vendredi 31 juillet 2015

Rebsamen pas possible



A plusieurs reprises, sur ce blog, j'ai exprimé mon mécontentement à l'égard de François Rebsamen, ministre gaffeur. C'est mon droit de citoyen, et mon devoir de socialiste. De ce François-là, j'aime surtout sa voix, grave et belle, son visage aussi, très marqué, un peu comme le vieux Gabin (mais j'aime aussi les visages lisses de poupon, à la Macron). A part ça, Rebs, comme on l'appelle entre socialistes, ça ne va pas du tout.

Certes, son ministère, le Travail, est l'un des plus exposés : quand on est le ministre d'un président qui a fait de l'emploi son cheval de bataille, on n'a pas droit à l'erreur. Bien sûr, Rebsamen n'est pas un mauvais type (aucun socialiste d'ailleurs n'est un mauvais type, sauf quelques cas rares), mais ministre, ce n'est visiblement pas son truc. Il a le costume mais pas l'étoffe. C'est une question de niveau.

Son gros problème, c'est surtout la communication. Dès qu'une caméra ou qu'un micro s'approchent, on sent venir la faille. Sous la IIIème République, François Rebsamen aurait fait un bon ministre, parce que c'est un bon gars, fidèle, appliqué. Aujourd'hui, dans la société de communication, où l'on meurt de ne pas ou de mal communiquer, Rebsamen est mort. Pas d'excuses : il est entièrement responsable. Personne ne l'a obligé d'être là où il est, et ses limites, il les connaît, parce que s'il est maladroit, il n'est pas non plus idiot.

Sa dernière gaffe date d'hier, et ce pourrait bien être la toute dernière, parce que pire qu'une faute, c'est une erreur politique. Quelques jours après le décès du maire de sa ville, il annonce qu'il va être candidat au poste qu'il a longtemps occupé, avant d'être ministre. Patatras ! François Hollande a dit et répété, de nombreuses fois, sur tous les tons, que le cumul des mandats était autant son adversaire que le chômage. Etre ministre et maire d'une grande ville, non, non et non ! Quand on a la charge de cinq millions de chômeurs et d'une multitude de précaires, on ne se consacre pas à la gestion de la ville de Dijon.

Rebsamen sait qu'il ne peut pas, que ça ne va pas, qu'Hollande ne veut pas ... et il le fait quand même ! Comment appelez-vous ça ? Rebsamen sait que les médias vont lui tomber dessus, que l'opinion publique, qui déteste le cumul des mandats, ne lui pardonnera pas ... mais il fonce tout droit dans le mur, au risque de perdre son portefeuille, de pousser le Premier ministre à un mini-remaniement, tout ça pour avoir Dijon comme consolation. A entendre ça, la moutarde vous monte au nez (oui, je sais, celle-là est un peu facile, mais ce sont les vacances, je me relâche).

Le cas Rebsamen pose une question plus générale, l'une des plus délicates qui soit en politique : où est-on à la bonne place ? A quel moment atteint-on son niveau d'incompétence ? C'est le problème de la compétence en démocratie, où n'importe quel citoyen est censé pouvoir assumer un mandat, exercer une charge élective. C'est un principe républicain, mais ce n'est pas la réalité de la vie : aucun d'entre nous n'est bon à n'importe quoi. Il y a forcément des qualités que nous avons et d'autres que nous n'avons pas. L'art de la politique consiste à mettre the right man at the right place. Les erreurs de casting font les mauvais films.

Autre problème : la rétribution des fidèles. La politique exige d'avoir des soutiens, qui sont rarement gratuits, désintéressés, surtout à un haut niveau. Celui qui suit ne le fait pas pour rien : il attend un retour sur investissement. Le militant au cœur pur et aux mains blanches, c'est une figure de légende. De quelqu'un qui est en politique ou dans ses parages, il faut toujours se demander ce qu'il fait là, ce qu'il recherche, ce qu'il attend. Le leader est forcément sollicité, les espoirs qu'il suscite autour de lui restent souvent silencieux, mais réels. Le pire pour lui, c'est de se montrer ingrat. Un espoir non satisfait, c'est pire qu'un amour déçu. Quand on est dans les cuisines, il faut donner à manger : en politique, tout le monde a faim, et beaucoup sont boulimiques. Un leader est toujours redevable, tout chef qu'il est.

François Rebsamen est un grognard de l'Hollandie, un fidèle parmi les fidèles, un des tout premiers soutiens, un bon copain. Pas facile de ne pas récompenser celui qui n'aurait pourtant pas démérité à rester premier magistrat de la ville de Dijon, belle et grande cité de Bourgogne. Mais, en politique, on veut toujours plus, même ce dont on n'est pas capable. Avoir une place quelque part, n'importe où, la plus haute possible. Qu'est-ce que le chef peut répondre à ça ? Si c'est non, autant se couper un bras, le droit, celui du bon lieutenant ... François Rebsamen était à la fois condamné à entrer au gouvernement et condamné à le quitter. C'est maintenant. Mais on connaît plus grave condamnation dans la vie, même pour un homme politique. Rebs peut redevenir roi de Dijon, la belle digue digue, la belle digue don, ce qui n'est pas mal non plus.

Aucun commentaire: