vendredi 14 octobre 2016

Alors, ce débat ?



Le premier débat des primaires de la droite a fait honneur à notre classe politique. Les interventions étaient de qualité. On est quand même très loin de ce qui se passe en ce moment aux Etats-Unis ! L'émission était d'une bonne réalisation : vaste studio, bleu agréable et surtout excellent travail des journalistes, dont la tâche pourtant n'était pas facile. Ils ont permis la fluidité des questions, relançant quand il le fallait, n'entrant jamais ni dans la connivence, ni dans la provocation. Distance, humilité, sérieux, des pros, quoi ! De l'anti-Salamé, et c'est heureux. Quand Bruno Le Maire a voulu impressionner l'un d'entre eux par un "vous plaisantez ?" celui-ci a sobrement répondu : "Je vous en prie, répondez." Bien joué.

Y a-t-il un gagnant ? Pour moi, c'est Fillon, mais je ne suis pas sûr que les électeurs suivront, car le meilleur, en politique, n'est pas forcément le gagnant. Je trouve qu'il a l'étoffe, qu'il s'est révélé. Juppé a déçu, sans doute parce qu'il est le favori, qu'on attend donc beaucoup de lui et qu'il n'a donné que lui-même. Le hasard l'a fait conclure en dernier, il y a vu "un signe du destin". Allez savoir ! Sarkozy a été assez bien dans la deuxième moitié. Au départ, le visage était figé, le sourire absent, le corps au contraire s'agitait, comme pour dire ce qu'il ne pouvait pas dire : lui, ancien président qui veut le redevenir, n'a pas sa place ici, à égalité avec ses anciens ministres. Pourtant, le tirage au sort l'avait mis au beau milieu, à la place de majesté : un signe du destin, là aussi ?

Copé a été le plus à l'aise, décontracté, percutant, à l'image de son slogan, la droite "décomplexée". Mais on voit trop qu'il est très malin, il faudrait qu'il le cache un peu. Le Maire, lui aussi, a un côté "too much", mais dans le genre élève appliqué qui récite sa leçon. Ce type n'est chargé d'aucune émotion, c'est une sorte de cyborg de la politique, aux yeux bleus métallisés, à la voix de robot. Il ferait presque peur. Comme Tsipras en Grèce, Le Maire a choisi, seul, de tomber la cravate, suivi chez nous par Xavier Bertrand et Julien Dive. Une mode ou une complicité ? Celle aussi qui m'a fait un peu peur, c'est NKM, lèvres et robe rouge sang, pour se faire remarquer, maquillage trop appuyé, qui fait ressortir un regard trop accentué, trop vif. Il y a de la gothique chez cette bourgeoise. Quant au contenu, c'est la seule qui ne m'a pas semblé au niveau. Même Jean-François Poisson s'en sortait mieux.

L'avantage de ce débat, quand on est de gauche, c'est qu'on comprend mieux pourquoi on n'est pas de droite. Celui qui osera me dire qu'il n'y a pas de différence entre les deux aura affaire à moi ! Sur les questions sociales et sécuritaires, il n'y a pas photo. Même un social-libéral comme Emmanuel Macron tranche. Les candidats rivalisaient entre eux de propositions droitières, qui font qu'il n'y a plus de confusion possible. Mais on constate aussi que la ligne jaune de la xénophobie n'est jamais franchie : on peut dire tout le mal qu'on veut de la droite, ce n'est pas l'extrême droite !

La séquence terrible a été judiciaire : Juppé, Sarkozy, Copé ont eu affaire aux tribunaux. Chacun s'en est d'ailleurs très bien tiré dans son explication. Mais l'image à l'écran est tout de même désastreuse. Il reste une consolation : en démocratie, les plus grands n'échappent pas à la justice, contrairement à ce que croit une bonne partie de l'opinion. J'attends avec impatience le deuxième débat : plus j'écoute la droite, plus je me sens de gauche, et c'est rassurant.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Si vous avez besoin d'un débat entre gens de droite pour savoir en quoi vous êtes de gauche c'est que vous êtes bien mal assuré quant à vos convictions politiques. Moi, je n'ai pas eu besoin de ce débat pour cela et c'est pour cela que je ne l"ai point vu. C'est bien pourquoi vous n'avez besoin que de lire des livres qui vous rassurent quant à vos fondamentaux. Entre tous les débatteurs c'est toujours la même sauce ultralibérale servie seulement avec de petites variantes entre amis.
Le pire d'entre eux étant François Fillon passé en 20 ans d'un séguinisme à un thatchérisme échevelé que même les conservateurs britanniques sous l'égide de Theresa May désavouent. La seule nouveauté est l'apparition, mais pour combien de temps, d'un Jean-Frédéric Poisson qui était un quasi inconnu avant cette émission.
Si l'on écoutait certains intervenants sans savoir qui parle on pourrait de demander quelle est la différence d'avec votre mentor Macron, un libéral "de gauche" ressemblant à s'y méprendre à un libéral " de droite" genre NKM ou Bruno Le Maire.
Je constate que vous reconnaissez,enfin! qu'entre la droite et l'extrême-droite il y a des fractures idéologiques qui ne les rendent guère fréquentables l'un à l'autre. Vous allez pouvoir voter Juppé en toute bonne conscience "de gauche" au second tour l'an prochain.

Le futur a dit…

Jean-Frédéric Poisson, pas Jean-François ! :-)

Sinon, peu d'idées intéressantes chez ces candidats, on ressort la rengaine anti-pauvre, anti-fonctionnaire, anti-immigration, etc. On tape sur les uns pour que d'autres soient contents, on divise le peuple, on cherche à désunir.

Selon moi, la ligne jaune xénophobe a été franchie par certains de ces candidats (pas pendant le débat, certes) mais ceci dit, le FN et Le pen ont déjà depuis des décennies franchi la rouge...

Philippe a dit…

" en démocratie, les plus grands n'échappent pas à la justice, contrairement à ce que croit une bonne partie de l'opinion. "
Un peu rapide ...
Les puissants disposent de conseils juridiques, en général payés par des tiers ou par les contribuables, qui leur permettent de faire traîner les procès.
Peu de citoyens dits de la classe populaire et des classes moyennes (ce qu’il en reste) ont cette possibilité.
Plus il y a de rebondissements dans une affaire judiciaire, et de procès incidents (contestation survenue entre les parties , pendant la poursuite de la cause ... j'aime ce jargon), plus les vices de forme se multiplient, la machine se nourrit d’elle-même.
C'est parti pour 10, 15 ans et plus ............