samedi 26 juillet 2014

Méluche blues



Jean-Luc Mélenchon a le blues. Il l'a avoué cette semaine : envie de prendre du recul. Libération d'aujourd'hui en fait sa une et son dossier. Après le baby blues, le politics blues ? Venant d'un autre, j'aurais pu comprendre. Mais de Mélenchon, la grande gueule ! C'est toujours comme ça avec les fiers à bras : on les croit durs à cuire, et puis non. Qu'est-ce qui lui prend ? Trois causes à sa déprime :

1- La fatigue, le burn out, comme on dit aujourd'hui. Mélenchon en fait trop, il craque.

2- Les échecs : son score aux dernières élections, européennes, n'est pas fameux et l'extrême droite, son ennemi juré, lui est passée sur le corps.

3- Les attaques : Méluche se sent critiqué de toute part, jusque dans son Front de gauche, chez ses alliés communistes. Et puis, la presse ne l'épargne pas.

Permettez-moi d'être surpris. Jean-Luc Mélenchon est de l'ancienne école, il sait, depuis longtemps, ce qu'est la vie politique. Je reprends donc ses trois points sensibles :

1- La fatigue ? Par définition, la politique est une activité très prenante, harassante. J'imagine mal qu'on puisse en faire, les mains dans les poches, en sifflotant. Généralement, l'homme politique a plutôt du mal à décrocher. Si déprime il y a chez lui, c'est par le vide, non le trop plein.

2- Les échecs ? Il sont relatifs en politique. On tombe, on se relève, on continue. Tout finit par arriver pour qui sait persévérer. Mélenchon n'a pas à se plaindre : il a fait 11% à la dernière présidentielle. Pour un dissident socialiste à la tête d'un petit parti, ce n'est pas mal du tout. Beaucoup, dans la même catégorie, en rêverait. Et puis, Mélenchon est devenu une vedette, invité partout. Pas de quoi lâcher !

3- Les attaques ? Allons, un peu de sérieux : Mélenchon sait très bien que la politique est un combat incessant. Et il attaque plus qu'à son tour ! Les attaques sont des médailles que vous décerne l'adversaire : de quelqu'un qui n'est pas dangereux, pas important, on ne dit rien, on ne le critique pas.

Je me demande si Jean-Luc Mélenchon, très Actors studio, n'est pas en train de nous jouer une petite comédie. D'abord, être dépressif est très bien porté aujourd'hui, où la psychologie est la science reine. Vous vous posez en victime, vous attirez la compassion : ce sont les mots majeurs de notre époque. Avec son coup de blues, Mélenchon devient humain, tellement humain, normal, fragile, comme nous tous. Ensuite, il y a le burn out, très à la mode lui aussi. Dans un pays de cinq millions de chômeurs qui souffrent de ne pas travailler, il est très chic de souffrir d'un excès de travail. Même certains, j'en connais, qui ne font pas grand chose prétendent qu'ils travaillent trop, qu'ils n'en peuvent plus, qu'ils en sont malades. Avec de tels comportements, dans lesquels beaucoup se reconnaissent, Mélenchon va s'attirer de nombreuses sympathies.

Il y avait une époque, pas si lointaine, toute différente, où l'homme politique puisait son énergie à travailler beaucoup avec plaisir, à résister aux défaites et à se fortifier dans l'adversité. Jean-Luc Mélenchon manifestement n'appartient plus à cette catégorie. On a vu des présidents se battre non seulement contre l'adversaire mais contre la maladie, et rester jusqu'au bout à leur poste, stoïques, Pompidou et Mitterrand. C'est la Papauté qui a signifié le grand changement : un Jean-Paul II qui lutte contre le mal jusqu'à l'épuisement de ses forces, et au contraire un Benoît XVI qui démissionne parce qu'il se sent trop vieux, décision que jamais aucun pape n'avait osé. Si le vicaire de Dieu, qui a pour lui la vie éternelle, flanche, que dire d'un simple mortel, pas même assuré du salut de son âme ...

Je plaisante, mais c'est peut-être un progrès, d'un point de vue démocratique : ne pas s'accrocher au pouvoir, ne pas tenir coûte que coûte, laisser sa place à d'autres. En attendant, j'espère que Jean-Luc Mélenchon va nous revenir très vite, survitaminé, en super forme.

Un petit mot, pour terminer, sur Saint-Quentin : quand on est de gauche, dans cette ville, ce n'est pas le blues qui devrait vous tomber dessus, mais carrément la tendance suicidaire ! Quatre défaites aux municipales, des sections exsangues, l'extrême droite premier parti d'opposition, il y a de quoi se flinguer. Mais non ! Au contraire, il y a une stimulation à résister au milieu des ruines : tout est à faire, tout est à conquérir. Si j'étais, à Saint-Quentin, de droite, là je m'enfoncerais dans la déprime, dans l'ennui : plus rien à espérer, le train train mortel de ceux qui ont tout, et pas même d'adversaires de taille à combattre. Politiquement, c'est une grande chance d'être de droite à Saint-Quentin. Mais psychologiquement, c'est un grand malheur.

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