mardi 9 février 2016

Qui c'est celui-là ?



Vous vous souvenez de l'amusante chanson de Pierre Vassiliu ?

Qu'est-ce qu'il fait, qu'est-ce qu'il a ?
Qui c'est celui-là ?
Complètement toqué, ce mec-là,
Complètement gaga
Il a une drôle de tête, ce type-là,
Qu'est-ce qu'il fait, qu'est-ce qu'il a ?


L'air et les paroles me sont revenus, lorsque j'ai appris, ce week-end, par la presse, la candidature d'Eric Norel à la prochaine élection législative partielle. Bon, toqué, gaga, je ne me permettrais pas. Mais : Qui c'est celui-là ? oui, je me pose la question. Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam, bien qu'il soit, comme moi, depuis vingt ans à Saint-Quentin. Je ne connais pas non plus tout le monde, surtout pas dans les milieux patronaux, d'où il vient.

Qui c'est celui-là ? Je me le demande, parce qu'une candidature ne tombe pas du ciel, ni ne surgit comme le lapin blanc d'un chapeau de magicien. Bien sûr, tout élection a ses candidats surprise, de dernière minute, y compris au sein des partis les mieux établis. Mais ce sont des exceptions qui confirment la règle, des candidatures marginales ou de simple témoignage. Comme toute activité humaine sérieuse, la politique exige une longue préparation, une présence régulière sur le terrain, des prises de position dans le débat public. Ce n'est pas le cas d'Eric Norel, qui est comme l'enfant qui vient de naître.

Qui c'est celui-là ? Pour le savoir, écoutons-le : il se présente comme un self made man. C'est un homme d'affaires, qui investit et entreprend dans le commerce, les grandes surfaces, la restauration. A Saint-Quentin, son nom est associé à pas mal d'établissements. Mais ça n'en fait pas un homme politique. Si tous ceux qui sont dans sa situation devaient se porter candidat, la liste s'allongerait nettement. Et puis, le business et la politique, ce n'est pas la même chose. A moins qu'Eric Norel ne veuille jouer localement les Donald Trump ou les Bernard Tapie ?

Qui c'est celui-là ? Par rapport au paysage politique, il se présente comme un indépendant, un sans étiquette, un apolitique ... mais de droite. Ah ! je la connais, cette espèce un peu particulière de ceux qui font de la politique tout en n'en faisant pas, qui sont de droite sans en être et qui sont souvent plus à droite que ceux qui en sont ... Ecoutons-le encore : "Je ne suis candidat contre personne". C'est bien gentil, mais en politique, on a toujours des adversaires, et il est bon de savoir lesquels. "Le FN est un vote contestataire. Les gens en ont marre". Non monsieur, c'est un cliché qui traite et qui dédouane l'électorat d'extrême droite. La vérité, c'est que depuis de longues années, le vote frontiste est un vote d'adhésion à un projet nationaliste, autoritaire, xénophobe et anti-européen (les déclarations du candidat sont reprises de L'Aisne nouvelle de samedi dernier).

Qui c'est celui-là ? Il reste une dernière hypothèse, incertaine, mais classique en politique : la candidature d'Eric Norel est téléguidée pour torpiller la droite, lui prendre des voix. Mais qui aurait intérêt à agir ainsi ? Certes, en homme de pouvoir, depuis longtemps dans la carrière, ayant fréquenté les sommets, Xavier Bertrand a dû se faire un paquet d'ennemis, de jaloux, d'envieux. Norel a-t-il des comptes personnels à régler, qui n'ont peut-être rien de politique ? Je ne sais pas, je me hasarde. Je sais seulement que la rancœur et la vengeance sont de puissants ressorts de l'action humaine. Norel annonce sa candidature la veille de la réunion des Républicains qui a investi Julien Dive. Evidemment, on ne peut pas s'empêcher de penser que c'est un indice. Mais les coïncidences existent aussi dans la vie. De toute façon, une candidature isolée, non identifiée ne peut pas franchement gêner la victoire de qui que ce soi : la dynamique électorale est plus forte que tout.

Qui c'est celui-là ? Mais pourquoi j'embête ce brave monsieur Norel avec cette question ? Je n'ai pas le droit de mettre en doute sa sincérité, de lui prêter des arrière-pensées. Nous sommes en République, chaque citoyen est libre de solliciter le suffrage universel, non ? Bien sûr, bien sûr, mais c'est de la théorie, tout ça. En réalité, la plupart des candidats sont présentés par un parti, s'inscrivent dans une sensibilité idéologique, et c'est très bien comme ça. Une candidature à une élection n'est pas une position personnelle. La politique est une activité collective, qui évolue dans une histoire et une géographie, au milieu d'une sociologie et de forces électorales anciennes. Une candidature strictement individuelle, ça n'existe pas. Ou alors ce n'est pas politique.

Il a une drôle de tête, ce type-là ? A la question de Pierre Vassiliu, je laisse répondre Nicolas Totet, dans le Courrier picard : "regard bleu" et "sourire carnassier" d'Eric Norel. A ses côtés, son premier soutien, le célèbre boxeur Jérôme Thomas. Est-ce que ça promet de la castagne ? On a déjà failli avoir, à droite, Pascal Cordier ...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bygmalion ..... et vous avez oublié le tract de la semaine dernière de qui vous savez ??

Emmanuel Mousset a dit…

Une manœuvre de Jérôme Lavrilleux ? Mais pour en tirer quel profit ? Non, votre hypothèse ne tient pas.

G a dit…

Une manoeuvre d'un LR qui n'encaisse pas bien les coups et en particulier celui reçu lors du choix qui favorisé le (relativement) jeune maire du Saint-Quentinois. Cela peut faire capoter sa présence au second tour. Cela peut aussi amener à ce second tour un représentant de la gauche pourvu que ce soit quelqu'un qui sache se hisser verbalement à la hauteur souhaitable pour réussir. Mais quel chantier (à tous points de vue) !