieuse : Il faudrait que tout se termine aujourd'hui. Ca veut dire quoi ? Que tout s'est bien passé et qu'il faudrait en rester là. Car inévitablement la vie politique détériore les relations humaines, oblige à l'affrontement. On a beau dire, on a beau faire, l'un de nous deux est en trop. Jeudi soir, il y aura nécessairement un vainqueur comblé et un vaincu mécontent. Il n'y a que les idiots qui ont le sourire dans la défaite.

On pourrait conclure de ce billet que bien peu de choses me séparent de Michel Garand. Et c'est exact. Mais si je maintiens ma candidature, c'est qu'il y a tout de même des différences politiques entre nous, dont je vous parlerai demain en commentant la longue interview de Michel dans L'Aisne Nouvelle de ce week-end.

Balade irlandaise



Mercredi, j'avais mes copies de bac à corriger, ma présentation de candidature à préparer (j'en reparlerai dans mon prochain billet) et un orage à affronter (en pleine nuit, il faisait comme jour à cause des éclairs !). Mais j'ai pris tout de même ma voiture pour me rendre à Soissons. Qu'est-ce qui peut pousser un homme très occupé à sacrifier sa soirée, à parcourir 70 km, à braver les éléments déchaînés ? Deux réponses : un rendez-vous torride avec une maîtresse ou bien un événement culturel à ne pas manquer. Que croyez-vous qu'a été ma motivation ? La seconde solution, bien sûr !

Je me suis rendu, sur le très chic boulevard Jeanne d'Arc, au théâtre Rive droite, pour assister au spectacle de lecture de textes Interrompre le silence. L'écriture est de Denis Mahaffey, la lecture de lui et de Martine Besset et la mise en voix de Jacques Delorme (en vignette, Denis à mes côtés). Je connais Denis depuis plusieurs années, depuis qu'il fréquente régulièrement le café philo de Soissons. Il m'est difficile de vous parler de son travail, puisqu'il faut essentiellement l'entendre, l'écouter, et pas le raconter. C'est un art qui s'apprécie à la voix, dans l'instant. On ne peut pas le goûter en différé.

Denis Mahaffey nous entraîne pendant plus d'une heure dans son univers, personnel et irlandais, puisqu'il nous vient de ce beau et sauvage pays. Martine certes lit elle aussi, mais je crois que ces textes ne peuvent s'entendre que sortant de la bouche de leur auteur. Il y a l'accent qui donne tout son charme à la lecture, et puis le ton de voix, calme, apaisant, étonné. Denis nous parle de lui, de sa vie, de ses péripéties avec une heureuse distance, une malice permanente, une auto-ironie assez jubilatoire. Il en résulte une sorte de philosophie de la vie faite de doux scepticisme et de sage résignation à l'égard des êtres et des événements. A quoi s'ajoute, fréquemment, un élément beaucoup plus dérangeant : la violence, qui est le revers tragique de cette petite comédie qu'est l'existence vue par notre diable d'Irlandais. Je me pose une question : est-ce que j'apprécierai autant le style de Mahaffey à la lecture qu'à l'écoute ? De l'oreille ou de l'oeil, qui l'emporterait ?

Cronenberg en trop



Vendredi soir, à Hirson, Claude Trévin et son équipe (en vignette) m'a demandé de venir animer la séance du Ciné-Blabla. Le film, Antiviral, de Brandon Cronenberg, est tout à fait dans la lignée de ce que fait le père, David : fantasmes autour de la biologie, obsession de la techno-science, quête délirante de la perfection et de l'immortalité. L'histoire est totalement folle : des fans se font inoculer les maladies de leurs idoles, dans un désir d'identification ! Des steaks de cellules humaines sont vendus illicitement ...

Bien sûr, tout ça renvoie à nos angoisses contemporaines : le sang contaminé, la peur des virus, le phénomène de starification, mais aussi à de très archaïques et obscures pulsions de l'humanité : le cannibalisme, le vampirisme. Ceci dit, je trouve que Brandon Cronenberg, à trop vouloir suivre les traces de son père, en fait trop. Le scénario est répétitif, le film un peu longuet et surtout pénible à regarder. Certes, ce malaise est voulu par le réalisateur. Mais l'esthétique blafarde et glauque, l'atmosphère clinique et morbide finissent par saturer l'esprit.

Si on ne fait pas de bons films, comme de bons livres, avec de bons sentiments, on n'en fait pas non plus avec que des mauvais. Antiviral ne présente aucun personnage positif, aucune solution à laquelle se raccrocher. Tout y est horrible du début à la fin, sans secours possible : c'est un monde en blanc (la couleur dominante du film) qui, à force de voir tout en noir, nous empêche de penser quoi que ce soit. Car cet univers-là, hantise de la famille Cronenberg, est censé être notre futur proche. L'excès est si fort qu'on n'y croit pas et qu'on n'y réfléchit pas, puisque d'emblée tout est à condamner dans ce monde à venir. Drôle d'idée aussi pour un créateur de se ranger dans le prolongement de l'oeuvre de son père. Mais si vous avez envie de faire des cauchemars la nuit, allez voir Antiviral : dans le genre, c'est très bien fait.

samedi 22 juin 2013

Nouveau siège



Inauguration officielle cet après-midi du nouveau siège de la Ligue de l'enseignement de l'Aisne, à Presles-et-Boves. Parmi les personnalités qui nous ont fait l'amitié et l'honneur de leur présence : Thierry Delerot, vice-président du Conseil général de l'Aisne ; Annick Venet, maire de Vailly-sur-Aisne et présidente de la communauté de communes du Val de l'Aisne ; Arnaud Battefort, représentant le député Jacques Krabal.

Après la réception (vignette 1), nous avons assisté au merveilleux spectacle de la compagnie théâtrale Nomades, Le Petit Peuple de Pierres (vignette 2). Auparavant, deux randonnées pédestres à travers le pays avaient ouvert la journée, qui s'est terminée dans la fumée d'un barbecue (vignette 3), que le temps peu clément nous a contraint à consommer sous abri (vignette 4). Beauregard, notre précédent siège, c'est bel et bien fini : une nouvelle vie a commencé pour la Ligue (ex-FOL).

Panem et circenses



La Fête de la Musique, hier soir, pose un intéressant problème politique à l'approche des élections municipales : quelle doit être la place du divertissement dans la gestion d'une ville ? A gauche, il y a une tendance à s'en méfier et à répéter la fameuse formule du poète romain Juvénal : Panem et circenses, du pain et des jeux. On craint en effet que les strass et paillettes ne soient qu'un détournement volontaire des vrais problèmes que sont le chômage, le pouvoir d'achat, les conditions de vie, etc. Au divertissement, on oppose la culture, censée émanciper les individus alors que le divertissement les aliénerait.

Je ne partage pas ce point de vue, je trouve que la distinction est artificielle, je pense au contraire que le divertissement fait partie de l'identité d'une ville, qu'il correspond à une demande populaire qui n'exclut pas de se préoccuper des sujets auparavant cités. Le divertissement participe également de la vie économique.

A ce propos, je crois, et ce sera aussi un thème de débat pour les élections municipales, que la revitalisation du centre ville de Saint-Quentin ne passe pas forcément par la disparition de la zone franche mais plutôt par l'animation permanente qui attire et fidélise le public, de façon à ne jamais laisser vide la grande place de l'Hôtel de Ville. C'est en tout cas un des moyens. La concurrence n'est pas à craindre, à condition de rendre l'hyper-centre attractif. Déshabiller Pierre n'habille pas nécessairement Paul.

Du pain et des jeux ? Mais oui, plutôt ça que la misère et la guerre, très fréquentes sous l'Antiquité. Juvénal avait une vision aristocratique de l'existence et critiquait les moeurs du peuple. Si sa célèbre formule est parfois reprise par la gauche, il était, pour l'époque, un homme de droite ! Mais ce n'est pas Juvénal qui sera candidat aux élections municipales ...


Vignette 1 : le groupe de soul Simple Man, qui se produit régulièrement à la Brasserie du Théâtre, était hier soir place de l'Hôtel de Ville.

Vignette 2 : dans la bibliothèque Guy-de-Maupassant, les Papillons blancs (APEI) et le centre social Saint-Martin se sont produits, sous la direction de Chantal Laxenaire (compagnie L'Echappée).

vendredi 21 juin 2013

Un matin pour Jean Moulin



Nous commémorons aujourd'hui le 70e anniversaire de la disparition de Jean Moulin. Madame Levisse Touzé, conservateur en chef du patrimoine et directeur du mémorial Leclerc/musée Jean Moulin, a donné ce matin une admirable conférence dans le collège de Saint-Quentin qui porte le nom du héros martyr de la Résistance française. Elle nous a fait connaître un Jean Moulin méconnu, l'homme plutôt que le militant et le chef. Et puis, c'est sous les trombes d'eau que nous nous sommes rendus à la cérémonie d'hommage, devant le monument de la Résistance et de la Déportation, boulevard Gambetta. Enfin, dernier temps de la matinée, retour au collège et inauguration de l'exposition "Jean Moulin, un héros moderne", proposée par l'ONAC (Office national des anciens combattants), en présence du député-maire et du sous-préfet.

Jean Moulin ! On se sent peu de choses face à cet homme-là. C'est le héros de mon adolescence, jusqu'à aujourd'hui. Sa célèbre photo, en noir et blanc, chapeau, foulard et manteau, je l'avais au mur de ma chambre, entre Maxime Le Forestier et le poster de Che Guevara (!). Pourquoi ? Parce que Moulin, c'est l'homme qui va jusqu'au bout de lui-même, de ses idées, à en mourir. C'est tellement rare. En même temps, et c'est d'autant plus impressionnant, il le fait anonymement : en ce sens-là, ce n'est pas un héros, qui défile, qui triomphe, qui est en quête d'admiration, mais un homme de l'ombre, guidé par le seul devoir (et pas le pouvoir). Voilà la grandeur de Jean Moulin. Enfin, c'est un homme libre, indépendant, esthète, ouvert à toutes les opinions, qui ira jusqu'à prendre, lui le républicain de gauche, un jeune secrétaire d'extrême droite, Daniel Cordier (auquel la télévision a consacré un magnifique téléfilm récemment). Tout ça méritait bien une photo dans la chambre d'un ado. Il y a quelques années, j'ai retrouvé à Montpellier l'endroit précis où la célèbre photo a été prise.

Dans son allocution devant les jeunes collégiens et les stagiaires de l'EPIDE (voir vignette), Jean-Jacques Boyer, sous-préfet, a tenu à resituer l'action du corps préfectoral pendant les années d'occupation, qui traîne à tort une image de complaisance à l'égard de l'ennemi. Le préfet Jean Moulin n'a pas été le seul : de nombreux membres de la haute fonction publique ont participé à la Résistance, à leur façon, dans une situation pour eux fort délicate puisqu'ils étaient chargés, de par leur position officielle, de l'ordre public.

Trois moments m'ont particulièrement touché lors de cette matinée dédiée à Jean Moulin : d'abord, le Chant des Partisans, interprété par les collégiens, mon chant patriotique préféré ; ensuite, le discours d'André Malraux lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, que je ne peux écouter sans ressentir de frissons (quand je fais visiter le Panthéon, je récite toujours ce qui est pour moi un morceau d'anthologie de la rhétorique française du XXe siècle) ; enfin, ma conversation avec Maxime Hénocque, le seul parmi le public, ce matin, à avoir été Résistant. Devant l'Histoire, face aux Grands, à ceux qui ont risqué et donné leur vie, on se sent tout petits, nous qui n'avons rien risqué et si peu donné.

jeudi 20 juin 2013

Peintres amateurs



Ils ne sont pas toujours très bien vus, on les moque parfois gentiment, le nom dont ils se réclament a lui-même un sens péjoratif, lorsqu'on l'oppose à "professionnel" : ce sont les peintres amateurs, qui ont à Saint-Quentin leur salon, au palais de Fervaques, jusqu'à dimanche (vignette 1, le vernissage hier soir, en présence de Gérard Decroix, président d'Art et littérature, et des membres de l'association Les Retraités dynamiques).

C'est étrange : amateur d'art est une expression bien portée, qui fait plutôt chic (on imagine par exemple un riche collectionneur entouré de tableaux). Mais peintre amateur a beaucoup moins la cote. A tort : les peintres amateurs sont l'expression d'une culture populaire qui mérite qu'on s'y intéresse. A-t-on besoin pour cela d'exiger des chef-d'oeuvre ? Je ne pense pas.

J'ai retenu, parmi bien d'autres, le tableau de Jean-Claude Langlet (vignette 3). L'art est un domaine vaste et les artistes sont nombreux, comme celui, d'un genre très particulier, qui traverse inopinément la salle au moment de la visite générale (vignette 2).

mercredi 19 juin 2013

Candidat libre



Il n'y aura pas de deuxième surprise : après la défection d'Anne Ferreira et le retrait de l'aile gauche, le Courrier picard confirme, dans son édition d'hier, qu'il n'y aura que deux candidats au titre de premier des socialistes pour les élections municipales à Saint-Quentin : Michel Garand et moi. Comme l'avait déjà remarqué L'Aisne Nouvelle, c'est notre proximité politique, la social-démocratie, le réformisme, qui sont soulignés, à juste raison.

Mais il faut tout de même qu'il y ait forcément des différences entre nous, sinon à quoi bon deux candidatures ? C'est ce débat entre Michel et moi que je compte mener, et si possible gagner, dans la semaine qui nous reste, d'ici au vote des adhérents. Ce débat, j'entends le conduire dans le respect et la loyauté, ce qui m'est d'autant plus facile que Michel Garand est quelqu'un que j'estime, au point de lui avoir consacré six pages dans mon ouvrage Les Saint-Quentinois sont formidables (pp.225-231), sans imaginer un seul instant que nous serions un jour concurrents !

En lisant l'article du Courrier picard, je pointe plusieurs sujets de débat entre nous. D'abord, il y a la démarche : je me présente en candidat libre, ne sollicitant au préalable aucun soutien particulier, mais m'adressant à l'ensemble des adhérents à partir des analyses et des idées que je vais leur soumettre. Le rassemblement, je veux le créer autour de propositions précises : c'est dans les urnes, à travers le choix des adhérents, que le rassemblement se fera, nulle part ailleurs ni à aucun autre moment.

La démarche de Michel est très différente : il fait du rassemblement un postulat de départ (et non pas un résultat), se pose d'emblée en rassembleur et même en homme du consensus, ce que je ne fais pas, parce que j'estime que ce sont les adhérents, par leur vote, qui en décideront, pas Michel ni moi. La position du rassembleur préalable, autoproclamé ne me convient pas parce qu'elle suppose ce qui reste à démontrer. Tout candidat, par définition, se veut rassembleur ; encore faut-il le prouver. Et la seule preuve en politique, c'est le vote, pas la déclaration de principe.

Certes, Michel Garand argue de plusieurs soutiens d'importance en sa faveur, et même de toute une coalition Ferreira-Lançon-Andurand-Héry. Mais ça prouve quoi ? Quand on est fort, déterminé, sûr de soi, a-t-on besoin d'afficher autant de supporteurs, dont certains le sont de fraîche date et aux intentions encore mal définies ? Et puis, il ne faut pas qu'il y ait tromperie sur la marchandise : les statuts du parti socialiste ne prévoient pas de candidatures collectives mais strictement individuelles. Nous ne sommes pas dans un processus de congrès, où des listes de pétition circulent pour soutenir les motions. La candidature de Michel n'est pas l'Hydre de Lerne aux multiples têtes : les adhérents ne vont pas voter pour Garand-Ferreira-Lançon-Andurand-Héry ! Il en manquerait d'ailleurs deux, l'Hydre en avait sept ... Quoique l'image de la mythologie irait plutôt en ma faveur, puisque Hercule les a toute coupées d'un seul coup d'épée !

Bien sûr, la situation ne fait pas de moi le favori mais l'outsider. Ceci dit, soyons prudents : L'Aisne Nouvelle de jeudi dernier annonçait une centaine d'adhérents qui pourraient se déplacer pour aller voter. L'électorat est suffisamment large pour créer des surprises, rendre le résultat incertain. Mes arguments peuvent porter. Surtout, je crois que les adhérents n'apprécieraient pas qu'un des deux candidats soit désigné d'avance comme le gagnant. Car alors, à quoi bon débattre, à quoi bon même aller voter, si l'on décrète que Michel a déjà une majorité en sa faveur ?

Candidat libre d'un côté, candidat soutenu de l'autre, il y a un autre paramètre à débattre dans cette différence de méthode. Quand on est candidat soutenu, porté par une coalition, on est forcément tributaire de ses soutiens, qui ne le font pas pour rien. On devient un obligé, on a des comptes à rendre, des engagements à teni, on se retrouve sous influencer. Un soutien se monnaie par exemple en échange d'une place éligible sur la liste. La gratuité n'existe pas en politique. Ce n'est pas ma méthode : je ne veux pas de fil à la patte, je n'ai pas besoin d'un coach pour me guider.

Candidat libre je suis, candidat libre je reste, c'est à dire ouvert à tous, à l'écoute de tous, ne privilégiant personne, n'écartant personne parce qu'aucune alliance ne me lie à qui que ce soit. Au moment de constituer la liste, mes seuls critères de choix, ce seront la volonté, la compétence et la notoriété. Je ne promets rien à personne, ni maintenant ni après. Cette liberté est, selon moi, un gage de réussite pour constituer, exercice très délicat, une bonne liste, une liste ouverte c'est à dire une liste gagnante.

Un dernier point, lui aussi de méthode, me sépare de Michel Garand. Dans le Courrier picard, il annonce qu'il ne fera qu'un seul mandat de maire (il en sera de même, je suppose, s'il se retrouvait chef de file de l'opposition). Ce n'est pas mon point de vue : autant je suis favorable à la réduction du nombre des mandats, autant je ne suis pas favorable à leur limitation dans le temps. J'estime que la politique exige un engagement dans la durée : un seul mandat, c'est court quand on veut mettre en oeuvre des projets ambitieux.

Et puis, c'est aux électeurs d'en décider. Dans l'opposition, même raisonnement : à Saint-Quentin, nous souffrons de discontinuité, nous changeons sans arrêt de chef ! (ce qui signifie en réalité que nous n'en avons aucun). Quant à moi, je ne limiterai pas mon action à un seul mandat : maire de Saint-Quentin ou chef de l'opposition, je m'inscrirai dans la longue durée. Je suis devenu secrétaire de la section de Saint-Quentin en juin 1999. Depuis cette date, je n'ai jamais lâché la politique locale, j'ai toujours été présent, quels que soient les aléas et les coups du sort. Mes camarades peuvent donc compter sur ma motivation durable.

Le débat entre Michel et moi ne fait que commencer. Il se poursuivra demain soir, devant tous les adhérents, que j'invite à participer massivement à notre assemblée générale de présentation des candidatures. Le vote aura ensuite lieu le 27 juin : là aussi, que tous les socialistes fassent le petit effort de se déplacer pour aller voter. Et que le meilleur gagne ! comme on dit.

mardi 18 juin 2013

Pour un pacte républicain



Il y a eu, dimanche, l'échec du candidat socialiste, battu à Villeneuve-sur-Lot par le Front national et le débat qui s'en est suivi sur la nécessité ou pas d'un front républicain. Hier, à l'issue de l'inauguration de la Maison de la Lecture (voir billet précédent), dans un échange informel avec Xavier Bertrand, j'ai constaté, je crois, une analyse commune : les progrès de l'extrême droite constituent un avertissement lancé à toute la classe politique, dont il faut sérieusement se préoccuper. J'y ai repensé aujourd'hui, lors de la commémoration de l'Appel du 18 juin 1940 par le général de Gaulle, symbole de la résistance au nazisme et à tous ceux qui ont collaboré avec lui (voir vignette, avec les enfants de l'école Ferdinand-Buisson).

Je ne sais pas si Xavier Bertrand est pour, mais je suis totalement favorable à la stratégie dite de front républicain : dans toute élection où le Front national est opposé au second tour avec le candidat PS ou UMP, les deux partis de gouvernement, républicain l'un et l'autre, doivent appeler à voter pour ce candidat. Je l'ai fait en 2002 et en 2011, votant à chaque fois UMP sans regret : l'extrême droite, c'est le pire, il ne faut pas l'oublier, en cette journée historique du 18 juin. Bien sûr, il faut souhaiter un jeu démocratique normal, gauche contre droite, dans lequel je vote systématiquement à gauche depuis toujours, puisque c'est ma famille politique, quasiment héréditaire. Mais lorsque la démocratie est déstabilisée par le FN, il faut tout faire pour endiguer l'influence de ce parti extrémiste et dangereux.

A ce propos, je veux répondre à l'argument de Jean-Claude Le Garrec dans le billet d'hier sur son blog : "Le FN, il me semble que c'est un parti républicain, sinon il serait interdit". L'argument a le mérite de la simplicité, mais il est entièrement faux : de nombreux partis non ou antirépublicains sont légalement autorisés, par exemple des organisations monarchistes telles que la Restauration nationale ou bien le mouvement frappé de dissolution Troisième Voie, qui est néofasciste. De fait, le Front national, sans être monarchiste ou néofasciste, est pourtant antirépublicain lorsqu'il remet en cause le droit du sol, hérité de la Révolution française, dont la négation porte atteinte au principe d'égalité. Je pourrais multiplier les atteintes au droit républicain dans le programme du Front national.

A Saint-Quentin, la menace frontiste est gravissime. Cette fois-ci, et pour la première fois, le FN risque de présenter une liste aux prochaines élections municipales, qui prendra des voix à droite et à gauche, sans présenter une alternative crédible à des électeurs qui sont leurrés par ce parti. Aux dernières élections cantonales, les candidats socialistes ont été battus par l'extrême droite : cela devrait nous inquiéter et nous faire réfléchir. Mais la droite elle aussi peut pâtir de la présence du FN. C'est pourquoi il faut dès maintenant envisager un front républicain, en allant cependant plus loin.

En effet, ce que je reproche à la stratégie du front républicain, c'est qu'elle est ponctuelle, au cas par cas et à géométrie variable. Il faut rendre plus lisible et plus systématique, plus politique et moins électoraliste le rejet républicain du Front national. Je souhaite passer du front républicain au pacte républicain. Un pacte est un accord préalable, délibéré et assumé, idéologiquement construit, s'appliquant en toutes circonstances : en l'occurrence, l'engagement public des deux grands partis républicains à faire battre le parti antirépublicain, en appelant à voter pour l'un ou pour l'autre au second tour. Ce pacte rendrait formel et explicite ce qui n'est pour l'instant que spontané et localisé. Si mes camarades me désignent premier des socialistes pour la liste municipale, j'initierais, avec leur accord, une démarche en direction de Xavier Bertrand, afin de conclure avec lui ce pacte républicain de soutien réciproque au second tour, en cas exclusif d'une candidature maintenue du Front national. Ce sera un signe fort lancé à l'électorat frontiste, un avertissement républicain.

lundi 17 juin 2013

Bonne lecture à tous



Bonne lecture à tous ! C'est par cette invite que le sous-préfet de l'arrondissement de Saint-Quentin a terminé son intervention, lors de l'inauguration de la Maison de la Lecture, aujourd'hui en fin d'après-midi, rue de Noirmont, dans le quartier Saint-Jean (en vignette, la traditionnelle coupure du ruban, la dame avec le carton bleu est la directrice de cette nouvelle structure). De nombreux responsables et partenaires du monde de la culture étaient présents à cette importante manifestation (à noter la représentation remarquée des DDEN, Délégués départementaux de l'Education nationale). Le livre relie entre eux tous les amis de la culture, poète, peintre, dramaturge, bibliothécaire, enseignant ...

Ah le livre, la lecture ! C'est loin d'être une pratique évidente, je le constate avec les élèves. Mais il faut lire, c'est impératif : il suffit, pour le comprendre, de voir la tristesse et la souffrance de celui qui ne sait pas lire ou qui peine. Pour donner goût à la lecture, il faut lire n'importe quoi, c'est l'envie qui compte : quelqu'un qui commencerait par l'indicateur des chemins de fer, l'annuaire téléphonique ou la carte Michelin, qui y trouverait du plaisir, ce serait très bien. Pas besoin de se laisser étouffer par les grands auteurs : Proust ou Dostoïevski en ont dégoûté plus d'un, à force de vouloir nous les faire ingurgiter. La lecture doit demeurer un libre exercice, sans jugement de valeur. Je le répète : l'important est de lire quelque chose plutôt que rien (de temps en temps, je m'offre un Bob Morane, d'Henri Vernes, qui est très éloigné de la haute littérature).

Les vertus de la lecture sont immenses et pas exclusivement littéraires : lire, c'est apprendre à rester seul, avec un bouquin comme copain ; lire, c'est s'engager dans un effort plus ou moins grand, c'est comprendre que le plaisir peut aussi provenir de l'effort ; lire, c'est réfléchir, prendre son temps, maîtriser à ce moment-là sa vie (on décide soi-même d'ouvrir et de fermer le livre, de revenir en arrière, de sauter éventuellement des pages ; le cinéma ou le théâtre nous rendent beaucoup moins actifs et responsables). Je ne retiendrais donc pas cette trivialité qui consiste à dire que la lecture est un voyage, un dépaysement : oui, si on veut, bien sûr, mais pour moi, non, la lecture me permet de mieux comprendre la réalité, pas de la fuir.

La lecture sur internet, pourquoi pas : j'ai essayé, rien ne vaut quand même le bon vieux livre sur sa table de chevet, à portée de main. Et puis, aussi bizarre que ça puisse paraître, j'ai besoin de caresser et de sentir un livre, j'ai un rapport très sensuel avec lui. La tablette numérique, c'est bien joli mais c'est immatériel, désincarné : le livre a une texture, une odeur, le bruit des pages que le net ne rend absolument pas.

La lecture ne m'occasionne qu'un seul dépit, un rêve pour moi impossible, un désir insatisfait : celui de lire toute une nuit, de m'endormir aux aurores avec mon livre dans les bras, comme si je tenais une femme assoupie. Mais je n'y arrive pas ! Le plus passionnant des livres est toujours vaincu chez moi par le sommeil, qui me tombe dessus très vite. A part ça, la lecture est une merveilleuse maîtresse qui ne me fait jamais défaut, qui ne me déçoit pas, qui me comble entièrement. Le sous-préfet avait raison, la seule phrase qui vaille est celle-là : bonne lecture à tous !

Mon bac philo



Je ne vais pas vous donner les corrigés des sujets de philosophie de ce matin, mais plutôt quelques remarques élémentaires et pistes de réflexion. En Littéraire, le premier sujet était : Le langage n'est-il qu'un outil ? Question classique, avec deux entrées possibles : en apparence oui, le langage n'est qu'un outil, c'est-à-dire un moyen en vue d'une fin, en l'occurrence la communication entre les individus. Mais en réduisant le langage à un outil de communication, on l'instrumentalise alors qu'il est certainement plus que ça, puisqu'il est le propre de l'homme : comment le propre de l'homme ne serait-il qu'un simple outil, c'est-à-dire quelque chose d'extérieur à lui, purement utilitaire ?

Il faut donc penser que le langage est également (et fondamentalement) une finalité en soi : parler est un plaisir, c'est aussi une façon de penser, c'est enfin un style qui caractérise chacun d'entre nous. En ce sens-là (et ce serait ma conclusion), le langage est certes un outil, mais il n'est pas que ça. Comme référence philosophique, je citerais le Zarathoustra de NIETZSCHE (étudié avec les élèves), qui emploie le langage poétique et métaphorique pour lui faire dire des vérités, et non pas pour trivialement communiquer.

Le deuxième sujet des Littéraires aura probablement été délaissé, puisqu'il portait sur la science, qui n'est pas vraiment la tasse de thé de cette série : La science se limite-t-elle à constater des faits ? C'est la question de l'empirisme, d'une science essentiellement observatrice. La réponse est évidemment non : la science n'est pas dans une démarche de greffier. Aucune science, pas même les sciences juridiques, ne se contente d'établir des faits (il faut bien, après, les mettre en cohérence entre eux, en tirer une vérité). La science, quelle qu'elle soit, expérimente, analyse, explique, elle ne se limite pas à constater des faits. On pouvait citer Auguste COMTE et le positivisme, mais ce n'est pas un philosophe très souvent étudié en Terminale.

En Economique et Social, les sujets n'étaient pas très faciles. J'aurais pris le premier, étudié à la fois en philo, en éco et même en histoire : Que devons-nous à l'Etat ? La difficulté de la question, c'est qu'elle prête à des incompréhensions, des contresens. Pour bien réussir une dissert de philo, il faut bien comprendre ce qui est demandé. Ici, je vois deux pistes possibles : quels sont nos devoirs envers l'Etat ? en quoi sommes-nous, en quelque sorte, ses débiteurs ? Trois réponses : nous devons à l'Etat de respecter ses lois, de lui donner une partie de notre temps et de notre force (le travail), de contribuer financièrement à son budget (l'impôt), d'éventuellement donner notre vie pour lui (l'impôt du sang), de participer à la vie publique lorsqu'il s'agit d'un Etat démocratique. Toutes ces réponses bien sûr ne sont que des bases de réflexion et doivent être soumises à la critique.

Autre interprétation de la question : Qu'est-ce que l'Etat nous apporte ? En ce sens, on doit à l'Etat l'indépendance du territoire, la prospérité matérielle et l'instauration de la justice. Mais je consacrerais aussi une partie à des réponses plus radicales : on ne doit rien à l'Etat car il est exploiteur, liberticide et dangereux (les penseurs de l'ANARCHISME et du LIBERALISME), ou bien on doit tout à l'Etat parce qu'il est protecteur, maternant et éducateur (on lui doit l'école, l'hôpital, les transports, ... c'est la théorie de l'Etat-Providence).

La seconde question des ES était la plus difficile de toutes les séries : Interprète-t-on à défaut de connaître ? Elle suppose que l'échec de la connaissance justifierait le recours à l'interprétation, faisant de ce procédé un pis aller. Dans cette perspective, il n'y aurait ni vérité, ni certitude, ni objectivité mais seulement des convictions, des points de vue, des opinions subjectives c'est-à-dire des interprétations. Cependant, l'interprétation ne mérite pas une définition aussi dépréciative : car elle est aussi un travail de l'intelligence, un effort de l'analyse, une tentative de compréhension qui produisent bel et bien une forme de vérité, de connaissance. Bref, il fallait remettre en cause la distinction et l'opposition entre interpréter et connaître, en démontrant qu'il n'y a pas forcément à choisir entre les deux. On pouvait là encore citer NIETZSCHE et le rôle qu'il donne à l'interprétation dans la recherche de la vérité.

Les Scientifiques ont eu droit, à mon avis, aux sujets les plus abordables. Le premier : Peut-on agir moralement sans s'intéresser à la politique ? invitait d'abord à penser l'action morale comme absolument indépendante de la politique : l'une est pure, désintéressé, gratuite, altruiste, l'autre est ambitieuse, égocentrique, cynique, calculatrice (KANT d'un côté, MACHIAVEL de l'autre). Mais Charles PEGUY conteste Emmanuel KANT, dans la fameuse citation : "KANT a les mains blanches, mais il n'a pas de mains". Ce qui signifie qu'une action morale sans conséquence pratique, sans débouché politique (au sens grec de la polis, la vie de la cité, l'activité publique, et pas l'action politicienne) n'est qu'un idéalisme vide, évanescent, sans moralité concrète. Ou alors il faut concevoir l'action morale comme une pratique privée, intime, familiale, ce qui n'est pas satisfaisant puisque la véritable question morale se pose surtout quand on est face à autrui qu'on ne connaît pas.

Deuxième sujet des S : Le travail permet-il de prendre conscience de soi ? Je commencerais par répondre que la conscience de soi n'a nullement besoin du travail pour s'effectuer : j'ai autant conscience de moi dans mes loisirs, mais surtout dans la réflexion que je porte sur moi-même. La conscience de soi est affaire de pensée, pas vraiment de travail (au sens le plus trivial). Au contraire, le travail peut être une forme d'aliénation de soi (c'est ce que pense Karl MARX dans sa critique de l'économie) : je ne suis plus maître de moi, je me soumets à autrui et à des règles, le produit de mon travail m'est confisqué (l'ouvrier ne repart pas avec la voiture qu'il a assemblée durant la journée), je travaille dans le but de vivre, pas de prendre conscience de ce que je suis. Mais le retournement est possible (selon MARX, dans un mode de production bien précis, le communisme) : en travaillant, je montre de quoi je suis capable, ce que je sais faire. Le fruit de mon travail est la projection de moi-même. En ce sens-là, je m'accomplis, je me réalise à travers le travail, qui me permet de me connaître et de prendre conscience de moi.

Les commentaires de textes étaient tirés des oeuvres de DESCARTES, ANSELME et BERGSON.

dimanche 16 juin 2013

Un notable en politique



C'est un homme grand, qui porte bien sa soixantaine, quoique avec les épaules légèrement courbées. Il se remarque par ses cheveux très blancs et surtout très fournis, à un âge où souvent la calvitie a fait le ménage. Ses longs bras parfois l'encombrent, il ne sait pas trop où les mettre ; quand il les bouge, on dirait un moulin à vent : les grands corps éprouvent cette gêne, qui fait qu'il vaut mieux être Bonaparte que de Gaulle, visuellement parlant. Mais la hauteur de taille n'impressionne pas que les dames : les électeurs y sont sensibles. Pourtant, la statistique est équitable : de Gaulle, Giscard et Chirac étaient grands (je parle du physique), Mitterrand, Sarkozy, Hollande petits.

Cet homme, qui est le sujet de mon billet dominical, est lui aussi un politique, qu'on est allé chercher dans le monde des notables, puisqu'il a présidé pendant plusieurs années un établissement public. Un notable, c'est quelqu'un qui est connu et reconnu dans le monde qui est le sien, celui des notables, c'est-à-dire le petit cercle des gens qui exercent des responsabilités importantes dans une ville (j'emploie ici le mot de notable sans la nuance péjorative que certains y introduisent). Naturellement, quand vous occupez une fonction professionnelle de pouvoir, vous pouvez être tenté par la fonction politique du pouvoir. Mais un notable n'a pas forcément la politique dans le sang (ce n'est pas un militant, il est même complètement étranger au monde des militants). Alors, on vient le chercher, on s'adresse à lui pour qu'il mène campagne, on le hisse sur un bouclier, comme Abraracourcix dans Astérix le gaulois. Pourquoi ? Parce que le notable a belle allure et sérieuse réputation : avant même d'être élu, il ressemble à un élu, il en tient le discours et en porte le costume.

Oui mais voilà, ça ne se passe pas exactement comme ça : je crois, d'expérience, qu'un notable ne fait pas automatiquement un bon candidat. Le nerf de la politique, c'est le militant, pas le notable : celui-ci est trop respectueux des convenances pour faire un combattant. En vérité, le notable ferait un excellent candidat s'il n'y avait pas besoin de passer par ce champ de bataille qu'est l'élection. Rien que l'origine de sa démarche le condamne : ce n'est pas de sa propre volonté qu'il agit, c'est parce qu'on lui a demandé. Le militant escalade la montagne à mains nues, le notable monte par le tire-fesse.

Quel est donc ce notable égaré en politique, crinière blanche, grande taille et costume assorti, que j'ai aujourd'hui à l'esprit ? Il ressemble à James Stewart dans Monsieur Smith au Sénat. Pas facile à deviner ou à reconnaître, je l'admets ... Il s'agit de Gilles Demailly, actuel maire socialiste d'Amiens, qui a décidé de raccrocher les gants à l'approche du prochain combat, mais je devrais plutôt dire remettre la veste dans le placard, tellement je l'imagine mal en boxeur. Son renoncement à un nouveau mandat a été annoncé publiquement le week-end dernier, à la surprise générale. Il s'en étonne et s'en défend en disant que tout le monde, depuis le début, savait. Manifestement, il était le seul dans la confidence ...

Je ne juge pas le maire, dont je ne connais pas le bilan. Mais j'observe, comme tout citoyen, l'homme politique, et je lui fais un reproche : celui de ne pas être un homme politique ! Ce n'est pas moi qui le dis, c'est ... lui : Gilles Demailly se présente comme un "citoyen engagé", pas comme un "homme politique". Ca ne va pas : si un homme politique est par définition un citoyen engagé, un citoyen engagé n'est pas nécessairement un homme politique. C'est la malédiction du notable, président d'université : il rêve de politique alors qu'il n'est pas un politique. Ca n'empêche pas de se faire élire (de Robien en 2008 était à bout de souffle, après 19 ans de pouvoir, et contesté sur certains projets) ; mais se faire réélire, non, ça ne passe plus, et l'envie a disparu. Le notable ne peut compter que sur une victoire accidentelle, un phénomène de rejet de son adversaire (ce qui ne le prive nullement de qualités de gestion une fois parvenu aux responsabilités).

Gilles Demailly n'est pas véritablement un homme public. Les quelques rares fois où je l'ai vu, il lui manquait cette présence qui, tout de suite, repère l'homme politique. Il est plus dans la représentation consciencieuse que dans l'action offensive. Lui même en convient, là aussi : "je ne suis pas un homme de communication". C'est le moins qu'on puisse dire ... Le notable est quelqu'un de trop en vue pour se faire voir : il préfère la discrétion bourgeoise. Le mot qui tue, c'est lorsqu'on lui demande les raisons de son renoncement : "A 65 ans, j'ai quatre petites-filles, je veux cultiver l'art d'être grand-père". Hallucinant ! Le premier magistrat d'une grande ville qui motive sa cessation d'activité publique par un argument d'ordre strictement privé ! J'ai envie de répondre à ce camarade : pépé, fallait pas faire de politique ! Au moins aurait-il pu anticiper sa succession, mais non ! "Préparer un héritier, ce n'est pas mon truc". Je crois que c'est la politique toute entière qui n'est pas son "truc".

Je laisse le mot de la fin, décisif, à Isabelle Graux, maire-adjoint d'Amiens : "Dès la campagne de 2007, on avait senti que devenir maire n'était pas forcément son choix, mais il voulait faire de la politique autrement". Incroyable : quelqu'un qui part dans une élection, qui prend la tête des troupes mais dont ce n'est pas forcément le choix. Non, on ne fait pas de politique en étant choisi par les autres : la décision ne peut qu'être personnelle, reposant sur une volonté de longue date. Quant à "faire de la politique autrement", c'est une formule passe-partout qui prouve seulement qu'on ne va nulle part. Il faut prendre la politique comme elle est, depuis toujours, ou bien ne pas en faire du tout et rester chez soi en pantoufles (ce qui est par ailleurs fort estimable, comme de s'occuper des enfants de ses enfants).

L'élection d'un notable, c'est une affaire de village ou de petite ville : quand le parti est faible, quand les militants n'osent pas, on va chercher un président de ci, un directeur de ça, un pharmacien à droite, un principal de collège à gauche. Mais dans les grandes villes, il faut des politiques. A Amiens, j'espère que mes camarades vont se trouver la tête de liste qui conservera la Municipalité à gauche, en reprenant la dernière idée de Gilles Demailly : l'organisation de primaires citoyennes. Ce n'est que dans un tel cadre qu'on peut mesurer la valeur politique des candidats, y compris des notables. Sinon, ce n'est que cuisine interne, arrangements de circonstances et probable gadin à la fin.

vendredi 14 juin 2013

Bac - 3



Mon lycée était bien vide aujourd'hui. Les agents de service préparaient les salles pour l'épreuve de philosophie du bac, lundi matin. Quelques élèves jouaient au ballon dans la cour. Beaucoup d'autres étaient chez eux, à réviser ou à se reposer. Mais moi, j'étais dans ma classe, pour ma dernière heure de cours de l'année scolaire, avec les deux dernières élèves qui ont bien voulu m'accompagner, Mélissandre et Laura. Je mets un point d'honneur, un peu ridicule comme toute forme d'honneur, à faire cours jusqu'au bout. Nous nous sommes permis un petit écart la toute dernière demi-heure : Mélissandre avait apporté une charlotte au chocolat, sachant que j'aime ça, et nous avons fêté la fin de l'année, tous les trois, au jus d'orange (voir vignette).

Les fins d'année me sont mélancoliques. Je sais que je ne reverrai plus la plupart de mes élèves, que j'oublierai, c'est terrible, jusqu'à leurs noms et leurs visages, sauf dans des sursauts de mémoire ou des hasards de rencontre. Il faudrait que les fins d'année soient des au revoir, mais ce sont en général des adieux, quoi qu'on en disent. Mélissandre, on se croisera, puisqu'elle ira en prépa à Henri-Martin. Laura, c'est moins sûr, elle sera en fac à Amiens. Et tous les autres, que j'aurais suivi pendant neuf mois, qu'en restera-t-il dans mes souvenirs ? Bien vite, en septembre, ils seront remplacés par de nouveaux noms et visages, et ainsi va la vie, tourne le monde ...

Emotion aussi hier soir, lors du dernier conseil d'administration de l'établissement : le proviseur a annoncé son départ, après trois ans à la tête du lycée. Guy-Roger Meitinger s'en va à Orléans. Son prédécesseur, Daniel Foucaut, était resté quinze ans ! Son successeur sera Jacques Tabary, actuellement en poste au lycée Gay-Lussac de Chauny. Le proviseur-adjoint, ma compatriote berrichonne Corinne Rochelle, nous quitte également. En discutant avec eux, lors du pot qui a suivi notre réunion, l'idée d'un départ m'a à mon tour effleuré l'esprit : vingt ans l'an prochain que je serai au lycée Henri-Martin ! Est-ce bien raisonnable ? Mais quelque chose me retient à Saint-Quentin, et vous savez quoi : là aussi, c'est un point d'honneur, ridicule et respectable.

Mais je ne veux pas me laisser aller à la mélancolie, même en ce dernier jour. Nous sommes à bac - 3, et mardi j'aurai, sur la table de ma cuisine, 140 copies de terminales littéraires à corriger en à peine 15 jours ! Mon administration cette année m'a gâté. Mais je ne vais pas me plaindre : l'an passé, elle m'avait envoyé à Djibouti. Amiens, c'est moins loin, mais c'est tout aussi bien.

A tous mes élèves, je souhaite un week-end de repos et bon courage pour lundi. Je leur rappelle que je livrerai sur ce blog, dans l'après-midi, mes impressions sur les sujets du bac philo. Qu'ils aient confiance en eux comme j'ai confiance en eux : lundi, ça le fera !