mercredi 8 octobre 2014

Axel Kahn me déçoit



Axel Kahn était hier soir à Saint-Quentin, au palais de Fervaques, à l'invitation de la librairie Cognet. Il y avait beaucoup de monde pour cette conférence sur son dernier ouvrage, "Pensées en chemin", consacré à un périple à pied à travers la France. La moitié du premier étage était remplie. Mais que Cécile Jaffary et Monsieur Louis m'excusent : j'ai été déçu par l'intervenant.

Pourtant, au début, c'était alléchant. Quand Axel Kahn a expliqué que son projet avait été motivé par la lecture du livre de Jacques Lacarrière, "Chemin faisant", paru dans les années 70, j'ai accroché : adolescent, cet ouvrage d'un homme qui parcourt sac au dos le pays m'avait beaucoup plu. Mais la même expérience faite par le grand généticien, ça n'a plus du tout le même sens, je n'en retire pas grand chose.

Bien sûr, Axel Kahn est d'une élocution parfaite et il captive son public du début à la fin. Le propos est clair et agrémenté d'anecdotes amusantes. Ma déception vient d'ailleurs, du contenu, que je trouve faible, assez banal, pour tout dire pas très intéressant. Marcher, c'est l'occasion d'une épreuve unique, personnelle, qui peut donner lieu à des réflexions inédites sur soi-même, sur la vie, sur la nature. Souvent, il en résulte une dimension spirituelle, religieuse ou agnostique. Rien de tout ça chez Axel Kahn, mais des considérations à la croisée de la politique, de la philosophie et de la psychologie, qui ne donnent rien de très convaincant.

L'essentiel de son diagnostic, c'est que beaucoup de territoires de notre pays vivent en état de "sécession", ne croient plus en la politique, ni aux élites, souffrent principalement de la désindustrialisation. Quel besoin de faire des milliers de kilomètres en piéton pour faire ce constat-là, que n'importe qui peut faire en restant chez lui, dans son bureau ou devant sa télévision ?

Et puis, il y a certaines de ses interprétations qui sont discutables. Axel Kahn réduit le vote d'extrême droite à une réaction passéiste, à une nostalgie du bon vieux temps. Non, le ressort de ce vote est ailleurs, beaucoup moins avouable : c'est la xénophobie. Sur les régions, il affirment que celles qui s'en sortent le mieux sont celles qui ont une forte et fière identité collective, par exemple les Bretons. Non, les nordistes ont une identité aussi forte et fière, mais sont durement touchés par la crise économique.

Quant aux remèdes que propose Axel Kahn, je ne suis pas plus convaincu, ni séduit. Il défend le "patriotisme régional", l'identification à une histoire et à une culture pour affronter et vaincre la crise. Franchement, je n'y crois pas du tout. Lorsque le conseiller municipal Philippe Vignon, lors des questions de la salle, lui demande ce qu'il pense de la réforme des collectivités territoriales, il a une réponse mi-chèvre, mi-chou : oui à certains regroupements évidents, basse Normandie et haute Normandie, Alsace et Lorraine, mais non à d'autres plus contestables, sans véritable identité géographique, telle que la région Centre. Ok, je comprends, mais si la politique consistait à ne prendre que des décisions qui s'imposent, l'exercice serait facile. La réalité est autre. La réforme territoriale ne pouvait que concerner la totalité du territoire, pas des portions seulement. Partant, certains découpages ne pouvaient qu'être artificiels. Qu'importe, d'ailleurs : à la Révolution française, les départements ont été taillés de façon purement arbitraire, qui ne les a pas empêchés de fonctionner.

Le travail d'Axel Kahn me confirme dans une idée souvent vérifiée : on ne peut pas mélanger les genres (ou alors le résultat est insatisfaisant). Kahn est un grand scientifique, un généticien remarquable, mais un philosophe léger et un politologue convenu. Ce qui est sans importance et sans problème : on ne peut pas tout être, il est déjà beau d'exceller dans un domaine.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

"L'homme qui plantait des arbres"est un voyage autrement plus sensible.