lundi 20 octobre 2014

Un couteau en mousse



Martine Aubry était ce matin sur France-Inter. Après la charge d'hier, on allait voir ce qu'on allait voir. C'est ce qu'on appelle un "plan-médias" : l'entretien au JDD, la contribution au PS dans la foulée, l'émission radio ce matin. Sauf qu'on n'a rien vu. Aubry a baissé d'un ton, nettement. Est-ce parce que l'écrit est plus violent que la parole (phénomène que j'ai souvent constaté) ? Ou bien parce que les commentaires qui ont suivi ont fait beaucoup de mousse et un peu de bave ? Toujours est-il que le soufflé est retombé, la charge a fait plouf.

En quelques mots, qui ont le mérite de la clarté, Martine Aubry a tué l'espoir que certains avaient pu mettre en elle (ce dont je me réjouis). Les réformes ? Il faut les continuer, bien sûr. François Hollande ? Elle revoterait pour lui, encore aujourd'hui. Les économies budgétaires ? Elles sont nécessaires. Les "frondeurs" ? Elle n'aime pas ce mot, elle lui préfère "des hommes de bonne volonté" (c'est brave, ça ne mange pas de pain). Se présente-t-elle en recours, en opposante (comme j'avais cru le comprendre hier) ? Non, pas du tout, Aubry veut seulement "débattre". C'est bien, d'autant que tout socialiste, moi le premier, a toujours envie de débattre. Mais ça n'engage à rien : c'est combattre qui coûte, qui trace vraiment une perspective, une alternative. Manifestement, Martine Aubry n'a pas fait ce choix. Tant mieux.

Elle a certes des différences avec le gouvernement, mais qui n'en a pas ? (moi aussi, sûrement, si je cherche bien). Ce qu'elle veut, contrairement aux apparences d'hier, c'est des inflexions, des réajustements, des correctifs : un travail de mécano, pas un changement de locomotive ou de conducteur. Elle répète qu'elle est social-démocrate, qu'elle l'a toujours été, avant tout le monde, ce dont je n'ai jamais douté. Simplement, elle veut mettre un peu de beurre dans les épinards, épicer la sauce, rajouter de la garniture : elle propose un assaisonnement, pas un nouveau plat.

Un exemple frappant : elle ne conteste pas fondamentalement le pacte de responsabilité, qui est le socle de la politique économique du gouvernement, elle suggère seulement quelques réorientations. On est très loin des critiques et des propositions de certains frondeurs et surtout de l'aile gauche. Ceux-ci rêvent d'une majorité nouvelle, incluant les écologistes (qui ont pourtant quitté le gouvernement) et le Front de gauche (qui n'a jamais voulu y entrer). Aubry n'a pas ce genre de rêve.

Suis-je ce matin soulagé ? Oui et non. Oui parce que j'ai compris que Martine Aubry n'allait pas casser la baraque, mais seulement faire un peu de ménage, ce qui n'est pas bien dangereux. Non, parce qu'un couteau en mousse reste un couteau. Bien des adhérents vont se leurrer, se faire des illusions, s'exciter à croire qu'ils ont trouvé en Martine une alternative, alors que ce n'est pas ça. La vraie critique du gouvernement, l' "autre politique" de gauche, c'est à l'extérieur du PS qu'on la trouve. A l'intérieur, ce n'est que de la mousse et des bulles.

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