jeudi 2 avril 2015

Le zigoto, l'infidèle, l'hypocrite et la vicieuse



Nous sommes en démocratie : on a tout à fait le droit de critiquer les socialistes, surtout quand on n'est pas socialiste. Quand on est de droite, c'est même plus qu'un droit : il y a un devoir d'opposition ! Mais quand on est socialiste, fidèle, discipliné, on défend son parti et ses convictions. Les jours de défaite, comme en ce moment, on manifeste tout particulièrement son soutien, pour ne pas rajouter de la difficulté à la difficulté.

Je suis accusé parfois d'être hollandolâtre ou gouvernementaliste : oui, je le suis, j'assume. Ca ne veut pas dire que je suis d'accord avec tout, que j'adhère aveuglement : bien sûr que non. Mais c'est une question de cohérence et d'honnêteté. Faire des risettes par devant et débiner par derrière, je n'aime pas. Ces derniers jours, nous avons eu quatre beaux exemples de faux culs :

Arnaud Montebourg : il a été ministre pendant deux ans, il critique maintenant ce qu'il a défendu et appliqué quand il était au gouvernement. Et il n'y va pas par le dos de la cuillère : la politique de Hollande est absurde, elle étouffe l'économie, elle est responsable de l'augmentation du chômage, la faute en revient aux choix faits depuis 2012. Voilà en substance ce que dit Montebourg aux Echos. Vous voyez la différence avec les critiques de l'opposition ? Moi pas (même si les solutions que propose l'ex-ministre ne sont pas les mêmes).

Il y a plus inquiétant dans ses propos, quand ils reprennent la thématique "anti-establishment" de l'extrême droite : "la classe politique est devenue dangereuse pour notre pays". Il parle aussi de "système néfaste et dangereux". Je savais qu'Arnaud Montebourg était un personnage extravagant et ridicule (le déguisement en marinière) : je sais aussi maintenant que c'est quelqu'un d'inquiétant, et même d'un peu idiot, jugez-en plutôt : "En 17 ans de vie politique, j'ai l'impression d'avoir perdu mon temps". Je crois surtout qu'il nous a fait perdre le nôtre.

Aurélie Filippetti : en août 2014, elle a quitté le gouvernement, après avoir refusé d'assumer la solidarité gouvernementale, qui est pourtant l'engagement de base quand on est ministre. Aujourd'hui, elle passe son temps médiatique à casser du sucre sur le dos de ses camarades : "le président de la République n'a pas respecté les engagements de la campagne de 2012. La ligne économique a échoué sur le plan de l'efficacité. Il faut en changer". C'est fort de café : celle qui ne tient pas ses engagements de ministre vient faire la leçon au chef de l'Etat ! Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ...

Christiane Taubira : elle flirte avec les frondeurs tout en restant au gouvernement. C'est la vieille tactique des deux fers au feu. Elle est beaucoup plus prudente, beaucoup plus maligne que Montebourg, qui est une tête brûlée : c'est qu'elle tient à garder sa place. Mais ça ne vaut guère mieux. Dans L'Obs de cette semaine, on sent qu'elle chicane, qu'elle cherche la petite bête. Les mots du gouvernement sont, selon elle, "les mots de la droite". Qu'elle aille au bout de sa pensée : derrière les mots, il y a des idées et des mesures. Si la gauche emploie les mots de la droite, c'est qu'elle est passée à droite ! Exemple donné par Taubira : le pragmatisme. Je ne savais pas que c'était un mot de droite, je l'apprends grâce à elle. Pourtant, je ne vois pas de contradiction entre le pragmatisme et l'idéal. Robespierre et Lénine étaient à la fois des idéalistes et des pragmatiques. Bref, Taubira fait une mauvaise querelle de mots. Sa seule excuse : elle est au PRG, pas au PS. Mais qui le sait ?

Martine Aubry : en 2012, elle a refusé d'assumer les responsabilités gouvernementales qu'on lui proposait. Libre à elle, même s'il est toujours mieux de participer à l'effort collectif. Mais maintenant, que veut-elle ? Elle aussi s'amuse au petit jeu du un pied dedans, un pied dehors. Mais c'est comme ça qu'on se casse la gueule ou qu'on fait des croche-pieds aux autres. Les attaques de Manuel Valls contre le FN ? "Une erreur profonde", affirme la maire de Lille. Ah bon ? Et pourquoi donc ? Qu'est-ce qui la dérange ? Moi, je pense plutôt que c'est ce qui a sauvé le PS de l'effondrement total. Mais le plus vicieux dans son petit jeu, c'est qu'elle pose un ultimatum au gouvernement : s'il n'infléchit pas sa politique, elle déposera une motion au congrès du PS, en juin. C'est consternant, indigne d'une femme d'Etat, de mélanger les affaires de la France et des manoeuvres de congrès. "La gauche passéiste, j'en suis fier", déclare Aubry, par bouffonnerie. Je ne lui fais pas dire ...

J'ai voulu dénoncer, dans ce billet, ces socialistes qui critiquent les socialistes et qui font mal au PS. Ils sont heureusement très minoritaires, nonobstant les quatre têtes d'affiche que je viens d'évoquer. Mais j'ai rendu hommage dans un précédent billet à la clairvoyance de Julien Dray, et j'ai écouté hier soir, sur RTL, le remarquable entretien avec Bertrand Delanoë, qui a eu ce mot étrange mais profond : "en ce moment, je veux être socialiste et gaulliste". Gaulliste, a-t-il expliqué, par hauteur de vue, pour ne pas réduire la politique à la baraque à frites d'un congrès (c'est moi qui rajoute). Complètement d'accord.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Taubira n'est pas PRG mais apparentée PRG. Ce n'est pas tout à fait pareil.