vendredi 12 décembre 2014

La femme qui croit aux miracles



Il y a, à Saint-Quentin comme ailleurs, des associations qui se la jouent, qui ne méritent pas un radis et qui sont pleines de fric. Il y en a d'autres qui sont discrètes, d'une utilité criante et qui n'ont pas assez d'argent : j'ai nommé Ecout'Jeunes, présidé par Françoise Malherbe, qui tenait hier soir son assemblée générale, en présence de plusieurs élus, de représentants de mouvements caritatifs, de la Mission locale, de l'ASTI et de l'EPIDE. Ce devait être un enterrement, nous avons assisté à une renaissance : l'association a trouvé in extremis une généreuse donatrice qui l'a sauvée de la dissolution. C'est que les subventions baissent de toute part, même si la Municipalité de Saint-Quentin a maintenu la sienne et son aide (mise à disposition du local).

Françoise Malherbe n'est pas une personne comme les autres : elle parle d'une voix douce alors qu'elle côtoie la violence ; elle est déterminée alors que les difficultés rencontrées pourraient la décourager ; elle ne se met jamais en avant alors qu'elle est au premier plan de la lutte contre la pauvreté. Les pauvres, elle les défend, au moment où ils sont attaqués de toute côté : non, ils ne sont pas fainéants, mais que voulez-vous faire quand il n'y a pas de boulot ? Ils abusent de leurs droits (RMI, RSA, ...) ? Mais non, c'est tout le contraire : ils les ignorent, ou bien n'osent pas les réclamer, de honte ; et quand ils font la démarche, c'est souvent pour se heurter à la complexité administrative. Il y a un mot qui n'aura jamais été prononcé, durant cette heure et demi d'assemblée générale : c'est celui d'assistés.

Autre trait de caractère de Françoise Malherbe : sa totale bienveillance. Elle ne se plaint pas, ne critique personne, ni les institutions, ni les spécialistes, personne. C'est très rare, dans une société où n'importe qui a quelque chose à reprocher aux autorités et se présente en victime. Pas Françoise. En 2013, il y a eu 9 000 passages dans son petit bureau de la rue Charles Gomart. 9 000 ! dont 560 nouveaux, 85% de Saint-Quentinois, autant de garçons que de filles, 7% d'étrangers. A-t-on idée de ce qu'est la pauvreté à Saint-Quentin, 28e localité la plus pauvre de France ? Françoise Malherbe nous apprend que les suicides augmentent chez ces jeunes-là. Qui le savait ?

Une AG, c'est souvent un moment ennuyeux, où l'on débite des actions déjà connues ou des chiffres qu'on ne comprend pas. Pas de ça avec Françoise, mais des anecdotes vivantes, émouvantes, révélatrices, qui valent bien une montagne de statistiques. Comme ce Jérémy qui a besoin d'une paire de baskets rouges, mais qui ne peut pas se les payer. Mais pourquoi rouges ? Un luxe de pauvre ? Non, une nécessité de travail : embauché chez Quick, ce sont les chaussures de rigueur. D'autres histoires sont beaucoup plus dramatiques, mais Françoise est là, qui ne désespère pas. Elle prend ce qui vient, s'enchante des petits progrès éphémères, croit aux miracles (et il arrive qu'elle en fasse). Françoise Malherbe a une force en elle, sans laquelle elle ne tiendrait pas. Je la connais, mais n'en parlerai pas. La seule chose qui compte, c'est ce qu'elle fait, et c'est énorme.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Et pas une photo ???

Emmanuel Mousset a dit…

Non, les miracles ne se prennent pas en photo.

Anonyme a dit…

le véritable miracle aurait été que les pouvoirs publics se réapproprient le vide comblé par cette remarquable association et ce bien au delà de locaux : au constat chiffré évoqué est ce vraiment une société responsable qui accueille son avenir, notre jeunesse? ou se repose t'elle sur les bonnes volontés jusqu'à les épuiser?
la précarité elle aussi se plie au choix économique, accompagnement des plus en difficulté ou surveillance de tous, ici le choix est fait
bravo à Ecoute jeune et au dynamisme de son équipe