mercredi 7 octobre 2015

Françoise Giroud sans masque



De Françoise Giroud, j'avais plutôt une bonne image : visage avenant, air sympa, femme de gauche, grande journaliste, féministe. Bien sûr, il y a son passage chez Giscard, au ministère de la Condition féminine. Mais c'était pour la bonne cause. Et puis, Françoise Giroud n'a jamais été cartée nulle part, elle n'a donc trahi personne. Quelle n'a pas été ma surprise, désagréable, dimanche soir, en regardant sur France 2 l'émission Un jour, un destin, qui lui était consacré ! Le portrait d'une femme profondément antipathique, autoritaire, humiliant ses subordonnés, assoiffée de pouvoir et de notoriété, menteuse et manipulatrice. Je suis tombé de haut ! En fait, je me suis rendu compte que je ne connaissais cette personnalité que de réputation (favorable), qu'en réalité je ne savais rien de sa vie. Combien sont-ils dans ce cas-là, qui m'estomaqueraient si je disposais de la vérité de leur existence ! C'est effrayant, quand on y réfléchit ...

On ne peut pas dire non plus que l'émission exagère dans la noirceur, qu'elle soit de parti pris. C'est tout le contraire : le style est plutôt hagiographique, les invités sont des amis du sujet traité. François Giroud commence par piquer Jean-Jacques Servan-Schreiber à sa femme : elle l'aime, bien sûr, mais elle veut aussi assouvir son désir de réussite sociale grâce à un homme influent. Ce sera lui. Quand il la quitte pour une autre (le coup classique de l'arroseur arrosé), Françoise Giroud devient folle, envoie des lettres anonymes à caractère antisémite pour briser le tout nouveau couple, ou plus simplement pour se venger. Dingue et méchante !

Il y a aussi l'affaire de sa médaille de la Résistance, indûment attribuée, alors qu'elle est ministre. Sa défense ne tient pas : elle affiche devant les caméras sa carte de déportée, que personne ne songe à lui contester, mais qui n'a rien à voir avec la reconnaissance de faits de Résistance. La dernière polémique discréditant Françoise Giroud est pour moi la plus révélatrice et la plus grave, quoiqu'elle paraisse la plus insignifiante : à son petit-fils qui lui demande si elle est juive, elle répond que non (toute sa famille est juive, depuis plusieurs générations). Pourquoi cet incroyable mensonge ? Elle s'expliquera un peu plus tard, par un prétendu serment à sa mère de ne pas révéler ses origines : c'est aberrant, on sent le mensonge qui vient conforter le mensonge.

J'ose une explication (il faut bien) : depuis le début et toute sa vie, Giroud a rêvé de pouvoir, d'influence, de conquête. Elle ne veut pas, contrairement à la tendance actuelle, apparaître comme une victime, faire partie du peuple réprouvé et exterminé. Athée, moderne, libérée, elle ne veut pas non plus reconnaître son appartenance au peuple le plus religieux de la planète, dont l'histoire est contenue dans le texte sacré de la Bible. Pour ces deux raisons, Françoise Giroud est dans un stupéfiant déni : cette juive refuse d'être juive !

Le seul moment de sympathie et de vérité, c'est à la fin de son existence, les dernières années de sa vie, quand elle se montre dans un documentaire, vieille, abimée, oubliée de ce monde politique qu'elle aura tant courtisé : Giroud sans fard, sans masque, qui ne cherche désormais plus à séduire, parce qu'elle ne peut plus (mais elle pourrait se cacher). Nous retiendrons le meilleur d'elle : avoir participé à l'aventure de L'Express, qui aura marqué à sa façon la vie politique française. Pour le reste, je suis dubitatif et critique.

16 commentaires:

Anonyme a dit…

Si je suis athée ou agnostique je peux tout à fait dire que je ne suis pas juif même si mes ancêtres étaient de religion juive.
Pour moi il n'y a pas de race juive.



D a dit…

Je reste sans voix devant votre remarque : "cette juive refuse d'être juive"...
Qu'est-ce qu'être "juive" ?
Eclairez-nous !
Si "juive" a bien le sens religieux connu de tous, qu'avez-vous bien pu vouloir dire ainsi avec cette expression : "cette juive refuse d'être juive" ?
Ou alors "juive" n'a pas de connotation religieuse et je comprends encore moins...

Emmanuel Mousset a dit…

Vous restez sans voix parce que vous êtes sans pensée. La lumière que vous réclamez est dans mon texte et même dans votre propre commentaire. Mais bon dieu, réfléchissez un peu, et abstenez-vous de vos questions à la con.

Emmanuel Mousset a dit…

Au premier commentaire : un juif athée n'en reste pas moins juif. Un peuple ne se réduit pas à sa religion.

Anonyme a dit…

Je n'imaginais pas qu'une simple émission de télé pouvait vous faire changer d'avis.
Quel pouvoir la télé! Essayez plutôt de penser par vous-même.
Ou n'essayez pas peut être car la pensée n'est pas pour vous à en croire ce billet.

Emmanuel Mousset a dit…

A part le fou et le prétentieux, on ne pense jamais "par soi-même". C'est un slogan inepte. La pensée naît et se développe par des références, au contact d'apports extérieurs, dont une émission de télévision peut faire partie, même si ce n'est pas très bien vu dans certains milieux qui se prétendent "intellectuels".

Anonyme a dit…

Si je puis me permettre de prolonger le débat, l'activité de "penser par soi même" est associée à la réflexion critique.
Penser par soi même c'est être capable de se servir de son entendement sans la conduite des autres (voir Kant: qu'est ce que les lumières?)
je ne pense pas que Kant soit l'auteur de "slogans ineptes"

Anonyme a dit…

Je ne connais que les citoyens israëliens
ou des citoyens d'Israël et d'autres pays qui par ailleurs sont de religion juive
Désolé mais un juif athée n'est pas un juif (comme moi qui ne suis pas catholique mais athée bien que mes parents et ancêtres aient été pour beaucoup probablement catholiques).
Bien sûr je pourrais me faire "décatholiciser" comme Spinoza s'était fait "déjuiver" (que d'affreux termes !)
mais bon on en aura jamais fini d'arracher de nos neurones les concepts de "races" ou ce qui les symbolise en tissu ...... les étoiles jaunes roses ou autres !
Nous avons tous comme un air de Morano ............... mais si mais si ....... mais chut on avouera jamais publiquement !

Anonyme a dit…

on ne pense jamais "par soi-même"...
Il a bien fallu toutefois qu'un jour quelqu'un commence sans qu'il soit pour cela fou ou prétentieux.
Penser, c'est naturel...
Et sans doute même pas réservé à l'humanité...

Anonyme a dit…

Comme dirait "Le canard enchainé" je crois que c'est "Pan sur le bec Mr Mousset"
Chacun ou beaucoup se souviennent de leur 1er cours de philosophie ou précisément le prof disait que la philosophie c'est l'art de penser par soi même c'est à dire d'exercer son esprit critique, de retravailler la pensée de l'autre pour qu'elle devienne sa propre pensée, etc etc...
Ceci dit je vous pardonne, on peut oublier les fondamentaux lorsque l'on réagit trop vite et sans prendre le recul nécessaire.

Emmanuel Mousset a dit…

Ni pan sur le bec, ni réaction trop rapide, ni absence de recul, mais une position assumée et argumentée : on ne pense pas à partir de rien. L'émission sur Françoise Giroud m'a fait réfléchir sur sa personnalité, a aiguisé mon esprit critique, alors que je restais jusqu'à présent sous l'influence d'une image toute faite. Les commentaires qui me le reprochent ne sont qu'enculages de mouches.

Anonyme a dit…

Chapeau! On ne peut pas dire que vous exerciez votre esprit critique sur vous même.
c'est vrai que vous avez parfaitement le droit de vous opposer à Kant ou à tous les profs de philo mais il faut être très très fort. Et il faut argumenter un peu plus.
En fait vous êtes juste passé d'une influence à une autre et c'est dommage.

Emmanuel Mousset a dit…

Quand on passe d'une influence erronée à une influence véridique, c'est tout bon. Et Kant tout comme les profs de philo n'ont rien à voir là-dedans.

Anonyme a dit…

Ben si quand même puisque c'est Kant qui parlait de "penser par soi même", tout comme les profs de philo. C'est juste un fait. Point. Attendons une troisième influence lors d'une prochaine émission.

Anonyme a dit…

Vous penchiez d'un côté et voilà que vous penchez de l'autre, suite ou non à une intervention extérieure à vous-même mais intériorisée par votre intellect...
Qui ne nous dit pas que d'ici une autre émission (tv ou autre), vous ne pencherez pas à nouveau du premier côté ?
En fait, eu égard à feu Edgar, vous n'êtes pas né sous le signe de la girouette, mais sous celui du vent...

Emmanuel Mousset a dit…

1- Vous arrangez Kant à votre sauce. Il n'a jamais dit, surtout pas lui, qu'il fallait se passer de toute connaissance et penser à vide, comme une coquille de noix creuse.

2- Il faut distinguer un préjugé, comme nous en avons beaucoup, et une information pertinente qui fait évoluer. A vous suivre, on ne changerait jamais d'avis.