mardi 12 mai 2015

Fidel, toute une histoire



A Cuba, François Hollande, qui n'a jamais été castriste, a voulu rencontrer Fidel Castro, pour avoir un "moment d'histoire". L'initiative m'a fait réfléchir : à La Havane, la gauche serait-elle en quête d'histoire, parce qu'elle ne fait plus l'histoire, depuis que la révolution n'est plus à l'ordre du jour ? Mais quelle histoire voulons-nous ? A bien des égards, Fidel Castro est un fantôme de l'histoire. Le régime qu'il a porté a été très vite contesté, le socialisme annoncé se transformant en dictature tropicale. Pourtant, il ne s'est pas effondré, son peuple ne s'est pas révolté, à la différence des pays de l'Est. Mais qu'est devenu ce régime castriste ? Aujourd'hui, il cède devant l'ennemi américain, il compose avec lui, il a perdu la guerre idéologique. Comme pour la Chine, nous devinons que Cuba va s'ouvrir au capitalisme. Avoir fait la révolution et fait rêver le monde entier et terminer comme ça ...

L'histoire cubaine et son aventure castriste posent à la gauche française la question de son modèle. Il y a d'abord eu l'Union soviétique, qui a tourné à l'insoutenable stalinisme. La Chine de Mao a pris la succession, mais elle était trop lointaine et trop radicale. Dans les années 70, la Yougoslavie autogestionnaire de Tito avait les faveurs d'une bonne partie de la gauche : qu'est-ce qu'on en retient aujourd'hui ? Plus rien, je crois bien. La Tchécoslovaquie, de son côté, nous promettait un "socialisme à visage humain". Ce lapsus m'a toujours fait sourire : la formule admettait qu'il existait un socialisme inhumain, ce qui est une contradiction dans les termes. L'Algérie du FLN a enthousiasmé juste après la décolonisation, mais nous avons rapidement désenchanté. Quand j'étais à la fac de Vincennes, un prof nous prodiguait des cours sur le régime marxiste-léniniste du Mozambique : j'étais dans ma période pseudo-gauchiste, je prenais note mais je restais sceptique. Plus tard, à la Sorbonne, un copain m'avait parlé de son prof de philo, fervent défenseur du régime albanais, le "socialisme des aigles", une découverte pour moi !

L'un des maux de la gauche, c'est de se chercher des modèles, qu'elle ne trouve évidemment pas ou qui la déçoivent. Ce n'est pas un défaut réservé à la gauche communiste : les sociaux-démocrates ont longtemps eu leur paradis, la Suède. Je n'ai jamais compris ce besoin d'aller voir ailleurs ce qu'on a chez soi : la tradition française de la gauche est grande et diverse, la Révolution, la Commune, le Front populaire, Mai 68. Pourquoi faire le voyage au bout du monde, qui se transforme si souvent en un voyage au bout de la nuit ? Moi aussi, j'ai eu le poster du Che punaisé dans ma chambre, mais j'étais ado et c'était plus par esthétisme que par politique. L'histoire du socialisme n'est pas finie, elle se poursuit. Je pense même qu'elle a encore de beaux jours devant elle. Mais sans Fidel et sans modèle.

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