jeudi 10 avril 2014

Un chef pour le PS



Depuis hier, nous connaissons donc le gouvernement au grand complet, avec la nomination des secrétaires d'Etat. Un gouvernement de combat, oui, mais de combat social-démocrate, comme jamais ne l'a été à ce point un gouvernement de gauche. Parmi les entrants, je pointe quelques noms, des connaissances : Jean-Marie Le Guen, strauss-kahnien, mon voisin de section quand j'étais à Paris, moi dans le XIXe, lui dans l'arrondissement d'à côté, très proche de Jean-Christophe Cambadélis, la vedette de ma section.

A l'époque, en 1995, les strauss-kahniens n'existaient pas encore, l'expression n'était pas née. Mais les copains de DSK étaient bien là, Le Guen, Camba, et puis des moins connus, dont certains se sont faits après connaître, sont montés dans la hiérarchie, je pense à Christophe Borgel, aujourd'hui membre influent de la direction nationale, ou bien, dans une moindre mesure, à Mao Péninou. Borgel était le lieutenant de Cambadélis qui était le lieutenant de Strauss. Tous venaient de chez Lambert, cela se voyait, au moral comme au physique : des camarades austères, rigoureux, parfois brutaux, en parka ou veste de cuir.

Le lambertisme, c'est la bonne école, qui mène à tout, à condition d'en sortir : pour eux, la voie royale, c'était le PS. A Saint-Quentin, je critique beaucoup les lambertistes, parce qu'ils se sont alliés à ces idiots de socialistes ("idiot", ce n'est pas ici une injure, c'est au sens de Lénine, quand il parle des "idiots utiles" que sont pour lui les sociaux-démocrates) et qu'ils ont raflé la mise politique pendant six ans. Mais à Paris, je jalouse et j'admire les lambertistes. Plusieurs cadres strauss-kahniens sont passés par cette formation, ça se voit, ça se sent, ça s'entend.

Jean-Christophe Cambadélis à la tête du parti, personne ne le dit ni ne l'écrit, mais c'est tout de même l'incroyable revanche de DSK ! Camba, c'est son plus proche. Hollande à l'Elysée, Valls à Matignon, Cambadélis à Solférino, c'est la sainte trinité social-démocrate ! On n'a jamais fait mieux dans le genre. Il y a des précédents, des preuves flagrantes des vertus cachées du lambertisme : Lionel Jospin, trotskiste lambertiste, qui entre en taupe au PS, devient chef du parti et premier du gouvernement, un ancien de Paris lui aussi, de la bande à Le Guen et Camba, mais pas strauss-kahnien (même s'il a fait venir, en tant que Premier ministre, Strauss à Bercy). Mélenchon lui aussi a fait ses premières dents à l'OCI, et il était, si je me souviens bien, aux obsèques de Lambert au Père-Lachaise. Méluche s'est retrouvé à la tête d'un petit parti à lui, des ex-socialo, et il a pris la direction d'une alliance avec le PCF : il fallait le faire, un soce chez les cocos, qui leur impose sa ligne (allez demander, chez nous, à Bécourt et Tournay ce qu'ils en pensent ...). Un truc de lambertiste, tout craché.

Cambadélis est très fort pour ce genre de mécano tactique (dont nous avons eu, à Saint-Quentin, un modeste concentré, en 2008, avec le fameux protocole d'accord signé par les partis de gauche, cache-sexe ou trompe-l'oeil lambertiste pur jus) : Camba, au niveau national, est l'inventeur de la gauche plurielle, dans les années 90. Mais il fait encore plus fort à la fin des années 2000, en lançant le mouvement des reconstructeurs, qui regroupe fabiusiens, aubryistes et strauss-kahniens, bel exemple de triolisme entre la carpe, le lapin et le perdreau (je laisse chacun y retrouver ses petits ...).

Jean-Christophe Cambadélis, dans ma section parisienne, c'était le type vers qui on n'allait pas spontanément discuter. J'ai fait pourtant sa campagne des législatives, en 1997. Grand, des yeux malins, un sourire ironique, il a un langage très travaillé, parfois un peu précieux. Dialecticien sur le bout des ongles, c'est un politique à 100%. Tout chez lui est politique, quand il vous regarde, prend une chaise ou commande un verre. Politique et autoritaire, c'est son personnage, et c'est ce qui convient à la tête du PS, qui a besoin d'un coup de fouet politique et managérial. Camba, avec Borgel, savent tout de l'appareil, qu'ils vont transformer en machine de guerre, c'est sûr.

On croit souvent que les sociaux-démocrates sont des mous : dans leur théorie économique, ils sont modérés, c'est sûr ; mais dans la pratique politique, ce sont des durs, des pas marrants, et je crois qu'un parti ne fonctionne bien qu'avec des gens comme ça. Après l'épisode Harlem, pas à la hauteur (normal, il est passé par la LCR, aujourd'hui NPA, une école de formation trop laxiste, qui prépare mal au combat), nous avons vraiment le chef qu'il fallait au PS (même si, personnellement, Le Foll m'aurait bien plu : avec Camba, même voix grave, mêmes mains larges, même carrure, mais Stéphane est pris par l'Elysée).

Marie-Noëlle Lienemann rouspète parce que Cambadélis n'est pas désigné par les adhérents, comme le prévoient les statuts. Mais comme elle rouspète tout le temps, plus personne n'y fait attention. Camba va arranger ça (un ancien lambertiste trouve toujours une solution à ce genre de problème, du type direction provisoire qui dure longtemps : à la guerre comme à la guerre !). Surtout, Lienemann ferait bien de baisser d'un ton et de ne pas donner des leçons, elle qui s'est assise sur le vote majoritaire des adhérents en 2005 pour le traité constitutionnel européen, faisant campagne pour le non alors que le oui l'avait emporté dans le parti.

Je reviens au gouvernement et à ses secrétaires d'Etat : Laurence Rossignol, comme Jean-Christophe Cambadélis, fait partie de ces pas marrants qui sont nécessaires à la bonne gestion d'un appareil. Un parti politique, c'est souvent le cirque, dont le directeur ne peut pas être un clown, mais plutôt le dompteur. Au gouvernement, je suis persuadé que Rossignol sera très efficace (elle avait fait ses preuves comme porte-parole du PS). Je l'ai pratiquée en étant président de la FOL : à la région Picardie, elle s'occupait des associations et des emplois solidaires. Quand elle ouvre la bouche, on se demande si elle ne va pas mordre, et quand elle sourit, on pense que c'est une erreur. Mais Laurence est très compétente, très pro, très politique. Bravo pour cette Picarde, la seule à ma connaissance, qui entre au gouvernement.

J'ai tout de même un regret. J'ai pensé à lui toute la journée d'hier, avant de connaitre la composition des secrétaires d'Etat, parce que je pensais et j'espérais qu'il en serait : René Dosière, que j'aurais bien vu à la réforme territoriale. Mais c'est André Vallini qui lui a chipé le portefeuille : très bien lui aussi, social-démocrate pur sucre, un de plus (il faudra s'y habituer : à part Lienemann, qui n'est pas social-démocrate au PS ?).

Un dernier mot, sur Jean-Pierre Jouyet, nommé secrétaire général de l'Elysée : bonne pioche là aussi, copain de Hollande, des patrons, des dirigeants européens et même, en son temps, de Sarkozy, dont il a été secrétaire d'Etat d'ouverture, certes moins médiatique que Kouchner ou Besson. Ne soyez pas choqués par mes propos : je pense et je parle comme un social-démocrate, et nous serons de plus en plus nombreux ainsi dans le parti. Avec un tel gouvernement de combat, nous ne pouvons aller que vers des victoires : contre le chômage, contre la droite, contre les extrêmes et aussi, un peu, contre nous-mêmes.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bon OK "social démocrate"
Mais alors comment contrer ceux qui disent que Ps et UMP c'est kif kif, l'un rose très pâle et l'autre bleu pâle ...........
Pour l'instant grâce à l'absence totale d'éducation et d'information européenne, disons même à la désinformation les citoyens français croient que la Commission Européenne dirige l'UE alors que c'est le Conseil des ministres c'est à dire les exécutifs politiques des pays membre, la Commission exécute !
Le slogan anti-élites "UMPS" va finir par prendre toute sa dimension, surtout quand les autres sociaux démocrates vont dire à Sapin/Montebourg vous avez signer on continue les politiques d'austérité ... Au comme m'a dit un gradé de l'Armée il y a longtemps la Philo (ma passion de l'époque) c'est utile à quoi ?

Anonyme a dit…

Qui n'est pas social démocrate au PS ?
Les adhérents, les sympathisants et les électeurs.
Ces manœuvres d'appareils n'en tiennent pas compte pourtant eux au moment de glisser le bulletin dans l'urne,
ils ne se trompent pas.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Pour contre le slogan d'extrême droite "UMPS", il suffit de comparer les programmes de l'UMP et du PS. Ceux qui ne voient pas de différence, c'est qu'ils ont "de la merde dans les yeux", comme on dit dans mon Berry. Quant à l'Europe, c'est très simple : proposez de supprimer toutes les subventions qui viennent de cet échelon, et vous verrez beaucoup de gens devenir brusquement pro-européens acharnés.

2- Si les électeurs du PS n'étaient pas sociaux-démocrates, ils n'auraient jamais choisi, lors des primaires, le social-démocrate Hollande, et jamais ils ne l'auraient élu à la présidentielle.

Anonyme a dit…

Ce sera un vrai chef s'il fait baisser le chômage.
S'il ne réussit pas il sera enseveli dans les oubliettes de l'histoire.
voir ceci (ce que tout le monde pressentait !):
http://www.liberation.fr/politiques/2014/04/11/une-etude-fait-le-lien-entre-vote-fn-aux-municipales-et-taux-de-chomage_995658