jeudi 20 novembre 2014

L'ère primaire



Le parti socialiste doit-il organiser des primaires pour désigner son candidat à la prochaine élection présidentielle ? Thierry Mandon a relancé le débat en répondant que oui. Je ne suis pas sûr que ce soit le rôle d'un secrétaire d'Etat d'aborder ce genre de question. Mais, de fait, la question est posée. Je ne crois pas que la réponse dépende de l'impopularité du chef de l'Etat : d'abord parce qu'on ne sait pas ce que sera l'état de l'opinion dans deux ans ; ensuite parce qu'on ne sait pas si François Hollande sera candidat ou pas (lui-même ne le sait pas, puisqu'il fait dépendre sa décision des résultats de la politique du gouvernement). La question des primaires ne doit donc pas été une affaire de conjecture ou de circonstances : c'est du point de vue des principes qu'il faut la poser.

Les inventeurs de la primaire, ce sont les socialistes, lors du dernier scrutin présidentiel. La droite nous copie, en prévoyant d'organiser pour la prochaine fois ce système. Il serait par conséquent cohérent que le PS soit fidèle à lui-même, qu'il défende et applique à nouveau ce dispositif. Qu'un possible candidat soit aussi chef de l'Etat change-t-il quelque chose ? Je ne pense pas. François Hollande, s'il se porte candidat pour une seconde fois, aura besoin de se ressourcer auprès de l'électorat de gauche. La primaire ne pourrait que lui être profitable. Les vertus de cette procédure sont invariables, quels que soient les candidats et leur titre. Et puis, en démocratie, il n'y a rien à craindre d'aucune consultation populaire, celle des primaires ou n'importe quelle autre.

La fonction présidentielle ne risque-t-elle pas de souffrir à se rabaisser à des joutes partisanes ? Dans sa dimension gaullienne, certainement. Mais cette dimension-là, qu'avait su préserver François Mitterrand, a disparu depuis longtemps : c'est d'abord la droite, avec Chirac et surtout Sarkozy, qui a fait descendre le chef de l'Etat de ses hauteurs monarchiques. Je le regrette, mais l'évolution est sans doute irréversible, et la société d'aujourd'hui ne se prête plus guère à un président en majesté. La participation d'un président de la République à des primaires ne fera qu'acter un changement des mentalités, qui n'est peut-être pas si déplorable que ça.

Enfin, loin de vouloir restreindre ces primaires citoyennes, je les considère plutôt comme une chance pour la démocratie et la vie politique. Il faudrait songer à étendre leur champ d'application à d'autres élections, en faire une règle de désignation des candidats. Car ce qui tue la politique, ce qui détourne les citoyens de la vie publique, ce qui grossit les rangs et les votes de l'extrême droite, c'est la logique d'appareil, avec ses arrangements internes, ses candidats présélectionnés, ses choix hasardeux parce que intéressés, opportunistes.

Autrefois, cette réalité existait déjà, mais elle était admise, parce que l'idéologie la recouvrait, parce que les militants étaient beaucoup plus nombreux, parce que les fortes personnalités faisaient oublier les candidatures médiocres, fantasques ou alimentaires. Aujourd'hui, le citoyen est vigilant, exigeant et désabusé : les partis politiques ne peuvent donc plus se permettre de se donner, à quelque élection que ce soit, des candidats bâtards, inconnus ou transparents, qui végètent dans l'appareil jusqu'à ce qu'on les réactive le moment venu. Choix des candidats par les citoyens à tous les scrutins : c'est clair, net et démocratique. L'ère primaire ne fait que commencer.

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