dimanche 26 octobre 2014

Un échec honnête



Durant tout ce week-end, j'ai eu en tête la phrase prononcée par le ministre du Travail vendredi soir, à la suite de la publication des (mauvais) chiffres de l'emploi : "soyons honnêtes, c'est un échec". Echec, échec, échec, ça n'a pas cessé de résonner en moi. Et de raisonner aussi. En termes de communication, François Rebsamen aurait pu s'y prendre autrement, moins violemment. Dire, par exemple : "les chiffres ne sont pas bons, mais on essaiera de faire mieux la prochaine fois". C'aurait été tout aussi honnête, non ? Peut-être même plus honnête que sa déclaration, parce qu'une politique de l'emploi ne se juge pas sur un seul chiffre, un unique résultat, qu'il faut du temps pour l'évaluer honnêtement.

Pourquoi alors cet aveu d'échec ? Notre ministre ne serait-il pas un homme de contraste et d'excès ? Sur l'allocation-chômage, il avait tenu des propos très durs, imprudents, qui allaient trop loin. Là, c'est un peu pareil, mais dans un autre sens. Surtout, je crois qu'il a voulu contrebalancer l'échec par l'honnêteté. C'est un truc qui marche assez bien aujourd'hui : soyez francs, soyez honnêtes, et vous serez exonérés de tout ce que vous pourrez dire ou annoncer.

La rhétorique de l'aveu, venue de la culture puritaine d'Amérique, est très courue : peu importe la réussite ou l'échec, l'important est de dire les choses telles qu'elles sont, en toute vérité, honnêtement. Et quand c'est suivi d'un mea culpa, d'une confession publique de la faute, c'est encore mieux. Faites une connerie, excusez-vous juste après, et ça passe. Du coup, je me demande si l'honnêteté est bien honnête, si ce n'est pas un sentiment surjoué, du style : j'ai été honnête avec vous, ne venez pas me reprochez quoi que ce soit.

L'honnêteté, c'est une vertu essentiellement privée, de personne à personne. Ce n'est pas une vertu politique. Etre honnête, c'est une valeur morale de petit-bourgeois ; les grands seigneurs de la politique n'étaient pas spécialement honnêtes : Jules César, Louis XIV, Napoléon, De Gaulle, Mitterrand. Ce qui compte, ce sont les résultats, pas la vérité sur les résultats : on peut être fourbe, menteur ou corrompu, c'est secondaire, l'essentiel est de régler les problèmes d'une société, de diminuer les souffrances d'un peuple. Machiavel l'a dit, d'autres avant et après lui, c'est un constat historique, mais notre époque petite-bourgeoise, moralisatrice et oublieuse ne veut rien en savoir.

L'échec, donc. Et alors ? Je l'ai dit, on ne pourra en juger qu'à la fin. Et ce n'est ni vous ni moi, ni un socialiste, ni un UMP qui en jugeront : c'est le peuple appelé aux urnes, ayant à décider d'un choix entre plusieurs options possibles. A ce moment-là, on verra ce qu'on verra. En attendant, quand on est socialiste, fidélité absolue à François et à son gouvernement. C'est pourquoi je déteste Montebourg, Hamon, Filippetti, Batho, les "frondeurs" et tutti quanti, qui désertent le navire parce qu'ils en restent au présent échec, parce qu'ils refusent d'assumer le travail collectif, parce qu'ils se ménagent un petit avenir.

Pour ma part, plus Hollande et Valls échoueront, plus je leur serai fidèle. Masochisme ? Idiotie ? Non, principe de fidélité (l'honnêteté, on peut la tourner à toutes les sauces, surtout quand elle vous est avantageuse ; la fidélité, non). C'est dans l'échec qu'il faut être fidèle ; dans la réussite, c'est trop facile, ça ne demande aucun effort. Fanatisme aveugle ? Non, pas du tout : ma fidélité est raisonnée (l'honnêteté, elle, est plutôt calculée). Je suis persuadé que François Hollande au pouvoir fait de son mieux, fait tout son possible pour sortir notre pays de l'endettement et du chômage massifs, avec les idées qui sont les siennes, de gauche. Tout comme je n'ai jamais douté que Nicolas Sarkozy était animé par le même état d'esprit lorsqu'il était au pouvoir, mais avec des idées différentes, de droite. Je ne fais jamais de procès d'intention à nos hommes politiques, de quelque bord qu'ils soient.

Mais l'échec d'une politique ne vaut-elle pas tout de même condamnation ? Pour moi, non. Si Hollande, en 2017, n'a toujours pas fait reculer significativement le chômage (ce pour quoi il a été élu), je lui serai toujours fidèle, parce que je reste socialiste, pour l'éternité, quoi qu'il arrive, même dans l'échec. Parce que je crois que personne d'autres que lui n'aurait pu faire mieux, que d'autres au contraire auraient fait pire. C'est pourquoi la déception, l'insatisfaction, le regret sont des sentiments qui me sont complètement étrangers. Même en enfer, je continuerai à être socialiste, fidèle et heureux de l'être. Ceci dit, j'espère quand même que mes camarades au pouvoir vont nous apporter un petit coin de paradis, et de meilleurs chiffres de l'emploi dans les prochains mois, honnêtement ou pas.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ne faudrait-il pas donner et/ou expliquer les raisons de cet échec?Les électeurs qui ont cru à cette possibilité de réduire le nombre de chômeurs ne voient que les résultats,pour eux.Nous savons que résoudre ce problème est bien plus complexe.Le constat est là,le PS va changer la manière de le résoudre,j'y crois aussi.Ces précisions seraient nécessaires pour rassurer ceux qui sont touchés par la précarité de l'emploi.