vendredi 17 avril 2015

Républicains et Démocrates



L'UMP va changer de nom et s'appeler Les Républicains. Tout de suite, une polémique s'est enclenchée (ainsi va notre société, atteinte de polémique aigüe) : les plaignants ont protesté d'une captation d'héritage, la République étant le bien de (presque) tous. Je comprends le raisonnement, mais je n'y adhère pas, parce qu'il est purement formel (le symptôme principal de la polémique aigüe est son formalisme) : le nom n'est pas à prendre au pied de la lettre, c'est le contenu qui importe.

Il y a une trentaine d'années, François Léotard dirigeait le Parti républicain et Michel Jobert le Mouvement des Démocrates. Personne alors ne leur faisait le procès de monopoliser, et l'un la République, et l'autre la démocratie. Qu'il faille aujourd'hui s'expliquer là-dessus, et même se défendre, est une nouvelle preuve que les querelles de mots ont remplacé les débats d'idées. A vrai dire, je me moque de savoir comment le premier parti de droite en France se nomme, et tout le monde devrait aussi s'en moquer : l'essentiel, c'est de connaître son programme, et quand on est de gauche, de l'étudier pour le combattre.

En revanche, je m'étonne que les commentateurs n'expliquent pas assez que ce changement de dénomination signe un échec politique de la droite : celui de son union. Quand l'UMP a été créée il y a une dizaine d'années, elle marquait une évolution historique : jusque-là, et depuis les débuts de la Ve République, la droite était divisée entre les gaullistes et les centristes, avec parfois des tensions extrêmement fortes entre les deux. L'Union pour un Mouvement Populaire avait pour objectif de mettre un terme à cette division, de constituer un grand parti rassemblant toutes les droites (républicaines). L'entreprise n'aura duré que quelques années. Sous le changement de nom, c'est surtout cet échec qui est à souligner.

Personnellement, vu de l'autre rive, ce nom de Républicains me convient plutôt, puisqu'il renvoie essentiellement aux Républicains américains : l'adversaire est ainsi idéologiquement défini, et la référence outre-atlantique est révélatrice du post-gaullisme (déjà ancien) de la droite française. Si l'UMP s'était désormais appelée Le Rassemblement, comme il en avait été question, j'aurais été plus embêté, parce que c'est un terme politiquement moins chargé, plus neutre, ou qui renvoie à l'héritage gaulliste, perçu positivement par une majorité de Français.

La droite fait peau neuve, très bien. Et si la gauche en profitait pour s'y mettre aussi ? Nous aurions quelques sérieuses raisons politiques de le faire. D'abord, le Parti socialiste ne peut plus rester en l'état, il doit changer de mode d'organisation : ses dirigeants le savent, mais la base renâcle et les courants, c'est-à-dire les clientèles, s'inquiètent. "L'élargissement" du parti, suggéré récemment par son premier secrétaire, oblige à un dépassement de sa forme actuelle. Il nous faut accueillir d'autres sensibilités que socialistes, devenir la maison de tous les réformistes. C'est pourquoi l'identité socialiste est insuffisante, restrictive.

Un autre nom est à trouver : parti social-démocrate serait idéologiquement le meilleur choix, le plus conforme à ce qu'est la gauche d'aujourd'hui. Mais on ne peut pas non plus la réduire à la social-démocratie (il y a aussi, par exemple, le courant écologiste). Dans l'idéal, pour la clarté des choses, j'aimerais que la vie politique nationale se calque sur ce qui se passe à peu prêt partout ailleurs en Europe : les conservateurs d'un côté, les progressistes de l'autre. Mais puisque c'est le modèle américain qui semble l'emporter, il serait bien qu'en face des Républicains, nous ayons les Démocrates.

Le Parti démocrate américain est sans doute, dans ses structures, le plus proche de ce que le PS français pourrait devenir : une fédération de plusieurs sensibilités. Il sera difficile, sinon impossible, de transformer le Parti socialiste en véritable organisation social-démocrate : l'histoire syndicale et politique de notre pays est un frein. Les Démocrates contre les Républicains, ça me va bien ! Manuel Valls, qui est en avance sur beaucoup de choses, n'avait-il pas souhaité un changement de nom du PS il y a quelques années ?

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