mercredi 14 janvier 2015

Les larmes du Prophète




Une semaine après la tragédie, Charlie hebdo n'a pas été tué, contrairement au cri lancé par les terroristes. Le journal est sorti ce matin et n'a rien abdiqué de son esprit satirique : Mahomet, versant une larme, est caricaturé en première page, porteur du slogan planétaire "je suis Charlie", illustré par une formule évangélique, dans laquelle le Dieu miséricordieux des musulmans peut parfaitement se reconnaitre, "tout est pardonné". Le choix est judicieux, fort, exemplaire : ni haine, ni vengeance, ni méchanceté. Pourtant, les musulmans seront choqués, puisque leur religion interdit la représentation du Prophète. Il faut revenir sur cette origine de la tragédie.

Dessiner Jésus, de façon rigolote, n'est pas considéré, même par les chrétiens, comme une offense à la foi, alors que Jésus est Dieu, Mahomet n'étant qu'un homme, un prophète. Ce n'est pas la caricature est soi qui pose problème, c'est la représentation et ses dangers, dont le principal est l'idolâtrie. En terre d'Islam, les images, y compris saintes, sont très présentes. Mais leur vénération est prohibée. D'ailleurs, le judaïsme, le christianisme jusqu'au VIIIe siècle et le protestantisme sont dans le même état d'esprit. Les icônes orthodoxes sont des objets de piété, pas des représentations artistiques. Elles n'ont été acceptées qu'après les violents combats du mouvement iconoclaste. L'imitation et la perspective sont des inventions occidentales récentes, qui remontent à la Renaissance. Plus loin, sous l'Antiquité, le philosophe Platon condamne le rôle de l'image, apparence trompeuse.

Le monde moderne, depuis quelques siècles et plus encore à l'époque contemporaine, est dominé, bombardé par les images. Le contraste avec la culture musulmane est donc inévitable. Mais il n'est pas irrémédiable. La solution n'est pas dans les leçons d'humanisme, de tolérance ou de laïcité, qui sont nécessaires mais ne toucheront pas ou peu le coeur des jeunes islamistes égarés par le fanatisme. La réponse sera théologique, par une lecture attentive du Coran, une meilleure connaissance de l'histoire et de la culture musulmanes, une réflexion sur le statut religieux de l'image. Car on ne trouve, dans le Livre saint, aucune théorie précise sur ce sujet. Si l'on veut combattre le mal à la racine, c'est la direction à suivre, pas la fuite en avant dans des lois d'exception ou un arsenal sécuritaire dont les terroristes, prêts à mourir en martyrs, n'ont strictement rien à faire. Si nous voulons que plus jamais Mahomet et nous tous versions de larmes, c'est bien vers cette réforme de l'Islam qu'il faudra aller, qui ne pourra être que le fait des musulmans eux-mêmes.

Je dois beaucoup à Sausen Mustafova, ma collègue, professeur de philosophie à Péronne, dont la conférence d'avril 2014, "Formation de l'esthétique musulmane, figuration dans l'Islam", m'a inspiré dans la rédaction de ce billet. Qu'elle en soit chaleureusement remerciée.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Où avez vous étudié le CORAN si bien en détail pour nous éclairer ; mais au fait un état laïc n'a pas à se préoccuper de théologie , vous n'êtes donc pas un laïc mais encore une fois vous trahissez la république et votre duplicité est affreuse et abjecte !!!

Emmanuel Mousset a dit…

Vous avez raison, un Etat laïque n'a pas à se préoccuper de religion. C'est pourquoi j'ai écrit que la réforme de l'Islam, véritable solution à la dérive terroriste, ne pouvait venir que des autorités musulmanes. Je crois qu'elles en ont la volonté et les capacités.