lundi 12 octobre 2015

Rocard à l'honneur



Michel Rocard a été élevé, vendredi dernier, à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur, à l'Elysée, par François Hollande. Je ne suis pas friand des décorations et des cérémonies protocolaires, mais celle-ci avait tout de même un sens politique important. Rocard est celui qui a eu raison, à gauche, avant tout le monde. S'il avait été le chef de cette gauche, nous aurions évité bien des déceptions, bien des désillusions, et la gauche s'en porterait peut-être mieux aujourd'hui.

De Michel Rocard, je retiens d'abord la méthode, le fameux parler vrai, contre tant de politiques, y compris socialistes, qui se complaisent dans l'ambiguïté. La vérité comme préalable, au prix parfois de l'impopularité, le refus de la démagogie : oui, voilà ce qui me plaisait, ce qui me plait encore chez Rocard. Avec son corolaire : la conquête du pouvoir, oui, mais pas pour objectif unique, pas à n'importe quelles conditions. Pas le pouvoir pour le pouvoir, mais pour l'exercice des responsabilités.

De Michel Rocard, je retiens ensuite le réformisme, mot tellement banal aujourd'hui, et qui pendant longtemps a été banni, parce que certains y voyaient (à juste titre d'ailleurs) la traduction française de la social-<i>démocratie. Ni rupture, ni révolution, mais la réforme : la gauche finalement y est venue. L'évolution idéologique aura été de se séparer intellectuellement du communisme, ce que Rocard avait proposé dès les années 70, ce qui semble aujourd'hui une évidence, ce qui ne l'était pas alors, mais au contraire perçu comme une hérésie.

Michel Rocard, c'est aussi un Premier ministre qui aura beaucoup agi pour la France et qui aura réalisé une performance : quitter Matignon en restant populaire ! Le pouvoir ne l'aura pas laminé, mais confirmé. De nombreuses réformes resteront dans les mémoires, attachées à son nom. Plus qu'aucun autre, il aura été, au sein du Parti socialiste qu'il a aussi dirigé, un adversaire du cynisme, de l'opportunisme, de la fausse radicalité. Il en a payé le prix : sans cesse attaqué, la manœuvre la plus ignoble aura été de lui coller dans les pattes la candidature concurrente de Bernard Tapie, lors d'une élection européenne. La politique est hélas parfois ainsi : rancunière et minable. Je crois que Michel Rocard, dont on pouvait bien sûr ne pas partager les idées, aura été exempt de tout sentiment bas. Pour ça surtout, il méritait cet honneur de la grand-croix.

Mendès, Rocard, Delors, Jospin, DSK, Hollande et demain ou après-demain, qui dans la grande famille du réformisme ? Valls, Macron, d'autres ... Un passé, un présent, un avenir : le destin de la social-démocratie n'est pas fini.

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