vendredi 4 avril 2014

Gauche, Gauchy, gâchis



Dans ces résultats d'élections municipales, la victoire de la droite à Saint-Quentin, prévisible, a moins fait parler d'elle que la défaite de la gauche à Gauchy, imprévisible. Partout, on se demande pourquoi on en est arrivé là, et 8 causes sont communément avancées :

1- La politique du gouvernement : Jean-Claude Cappèle et son équipe auraient subi les conséquences du désaveu national. Belle excuse et mauvaise raison : Cappèle n'est pas socialiste (il est à IDG) et des maires socialistes, Bricout à Bohain, Thomas à Hirson, Krabal à Château-Thierry (pas PS, mais PRG) résistent et se font élire dès le premier tour.

2- L'usure du pouvoir : être à gauche depuis la Libération, ça fait un bail. Mais quand les électeurs aiment, ils ne changent pas. Si usure il devait y avoir, pourquoi pas plus tôt ? 20 ans de mandat, c'est déjà long. Non, ce n'est pas non plus du côté de la durée qu'il faut aller voir.

3- Le retrait de Monfourny : là oui, l'effet a joué. Une politique se construit autour d'un leader, d'une personnalité : Gauchy, depuis 40 ans, c'était Serge Monfourny, très apprécié, tranquillement charismatique. Josette Henry, ce n'était déjà plus ça ; Jean-Claude Cappèle, c'était de trop ... ou pas assez, en tout cas autre chose, qui n'avait plus grand chose à voir, dans la perception des gens.

4- La personnalité de Cappèle : emprunté, un peu timide, trop gentil comme James Stewart, alors qu'il aurait fallu Gary Cooper. On prépare les victoires avec des statues, pas avec leur ombre. Jean-Claude est un bon conseiller général, pas un chef de guerre dans une bataille municipale.

5- Le profil de Weber : ancien gendarme, UMP discret, tête de maire et costume qui va avec, c'est un malin, un dangereux, je l'ai compris dès sa première interview, il y a quelques mois, dans laquelle il se revendiquait de l'héritage de Monfourny ! Il n'y a qu'un futur vainqueur qui peut se permette une telle audace.

6- Les erreurs de campagne : c'est le dernier tract, où le candidat de gauche s'en prenait à ses adversaires, avouant ainsi être sur la défensive, donc en péril. Un gagnant, un battant méprise souverainement la concurrence, comme si elle n'existait pas (regardez Xavier Bertrand à Saint-Quentin). Et puis, les électeurs d'aujourd'hui attendent des propositions, du positif, pas des critiques, des attaques.

7- La guérilla de Gilliard : elle dure depuis des années, très médiatisée, porte des coups répétés en Conseil municipal, se poursuit parfois devant les tribunaux. Philip Gilliard n'y a pas gagné grand chose, mais il a incontestablement fait perdre l'équipe en place. Cette opposition plutôt de gauche contre la gauche officielle n'a rien arrangé.

8- La proximité de Saint-Quentin : "Il est dans la nature des choses que les gros poissons mangent les petits poissons", disait le philosophe Spinoza. Il faudrait étudier la logistique discrète que l'UMP d'à côté a apporté à l'UMP Jean-Marc Weber. Et puis, de longue date, la gauche gasiaquoise avait de bons rapports avec la droite saint-quentinoise, Serge Monfourny avec Pierre André, Josette Henry avec Xavier Bertrand, jusqu'à une forme d'osmose qui profite fatalement au plus puissant. Lors des voeux au palais de Fervaques, le maire de Gauchy était sur scène, auprès du maire de Saint-Quentin, alors que les élus de gauche refusaient de faire tapisserie : on voit bien, dans le tableau, que quelque chose ne va pas.

Le Courrier picard de mercredi dernier est allé à la pêche aux réactions, après cette surprenante défaite. Corinne Bécourt, secrétaire de la section communiste de Saint-Quentin, a son idée : "La mairie n'était plus complètement communiste. La gestion était devenue socialiste". Corinne force un peu le trait, comme toujours. Mais surtout, son explication est datée : il y a bien longtemps que Gauchy n'est plus rouge et que Monfourny lui-même n'est plus communiste. Stéphane Andurand, ancien candidat socialiste aux élections cantonales, a une réaction inattendue et une théorie singulière : "Pour les élus installés, cela ne leur fait pas de mal de perdre". Les socialistes de Gauchy apprécieront sûrement cette approche morale et punitive de leur défaite. Mais Stéphane a la prudence de faire précéder son curieux jugement par un "Je ne devrais pas le dire". Oui, en effet, il aurait mieux fait de ne rien dire du tout.

A Gauchy comme à Saint-Quentin, le parti socialiste n'a qu'un avenir : se reconstruire, leader, équipe, méthode, projet. Ou bien n'avoir pas d'avenir. C'est l'avenir qui le dira. Bonne chance, bon courage à mes camarades de là-bas !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous creusez trop votre réflexion.
c est beaucoup plus simple, la dernière équipe municipale a certes travaillé pendant 6 ans, mais n a pas communiqué de façon dynamique , n a pas su mettre en valeur ses actions, et manqué d imagination, d innovations pour Gauchy.
Gérer gentiment le village, c est insuffisant.

Anonyme a dit…

Bonjour. Dans l'ensemble votre analyse est correcte. Juste une précision et à mon avis elle est de taille. J'ai fait une campagne de proximité pendant 6 mois. Chaque soir, chaque samedi, j'ai rencontré les habitants chez eux. Une évidence, c'était une première, une première fois qu'un candidat les écoutait. Ca serait avec plaisir de vous rencontrer pour affiner votre analyse. Cordialement. Jean-Marc WEBER

Emmanuel Mousset a dit…

Merci. Je vous laisse mes coordonnées pour fixer une rencontre : emmanuel.mousset@wanadoo.fr 06 61 79 56 30