samedi 2 avril 2016

L'argent a une odeur



Le blé, le flouze, le fric, l'oseille, le pèze, le pognon, la thune, la fraîche, la galette, les pépettes, les ronds, les patates, les radis, les balles, les briques ... c'est fou les termes pour désigner l'argent. Et encore je ne cite ici que ceux que je connais ... On dit que l'argent n'a pas d'odeur : rien de plus faux ! Ceux qui l'aiment le respirent à pleins poumons, en mangeraient s'ils le pouvaient, comme oncle Picsou nageant dans les dollars et dans le bonheur, à l'intérieur de son coffre-fort géant. Ceux qui ne l'aiment pas se bouchent le nez, trouvent que l'argent pue.

Et moi ? Je suis assez pudique sur ce sujet, je n'aime pas trop parler argent, je suis resté vieille France. Encore aujourd'hui, chez beaucoup, l'argent est plus tabou que le sexe : certains montreraient volontiers leur bite, sans gêne, mais hésiteraient à dévoiler leur compte en banque. Sans compter que nous avons tous des problèmes d'argent, soit d'en avoir trop, soit d'en avoir pas assez. Mais ceux-ci ont quand même plus de problèmes que ceux-là.

Ce petit préambule ne sert qu'à introduire l'affaire du jour : la rémunération de Xavier Bertrand à la tête de la Région et de l'Agglomération, 6 700 euros nets. Vous trouvez ça élevé ? Pas moi. C'est le salaire moyen d'un chirurgien-dentiste, d'un directeur d'une moyenne entreprise ou du maire d'une très grande ville. Si vous me poussez un peu (mais je ne voudrais pas vous "choquer", comme on dit facilement aujourd'hui), je trouve même que ce n'est pas si élevé que ça, quand on rapporte la somme à la responsabilité, gérer un territoire de 6 millions d'habitants, en préparer l'avenir. Et si vous comparez avec la rétribution d'un animateur télé qui passe son temps à se marrer, d'un gars qui tape dans une balle ou d'un chanteur de variétoche, les 6 700 euros ne sont plus grand chose.

Evidemment, quand on jongle avec les chiffres, le gogo est impressionné : 4 000 euros d'augmentation de salaire, qui n'en rêverait pas, moi le premier ! Ballot, c'est une compensation ! Bertrand perd ses indemnités de député-maire, il rattrape la perte en augmentant ce qu'il touche à l'agglo. Tout ça est légal, voté en assemblée et ne coûte rien de plus aux contribuables, puisque la somme est prélevée sur les indemnités des vice-présidents, réduites de 200 euros. Il faut d'ailleurs saluer la lucidité de ces élus, leur courage, leur désintéressement, leur esprit de sacrifice, leur sens de l'intérêt général ou plus simplement leur amabilité envers leur président de conseil d'agglomération.

Bien sûr, on peut toujours critiquer, parce qu'on peut toujours tout critiquer. Mais il faut faire attention : c'est de la démocratie dont il s'agit. Autant je reproche à nos élus de vouloir cumuler les mandats, de ne pas savoir décrocher à temps, autant je souhaite qu'ils soient bien payés, parce qu'ils représentent la population, administrent difficilement des collectivités complexes, s'investissent souvent à fond dans ce qu'ils font (et je ne fais pas de distinction, ici, entre la droite et la gauche). Une République qui rétribuerait mal ses élus du peuple ne porterait aucune estime à elle-même.

Xavier Bertrand n'est pas mon copain. Je dis de lui ce que je dirais de n'importe qui d'autre dans la même situation. Oui, il faut s'opposer à lui, parce que nous sommes en démocratie, que la vie politique est équilibrée que s'il existe une opposition vivante, combative et compétente. Mais pas comme ça, pas sur des histoires trop faciles de fric. Désormais, Xavier Bertrand n'a plus qu'une seule opposition républicaine face à lui : celle de la gauche au sein du conseil d'agglomération. L'agglo, c'est un échelon, un territoire important, qui le sera de plus en plus dans les prochaines années. C'est à ce niveau que l'opposition doit fourbir ses armes, faire des critiques, exercer son contrôle et surtout avancer des propositions. C'est de cette manière que la politique prend du relief ; pas dans des polémiques au ras du portefeuille. Que l'opposition actuelle en prenne de la graine (mais pas du blé !).

22 commentaires:

Philippe a dit…

Il me semble que l'on ne peut pas dissocier argent et pouvoir.
C'est d'ailleurs à cause de ce second aspect qu'il y a plus d'hommes que de femmes en politique.
Dans l'organisation oligarchique des républiques représentatives l'argent est associée au pouvoir.
Outre l'argent la fonction donne le pouvoir d'intervenir en faveur de untel ou untel, pour alimenter (dans tous les sens du terme) les clients grands, moyens ou minuscules.
Cette clientèle doit être « cultivée » car elle permettra de prochaines réélections et donc de continuer à distribuer « du pain et des jeux » et donc à faire perdurer le système pour l'oligarchie que l'on sert.
Ce n'est quand même pas un hasard si l'on parle de « fief » de tel ou tel politique.

Erwan Blesbois a dit…

Pourquoi une telle complaisance pour les politiques, et aussi faible estime pour les enseignants dont tu fais partie, qui eux gagnent si peu ? Pourquoi une telle complaisance pour le monsieur au gros bâton qui promet, si il revient aux affaires, qu'il appliquera les trois jours de carence pour les enseignants ? Le monsieur qui ne s'acclimate pas à la vie locale, et préfère mettre ses enfants dans un établissement privé des beaux quartiers. Tout dans le comportement de votre président de région suinte une mauvaise odeur, y compris son comportement en interview, face à un journaliste local, qu'il a écrasé de sa morgue et de son mépris ; Xavier Bertrand est infréquentable ! Pour en revenir à toi, masochisme d'un enseignant qui n'a jamais réellement réussi à parvenir aux affaires, mais dont le seul jouet qui le passionne vraiment est l'État ?
J'ai une histoire familiale difficile, mais je ne veux blesser ni offenser personne. Tout ce que je recherche avec les gens ce sont des rapports plus cordiaux et plus amicaux, si c'est possible ; mais notre société, noire, pour les raisons que j'ai évoqué dans mes divers articles, ne permet plus, ou de moins en moins ces rapports cordiaux et sympathiques. Je ne mets aucun dogme avant l'épanouissement d'un être humain quel qu'il soit, et je pense que nous vivons une époque troublée, qui déboussole, et je ne jette l'anathème ou l’opprobre sur personne, si ce n'est les puissants.

Emmanuel Mousset a dit…

Mon pauvre Erwan, ton problème, c'est toi-même. Tu psychologises (désolé pour le néologisme) tout, et surtout la politique. Ta seule excuse, c'est que tu n'es pas le seul, c'est même que vous êtes aujourd'hui majoritaires. C'est la génération bobo, pas au sens des bourgeois bohèmes, mais des petits maux d'enfant. Vous ne savez pas ce que sont la vie, l'histoire, la politique, le monde des adultes. Vous découvrez la Lune : revenez sur Terre !

B a dit…

Pour une fois, j'abonderai aux propos mesurés de M Blesbois (que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam donc sans complaisance parce que quand on connaît physiquement quelqu'un, soit il nous plaît, soit il nous déplaît, mais véritablement, extrêmement rarement, on reste véritablement indifférent - ou alors avec la personne en question on n'a rien échangé du tout). Il rappelle fort à propos comment peut se comporter notre président de région avec des gens qu'il veut "casser". Je n'irai pas jusqu'à "infréquentable" qualifiant à réserver aux extrémistes de droite, mais je le pense "incredible" comme on dit par ailleurs. Son crédit est terminé. Il est à combattre. Malheureusement, par la grâce de M de Saintignon, personne à gauche pour le contredire au niveau régional. Il s'agit d'un nouveau roitelet au salaire équivalent. Si la personnalité du président d'une région était importante pour que ladite région se développe, ça se saurait. C'est la majorité qui gère la région qui compte. Alors, payons les tous tant qu'on y est...

Emmanuel Mousset a dit…

Attendez quand même un peu avant de juger. Il est arrivé il n'y a pas si longtemps à la tête de la région.

Erwan Blesbois a dit…

ça je sais bien que mon problème c'est moi-même, et la société est encore assez ouverte et tolérante pour laisser quelqu'un comme moi en liberté, et ne pas m'interner d'office dans un hôpital psychiatrique, et de me fournir un travail, et de me nourrir, ma famille et moi, c'est déjà un miracle en soi, et j'en suis reconnaissant à la société, tout n'est pas si noir que je l'"exagère" - mais si peu au fond - souvent dans mes écrits. Mais je sais aussi que je marche sur le fil du rasoir, et que tout cela peut avoir une fin du jour au lendemain. Et je sais que je n'ai jamais pu compter sur des hommes puissants, pour me soutenir ou m'aider - et que ce ne sera jamais le cas -, mais le plus souvent sur des femmes compatissantes et ouvertes d'esprit. Que veux-tu que je te dise, c'est mon histoire et mon caractère, qui ont des similitudes avec ceux de Jean-Jacques Rousseau, que tu admires tant. Alors ne crache pas dans la soupe.

Emmanuel Mousset a dit…

Non, je n'ai jamais admiré Rousseau, dont je n'aime pas les plaintes, le ressentiment, la misanthropie, le sentimentalisme. Mais grand écrivain et grand philosophe, bien sûr. Je préfère d'ailleurs l'écrivain au philosophe.

Erwan Blesbois a dit…

Malheureusement pour moi je reconnais avoir tous les défauts de Rousseau, que tu as énuméré. Mais sans avoir ni son œuvre d'écrivain, ni de philosophe ; je me demande comment tu fais pour me supporter encore. Je suis effectivement constamment dans la plainte, le ressentiment, la misanthropie, le sentimentalisme, ce sont les quatre qualités qui me définissent le mieux. Et ne vient pas me citer Nietzsche qui n'a cessé de casser du sucre sur le dos de Rousseau, mais qui au fond était bien plus cinglé que ce dernier. L'idéal de grandeur a quelque chose de sain chez Napoléon par exemple, parce que cela correspondait à son caractère : mais chez Nietzsche c'est une vaste rigolade, ce pauvre hère - à l'œuvre immense -, mais dans la réalité, totalement castré par sa mère et sa sœur, incapable de construire la moindre idylle avec une femme, malgré son désir pour Lou Andréas-Salomé. De toute façon c'est tellement facile de casser du sucre sur le dos des philosophes ou des écrivains, dont le vie privée n'avait aucun rapport avec la grandeur de leur œuvre.

Emmanuel Mousset a dit…

Je te supporte parce que je suis patient, distant et que je connais pire que toi.

Nietzsche est mon philosophe préféré. Je te laisse avec ton explication psychologique, qui ne m'intéresse pas. De toute façon, nous sommes tous castrés de et par quelque chose ou quelqu'un. Ca n'empêche pas de vivre, ça permet même de créer.

Erwan Blesbois a dit…

Pire que moi, non c'est impossible, tu dis cela pour flatter mon ego. Je sais bien que je suis ce que Nietzsche appelait le "dernier homme". Allons plus loin je suis certainement le dernier des hommes. Mais cela peut aussi s'entendre différemment, je suis le dernier des hommes dans un monde qui n'est plus humain, qui est peuplé de clones et de robots sans empathie (cf Philip K.Dick). Heureusement pour l'estime de moi-même je suis beaucoup plus attaché à cette interprétation, et cela me rend un peu vaniteux et finalement inhumain pour le commun des mortels, car je suis trop empathique avec les gens de rien. Au contraire de toi qui n'a d'admiration que pour les puissants.

Anonyme a dit…

Ce qui est curieux c'est que 4000€ : 200€ = 20 vices présidents. C'est ça qui est fou non ?

Emmanuel Mousset a dit…



1- Erwan, par définition, l'admiration consiste à lever les yeux vers qui est plus élevé que soi. Je regrette que l'admiration se perde. Les gens ne savent aujourd'hui que se comparer et se jalouser. Attention : toute puissance n'est pas admirable. Certaines sont détestables. Mais la faiblesse est toujours méprisable, surtout celle qu'on porte en soi.

2- J'ai toujours pensé que les chiffres étaient pires qu'une folie : une magie.

M a dit…

"J'ai toujours pensé que les chiffres étaient pires qu'une folie : une magie..."
Une folie, n'aurait-ce pas été suffisant ?
Pascal, Gallois, Perelman, Grothendieck, Dieudonné, Schwartz, Riemann, et pourquoi le "crétois" Bourbaki tant qu'on y est...
Ne voilà t-il pas assez d'exemplaires incarnations d'une folie certaine si comparée au reste des humains non catalogués au rang des mathématiciens ?
Pas besoin de passer à la magie...
Parce que même si vous avez écrit magie en pensant sagesse, ça ne colle pas : Pascal, Gallois, Perelman, Grothendieck, Dieudonné, Schwartz, Riemann et tutti quanti n'avaient rien de sage : ils étaient perdus dans la mathématique, éperdus de mathématique.

Philippe a dit…


Mais ... Deleuze a retourné l'argument en démontrant que l'on peut transformer une faiblesse en une puissance.
Un handicap physique ou psychologique, faiblesse apparente, peut être utilisée dans notre environnement social ou familial comme une puissance pour influencer ou manipuler etc.

Erwan Blesbois a dit…

La puissance de Xavier Bertrand en l’occurrence est détestable, c'est pour moi le pire des hommes de droite, mais peut-être parce que tu me le fais connaître au travers de ton blog. Quant à moi, je "marche" à l'admiration, alors je n'ai pas de leçons à recevoir de toi en ce domaine, je déteste le jeu de miroir avec autrui et la rivalité mimétique ; je n'évolue que parce que j'admire, et je peux même t'admirer parfois. Ta grande culture, ta ténacité, ton intelligence, ta réussite finalement, oui tout cela est admirable et rare aujourd'hui chez nos contemporains. Ton caractère t'a donné l'extrême privilège d'être un élu du destin, et plus rien ne pourra jamais briser cela désormais, même si tu ne parviens pas à concrétiser toutes tes ambitions, ce qui serait finalement dommage, y compris - allons-y gaiement, soyons généreux - pour le destin du pays. La France a besoin d'incorruptibles comme toi. Sinon pour ce qui est de la psychologie, Nietzsche que tu admires tant, ne se définissait-il pas lui même comme un grand psychologue, c'est à sa définition de la psychologie que je me rattache, et non à la vulgate psychologisante contemporaine. Je jauge Xavier Bertrand, et je constate qu'il en suinte de "mauvaises odeurs", pour reprendre une terminologie chère à Nietzsche.

Erwan Blesbois a dit…

Je sais que tu es toi-même "surveillé" et qu'il y a certains commentaires, concernant certains hommes politiques, dont tu es assez proche finalement, que tu ne peux pas publier. Nous sommes tous "surveillés" et nous le serons de plus en plus dans l'avenir.

Anonyme a dit…

En clair : on ne peut pas avoir une page dans StQ Mag et dire quoique soit de vraiment critique vis à vis de XB.

Emmanuel Mousset a dit…

XB est pour moi un adversaire politique, dont je combats les idées. Mais ça ne m'autorise pas à la critique systématique, stupide et injuste. C'est même un devoir, à mes yeux, de pratiquer une opposition avisée, intelligente et constructive. Et tout ça n'a rien à voir avec "St-Quentin Mag", où je tiens librement une rubrique amusante.

Anonyme a dit…

Amusante, amusante....c'est vous qui le dites.

Emmanuel Mousset a dit…

Oui, et ça me suffit amplement.

C a dit…

(ça ne m'autorise pas à la critique systématique) ?
Si, justement !
Critiquer c'est distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux, ce qui est juste de ce qui ne l'est pas, ce qui sincère de ce qui est mensonger, ce qui informatif de ce qui est publicitaire ou communicatif...
Si on se permet de critiquer, il faut le faire de façon systématique.
N'exercer le droit de critique qu'au moment où ce que l'on critique ne contient que du vrai, du juste, du sincère ou de l'informatif et ne plus critiquer lorsqu'on s'aperçoit que l'objet de la critique relève du faux, de l'injuste, du mensonge, du publicitaire ou de la communication, ce serait être hypocrite et tromper sciemment tout simplement.

Philippe a dit…

E.M. nous sommes dans une sous-préfecture dont l'employeur le plus notable est l'hôpital ...
Pour les rares qui connaissent l'atmosphère y est très à celle du livre "Ces dames aux chapeaux verts"
référence :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Germaine_Acremant
Ceux qui y brillent ne sont jamais que des borgnes au royaume des aveugles.
Encore que chez nombre de nos borgnes avec l'âge la vue baisse ...