jeudi 3 avril 2014

Monseigneur, cher Bernard



Une éminente personnalité nationale de l'Eglise catholique était hier à Saint-Quentin : Bernard Podvin, évêque et porte-parole des évêques de France, à ce titre régulièrement invité dans les médias (c'est un ancien journaliste, qui a des attaches familiales à Saint-Quentin). A l'auditorium de musique, où se tenait en soirée une réunion publique, une petite musique de jazz faisait patienter l'assistance. "J'ai perdu ma femme", j'entends derrière moi (preuve du grand nombre de participants). "Tiens, ce sont les gens du Rotary", j'entends à côté de moi (preuve du profil sociologique de la salle).

Les organisateurs de la manifestation, c'est l'ACI, Action catholique indépendante, moins connue que son équivalent dans le monde ouvrier, l'ACO, avec sa célèbre JOC, Jeunesse ouvrière chrétienne. Les Indépendants, ce sont les commerçants, les artisans, les petits patrons, ici chrétiens. De fait, les cathos de gauche bien connus localement n'étaient pas présents, par exemple les pères Antonio Tejado et Marcel Ouillon (mais j'ai reconnu quelques membres de l'ASTI, Association de solidarité avec les travailleurs immigrés, exceptions confirmant la règle).

Parmi les personnalités religieuses et civiles : les représentants des communautés juive et musulmane, l'abbé de Hédouville, Pascale Gruny, Thomas Dubedout (tout jeune adjoint à la démocratie de proximité), Monique Dhirson, Jacqueline Debadier, Monique Bry, Vincent Savelli, Jean-Paul Lesot et, of course, Xavier Bertrand.

"Monseigneur Podvin, cher Bernard", ainsi a commencé la réunion, introduite par le responsable de l'ACI. Monseigneur a une belle voix grave, lente, un peu envoûtante, une voix de prêtre en chaire. Son élocution est parfaite, il ne lit pas ses notes, son discours est très organisé, c'est un bon communicant. Son propos n'est pas directement religieux : en ces temps de carême, rien sur la pénitence, la repentance, le salut par la foi. La tonalité est plus souvent psychologique que mystique. Le Christ est cité seulement deux fois. Mais c'est plutôt une réflexion sur la société actuelle, qui débute par un éloge du pape François.

Ensuite, à mi-mots, sur l'accompagnement de fin de vie, Monseigneur Podvin renvoie dos à dos l'acharnement thérapeutique et l'euthanasie (même si le terme n'est pas prononcé). L'évêque ne veut pas qu'un "nouveau débat sociétal clivant" s'installe (ça tombe bien, Manuel Valls non plus). Il se livre à une défense de l'Europe, de la notion de subsidiarité, qui nous rappellent ce que la construction européenne doit à la démocratie chrétienne (là encore, le mot n'est pas utilisé, mais l'idée est bien là).

Enfin, sur la laïcité, même ouverture et même prudence (un évêque est aussi un diplomate) : oui à la laïcité, mais non au laïcisme. L'Etat est laïque, neutre, mais la société est plurielle. Le laïcisme, c'est quand la religion est enfermée dans le seul espace privé. Mais Monseigneur Podvin condamne tout autant le communautarisme, qui fait de la religion la règle et la loi d'une communauté. Il conclut en citant Albert Camus et Thérèse de Lisieux, ce qui fait un bon équilibre.

Les questions de la salle manifestaient plus les soucis de notre époque (place des femmes, accueil des divorcés remariés, éducation des jeunes) que des préoccupations spécifiquement spirituelles. Vincent Savelli a interrogé le porte-parole des évêques de France sur le célibat des prêtres, auquel le prélat est farouchement opposé : "La vraie question, c'est la soif spirituelle" (moins de 100 prêtres sont ordonnés chaque année, contre 800 décès). Les interventions ont aussi traduit cette inquiétude : le déclin de l'Eglise, les messes tristes, ennuyeuses, vieillottes, que les jeunes désertent (je me suis dit, en moi-même : la foi en France, c'est comme le socialisme à Saint-Quentin, il faut y croire, c'est un vrai sacerdoce ...).

Monseigneur Podvin, Bernard, est un bon communicant, ai-je dit : son intervention a été brève, il a attendu patiemment que les questions lui soient posées, en prenant plusieurs à la fois, il n'a pas trop fait tarder la rencontre et à la fin, il s'est placé devant la porte de sortie pour saluer et dire un petit mot à chacun, en se prêtant volontiers à l'exercice de la photo (en vignette). Si Bernard Podvin n'était pas évêque, il ferait un bon candidat à une élection municipale.

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