mardi 27 janvier 2015

Les liaisons dangereuses



En politique, il y a trois choix majeurs qui définissent la nature d'un parti et de son action : choix du leader, choix du projet, choix des alliances. Ce dernier point est essentiel. Comme dans la vie, qui se ressemble s'assemble : dis-moi avec qui tu t'allies, je te dirai qui tu es. En contractant avec la droite souverainiste, qui a été parfois accusée de xénophobie et d'homophobie, Syriza se compromet. Si ce choix est purement opportuniste, dans le seul but d'avoir une majorité, ce n'est pas plus glorieux. D'autres choix auraient été possibles : ils n'ont pas été retenus.

Mais cet étrange et douteux compagnonnage est-il une nouveauté ? Non, le rapprochement s'est fait très vite, parce qu'il est en réalité déjà ancien. Le fait est à méditer, car il donne un éclairage inédit sur cette nébuleuse qu'est Syriza, à l'idéologie mal définie. Ils sont hostiles à l'austérité ? Mais d'autres partis aussi le sont, desquels Syriza ne s'est pas rapproché. Non, je crois que le fond commun avec la droite souverainiste, c'est vraiment le rejet des institutions européennes et de ses drastiques recommandations économiques.

Je pense même que le ressort de cette contestation radicalo-souverainiste est culturel : un vieux pays de religion orthodoxe et de mentalité méditerranéenne qui se soulève contre l'Europe anglo-saxonne, protestante et normalisatrice. Et rien ne pourra modérer l'identité du parti Grecs indépendants : il s'agit bien d'une formation de droite radicale, elle aussi, comme si une propension amenait les extrêmes à se rejoindre. Faire partie d'un même gouvernement, ce n'est pas une petite alliance ! Et dire qu'il était reproché au Pasok, les socialistes grecs, d'avoir dirigé le pays avec la droite ! Le choix d'alliance qu'a fait Syriza est autrement plus grave.

En France, ce flirt très poussé est difficilement envisageable (et c'est tant mieux) : voit-on Philippe de Villiers, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Luc Mélenchon, Cécile Duflot et Pierre Laurent faire front commun ? Je ne pense pas. Quand il y a eu des passerelles entre les uns et les autres, elles ont été pour l'instant strictement individuelles. Il n'empêche qu'il faut demeurer vigilant. Notre histoire politique a régulièrement connu des rapprochements inattendus et incongrus, généralement sans avenir. Le dernier en date a été tenté en 2002 par Jean-Pierre Chevènement, avec cette idée de rapprocher les patriotes des "deux rives" (je crois que c'était son expression, après avoir dit que Jospin et Chirac, c'était "du pareil au même"). Mais la France ne connait heureusement pas la situation économique de la Grèce. Et puis, nous sommes des membres fondateurs de l'Union européenne, et nous n'avons pas au fond l'envie ni la volonté de la quitter.

1 commentaire:

Erwan Blesbois a dit…

En France nous ne sommes pas encore tout à fait anglo-saxons, protestants ni puritains, ni donc totalement communautaristes. C'est peut-être la tendance de l'Europe d'être dans une logique de vassalisation à l'empire américain anglo-saxon et puritain, en un mot majoritairement WASP. Ce qui montre que la France résiste c'est paradoxalement l'échec de son mode d'intégration républicain gommeur de différences, au lieu de les exalter sur le mode multiculturaliste et communautariste à l'anglo-saxonne, et qui nous a éclaté à la figure de façon spectaculaire avec le massacre de Charlie : avec la création d'ennemis de l'intérieur (les djihadistes) qui refusent toute intégration, qui supposent l'acceptation des valeurs de la république et le gommage de leur foi, derrière le principe de laïcité. Ennemis de l'intérieur (les fanatiques religieux) qui refusent aussi toute reconnaissance qui serait de l'ordre de la composante multiculturaliste de notre société (le côté Jack Lang) ; reconnaissance qui était peut-être le piège hypocrite tendu par les républicains, pour mieux intégrer les populations rebelles au modèle républicain ; notamment par le biais du rap, de la musique hip-hop et de la culture du tag. Or les extrémistes musulmans refusent de tomber dans ce piège, et semble mettre leur foi par dessus tout, et dont le danger est l'effet d'entraînement sur le reste de la population musulmane.