lundi 15 décembre 2014

Mourir sans souffrir



Au lieu de discutailler inutilement sur le passage de 5 dimanches à 12 dimanches de commerces ouverts dans les zones touristiques, les socialistes feraient mieux de parler du remarquable projet de loi sur la fin de vie, proposé conjointement par Alain Claeys, PS, et Jean Léonetti, UMP (mais là aussi, je suppose que certains vont trouver le moyen de s'opposer, afin de nourrir leurs détestables petits calculs d'avant-congrès socialiste).

La méthode est exceptionnelle et exemplaire : sur un sujet de société, aussi délicat que celui-là, il est bon de rechercher le consensus (le compromis, non : on ne passe pas des arrangements à propos de la vie et de la mort). Associer deux sensibilités politiques opposées, les amener à travailler ensemble, voilà l'idée. Que l'une de ces personnalités, Jean Léonetti, soit conduit à réfléchir sur sa propre loi d'il y a 10 ans pour la revoir, la questionner, la compléter, c'est très pertinent. François Hollande a choisi une démarche d'une grande hauteur de vue politique. A tel point que j'en viens à me demander s'il n'aurait pas fallu opter pour une procédure similaire pour réformer le mariage civil et l'ouvrir aux couples homosexuels : la France aurait peut-être fait l'économie de déchirements inutiles.

Le résultat est du même niveau que la méthode : habile, pragmatique, intelligent. L'euthanasie pure et dure n'est pas acceptable. Un "droit à la mort" est une abomination, autant que l'expression barbare et inhumaine de "suicide médicalement assisté". Mais "l'acharnement thérapeutique" n'est pas plus acceptable : laisser végéter et souffrir un grand malade en état irréversible est d'une égale cruauté. Philosophiquement, le débat ne sera jamais clos entre ceux qui réclament la mort dans la dignité et ceux qui défendent la vie à tout prix. Pour sortir de ce dilemme, Claeys et Léonetti sont partis d'un point qui fait consensus : la souffrance intense et incurable est inacceptable, il faut tout faire pour la soulager. Leur projet de loi découle de cet objectif.

On ne fait pas mourir (l'euthanasie), mais on laisse mourir, en cessant les traitements, en plongeant le patient dans un sommeil profond et continu, de façon à ce qu'il s'éteigne sans souffrir. La décision suppose l'accord du patient, qui s'imposera alors au médecin, sans refus possible. Voilà une très grande loi, ingénieuse et humaine. On se demande même pourquoi on n'y a pas pensé avant ? Mais quand les débats idéologiques et partisans prennent le dessus, il n'y a que l'affrontement, et l'esprit de consensus se délite au profit des intérêts particuliers. Oui, ce projet, s'il est adopté en janvier prochain par le Parlement, sera à l'honneur du gouvernement et de la majorité.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Monsieur MOUSSET .... La politique avec acharnement n'est pas la politique, la politique c'est la réflexion et la pensée profonde, l'exemple de SIMONE VEIL doit nous guider .. Et ces 2 parlementaires sont ses dignes successeurs mais un peu aussi ceux de BADINTER , des gens vraiment au dessus du lot; des gens exceptionnels, et vous l'avez très bien dit , beaucoup mieux que moi simple citoyen de la république droite et égalitaire ..

Anonyme a dit…

Quel est l’intérêt de mourir si on ne souffre pas un minimum.
La mort ne doit pas être paisible.
Elle doit vous arracher chaque parcelle de vie, sinon à quoi bon.
Ce serait sans intérêt de mourir.
Et puis tant qu'on souffre, c'est qu'on est encore en vie.

Emmanuel Mousset a dit…

Que la souffrance puisse avoir une valeur morale (chez les Stoïciens) ou rédemptrice (chez les chrétiens), ce sont des options métaphysiques respectables, à condition de ne pas les imposer à ceux qui ne les partagent pas. Le projet Claeys-Léonetti ne tranche pas sur les choix philosophiques ou éthiques de chacun, mais il donne la possibilité de mourir sans souffrir à celui qui le désire, et je trouve ça bien. Celui qui préfère endurer et affronter la souffrance de la mort le pourra aussi.