dimanche 29 octobre 2017

Macron a-t-il une âme ?



Les Byzantins, assiégés par les Ottomans dans Constantinople, discutaient du sexe des anges. En Europe, les théologiens se demandaient si la femme avait une âme. Laurent Wauquiez, candidat à la présidence des Républicains, s'inscrit dans ce type de débat, très métaphysique. Dans le JDD d'aujourd'hui, il s'interroge sur "le désert de l'âme" du président de la République. Réponse catégorique : "C'est un vide". Bref, Emmanuel Macron n'a pas d'âme. La nouvelle est de taille et les répercussions politiques immenses.

Les animaux aussi n'ont pas d'âme (autre débat philosophique, très prisé au XVIIème siècle). Pourtant, ils existent et vivent. Sans âme non plus, Macron a une réalité, que Wauquiez analyse, en décrivant le chef de l'Etat en "enfant capricieux et adulte arrogant" (on s'y attendait : le coup de l'arrogance, comme d'autres font le coup de la panne ou le coup du lapin). Emmanuel Macron n'a qu'"un seul projet : lui-même". "Il s'aime". Mais difficile de s'aimer quand on n'a pas d'âme ... Et Wauquiez, quel est son projet, à part faire le portrait de Macron ? Et lui, ne s'aime-t-il donc pas ?

Dépourvu d'âme, Macron vu par Wauquiez est plein de haine (comme quoi l'amour de soi ne suffit pas). Et tenez-vous bien, pas n'importe quelle haine (celle de l'adversaire, par exemple) : non, "une haine de la province". On se demande où Wauquiez va chercher ça. Mais on voit bien son objectif, qui est celui d'une partie de la droite : soulever les ruraux contre les urbains, défendre la campagne contre la ville, soutenir la "périphérie" et les "territoires", comme on dit aujourd'hui, contre les grandes métropoles. Là, Wauquiez n'est pas si bête : il réactive toute une tradition conservatrice qui fait plus confiance au terroir qu'à la cité.

Et pour enfoncer le clou, Wauquiez lance contre Macron la plus grave accusation, l'injure suprême : parisien ! Salaud de parisien ! "Le plus parisien de tous les présidents", dans le texte. Comme on dit dans mon Berry : "Parigot tête de veau, parisien tête de chien !" Croit-il qu'il va se faire élire avec ça, dans les années qui viennent, le Wauquiez ? Dire que Paris nous est envié dans le monde entier, que la vie parisienne, intellectuelle et artistique, fait l'honneur et la renommée de notre pays ! Pour Wauquiez, non : parisien c'est pas bien, et provincial c'est génial, je suppose. Aurait-il oublié que Macron vient d'une famille picarde, qu'il est né et a vécu à Amiens ? Bon, tout ça ne répond pas à la première question : Macron a-t-il une âme ? Il va falloir tout de même vérifier.

jeudi 26 octobre 2017

Février en Octobre


Depuis quelques semaines, les ouvrages, magazines et documentaires sur le centenaire de la Révolution russe sont nombreux. S'il le faut, j'en conseille un seul : le hors-série de L'Humanité, très complet et très intéressant, puisqu'il nous conduit à cette question : que pense ce qui reste du communisme français de ce qui reste de la révolution d'Octobre ? Car c'est l'ambulance qui regarde passer le corbillard de l'Histoire.

Dans cet événement plein de propagande c'est-à-dire de mensonge ou d'oubli (mais c'est la même chose), l'erreur majeure est de croire que la Révolution, moment le plus formidable du XXème siècle après l'homme sur la Lune, ait eu lieue en octobre 1917. Non, c'est en février que tout a commencé et c'est en octobre que tout s'est terminé. Au début de cette incroyable année, le régime tsariste s'effondre presque sans résistance, alors que son chef exerçait le plus absolu des pouvoirs sur terre à cette époque. C'est un incompréhensible mystère : la défaite d'une autocratie séculaire en quelques jours seulement.

Double mystère : la Russie est archaïque, paysanne, orthodoxe. Elle n'a pas connu son siècle des Lumières et se montre pourtant plus révolutionnaire que l'industrielle Angleterre ou la républicaine France. En Février et pendant plusieurs mois, le plus vaste pays du monde va connaitre un happening permanent, un mai 1968 avant l'heure et sans Paris. Des comités populaires se créent partout, jusque dans l'armée. Le gouvernement est constitué de socialistes et de libéraux : la démocratie parlementaire se met en place. Lénine est inconnu, Kerenski est follement populaire. Mais il y a la guerre et il faut prendre des mesures d'autorité. C'est là que les choses se gâtent.

Lénine revient d'exil, il ne jure que par la paix, ce qui fait les affaires de l'Allemagne ennemie. C'est un violent, un fanatique, un bolchévik, c'est-à-dire un minoritaire. Il s'en moque autant qu'il se moque du parlementarisme. En bon communiste, il ne croit qu'en ce que je déteste : les rapports de force. Octobre n'est une révolution que pour ceux qui aiment les légendes. La vérité historique, c'est que c'est un coup d'Etat, où les militants et les militaires (qui souvent se ressemblent) s'emparent du pouvoir, sans le peuple et contre l'assemblée légitimement élue. Trotski aide beaucoup : avec lui, le communisme se militarise et ne cessera pas de l'être tout au long du siècle. N'oublions pas la troisième personne de cette trinité pas sainte du tout : Staline, qui attend son heure. Les trois sont distincts mais inséparables, comme le Père, le Fils et le Saint Esprit dans le christianisme. Permettez-moi donc de fêter, en ce mois d'octobre, la vraie révolution russe, qui a eu lieue en février.

mercredi 25 octobre 2017

Marcheurs de la première heure



Laurence Biava est chroniqueuse sur le web, agent littéraire et collaboratrice parlementaire. C'est une Marcheuse de la première heure. Il y a environ un an, ayant remarqué mon blog, elle me propose de participer à un ouvrage collaboratif, racontant l'histoire de notre mouvement autour de cette question : "Pourquoi cette passion, cet emballement collectif qui a jailli d'un coup ? Ses causes ? Ses aspects ?". Je dis bien sûr oui sans hésiter. Parmi une quarantaine de Marcheurs, j'ai donc livré mes réflexions dans deux chapitres : "Adieu François" et "On va gagner".

Le livre est terminé, il va sortir dans quelques jours, à la fin de ce mois. Il s'intitule : "En Marche ! Une histoire française". Je vous recommande évidemment son achat et sa lecture. Il est publié aux éditions Ovadia, au prix de 20 euros (18 pour les adhérents de La République en Marche) et fait 229 pages. Les droits d'auteur seront reversés à LREM. Si l'ouvrage n'est pas présent chez votre libraire habituel, vous pouvez le commander auprès du distributeur : distribution@paradigmeconseil.com. J'oubliais : macroniens non fervents s'abstenir ...

mardi 24 octobre 2017

La culture de l'exclusion



Ce soir, les Républicains vont probablement exclure de leur parti ses membres qui ont rejoint le gouvernement, dont le plus illustre d'entre eux, le Premier ministre. Ce sera une erreur politique et une stupidité sans nom. D'abord, pourquoi avoir fait traîner cette affaire pendant six mois ? Si des têtes devaient tomber, c'était dès le début, sans attendre. La droite s'est laissée prendre dans un mauvais feuilleton qui ne peut que desservir son image. D'autant que les exclus deviendront des victimes, ce qui est bien porté par les temps qui courent.

La culture de l'exclusion est un vieux réflexe propre à tous les appareils politiques. Au Parti socialiste, j'ai failli par deux fois en faire les frais, ne menaçant pourtant personne, ne recherchant aucun pouvoir, ne rejoignant pas l'adversaire mais ouvrant simplement ma bouche. Un appareil n'existe que par ses statuts, appliqués dans leur formalisme le plus strict ; le reste, c'est du creux, même l'idéologie, malléable selon les circonstances. Pour cultiver l'entre soi, resserrer les rangs, se donner un semblant d'unité, exercer sa bien faible autorité, l'appareil utilise ce moyen, l'exclusion, qui n'est plus aujourd'hui supportée, dans une société d'individualisme et de liberté. Exclure, pour un parti politique, c'est procéder à un rituel d'exorcisme, pratiquer un sacrifice consolateur, sinon vengeur : rien de plus.

Qu'on ne me dise pas que l'exclusion force un individu à se mettre en conformité avec ses convictions ! Edouard Philippe et ses camarades n'ont jamais cessé d'être des hommes de droite, accueillis et respectés comme tels par Emmanuel Macron au sein du gouvernement. Ils n'ont aucunement renoncé à leur sensibilité politique. Le président de la République avait annoncé la couleur lors de sa campagne originale : ET de gauche, ET de droite. Il n'y a donc pas de contradiction à ce que des socialistes, des centristes et des libéraux le rejoignent.

C'est vraiment bête : si les Républicains n'en avaient pas parlé, n'avaient pas entamé ce faux procès, personne n'y aurait songé. Qu'est-ce que ça peut faire aux Français que Philippe ou Darmanin aient ou pas leur carte chez les Républicains ? En quoi cela peut-il déranger cette formation politique, qui aurait mieux fait de l'ignorer que de se faire ainsi une mauvaise publicité ? Exclus ou pas, ça ne changera rien sur le fond. Ce choix de l'exclusion, si elle est ce soir confirmée, sera un signe supplémentaire du déclin des appareils politiques, qui ne sont plus en phase avec la société. La discipline bête et méchante ne leur sert plus à rien.

lundi 23 octobre 2017

Macron 1968



L'annonce d'Emmanuel Macron de célébrer l'an prochain le cinquantenaire de mai 1968 en a surpris plus d'un. C'est la première fois qu'un chef de l'Etat souhaite commémorer cette révolte ... contre l'Etat et la société d'alors ! En 1978, l'événement était encore trop récent et Giscard au pouvoir. En 1988, Mitterrand vient juste d'être réélu et sa personnalité s'accorde mieux avec un autre anniversaire qu'il prépare assidûment : le bicentenaire de la Révolution française, l'année suivante. En 1998, l'ex-trotskyste Lionel Jospin aurait pu être sensible à une commémoration ; mais nous sommes en période de cohabitation et le chef de l'Etat, Jacques Chirac, n'est guère, lui, soixante-huitard. En 2008, le président Sarkozy est celui qui a le plus vertement dénoncé mai 68 durant sa campagne électorale : impossible pour lui de renouer avec cette histoire.

Mais Emmanuel Macron est-il mieux disposé, plus en phase avec le soulèvement étudiant et ses suites politiques ? En apparence, non. Ses premières mesures politiques, son programme de campagne ne sont pas directement influencés par l'idéologie de mai. On pourrait même craindre le contresens, l'anachronisme. Je crois qu'il n'en est rien. Qui aujourd'hui peut se présenter l'héritier de mai 68 ? A mon avis, personne. Vous voyez Mélenchon sur les barricades ? Pourtant, si la lettre de l'événement n'est pas chez Macron (ni chez nul autre), je perçois l'esprit de mai en lui : il fait revivre, certes à sa façon, plusieurs thèmes soixante-huitards.

D'abord, l'exaltation de la jeunesse, l'opposition d'un monde nouveau contre le "vieux monde" des appareils politiques, des notables et des rentiers. Ensuite, Macron défend la liberté sous toutes ses formes : c'est pour lui la vertu cardinale. Enfin, l'ouverture au monde est sa préoccupation majeure, et son éloge de la mobilité fait penser à ces road movies ou road stories qui enchantaient les années 60 et 70. Macron, par sa vie, est un personnage iconoclaste, qui brise le moule social dans lequel il est né. Si on peut l'opposer à mai 68 sur certains points, on peut l'y rattacher par ceux-là.

Soyons plus précis, comme on dit aujourd'hui : mai 68 n'a pas été forcément ce qu'on croit ou ce qu'on a retenu. Ce mouvement était férocement anti-étatiste, antitotalitaire, anticommuniste. Il a donné naissance à de multiples courants, répugnant à tout monolithisme. La sensibilité "libéral-libertaire" est l'un d'eux, et c'est par elle qu'Emmanuel Macron se rattache à l'événement. Aucun autre de ses prédécesseurs n'a une aussi forte proximité avec mai 68, de quelque nature qu'elle soit. Il n'est donc pas surprenant que sa figure la plus emblématique, Daniel Cohn-Bendit, ait très rapidement soutenu le jeune leader d'En Marche ! Avec lui plus qu'avec aucun autre, l'imagination était au pouvoir. Alors oui, l'an prochain, tous ensemble, comme je l'avais fait il y a dix ans à Saint-Quentin et à Guise, nous fêterons mai 68, la richesse et la complexité de l'événement, y compris en interrogeant sa part sombre et ses adversaires résolus. Ne disait-on pas à l'époque : il est interdit d'interdire ?

dimanche 22 octobre 2017

Macron réélu président !



Le sondage paru aujourd'hui dans le JDD est apparemment stupéfiant : six mois après son élection, Emmanuel Macron serait aujourd'hui réélu, en améliorant nettement son résultat (+4 points). Le Pen ne bouge pas, Mélenchon baisse un peu, Hamon augmente un peu et Fillon recule de 5 points. A lire de nombreux sondages, à entendre de multiples commentateurs, le président ne devrait que baisser dans l'opinion : c'est tout le contraire !

Pourtant, rien de très étonnant : un sondage porte souvent sur un point particulier. Quand on vote, c'est sur une politique globale. On peut très bien désapprouver Macron sur telle mesure et adhérer à sa politique globale. Surtout, voter, c'est comparer et choisir. On peut critiquer Macron et pourtant le soutenir lorsqu'il est confronté à d'autres candidatures. Quoi qu'il en soit, ce sondage est rassurant et encourageant pour tous les macroniens : la base électorale du président de la République ne s'érode pas mais se renforce. La direction prise est donc la bonne. La contestation sociale ne mobilise pas et l'opposition manque de crédibilité : voilà qui est confirmé.

Bien sûr, tout sondage est relatif, éphémère et insuffisant. Qui pourrait aujourd'hui revoter pour Fillon, quand on sait maintenant son désastre électoral ? Mais la grande leçon, c'est que Macron élargit son audience à droite, Les Républicains n'ayant pour l'instant ni leader, ni projet. La grande leçon aussi, c'est que Macron ne perd pas à gauche : la radicalité de Mélenchon a atteint ses limites, même si elle demeure importante ; le PS ne se relève pas de son terrible échec.

Ce sondage prend aussi toute sa valeur lorsqu'on le compare à son équivalent, il y a cinq ans : après six mois, Hollande subissait une première importante baisse de popularité, jusqu'à voir Sarkozy l'emporter contre lui. On constate l'immense différence avec Macron. De quoi être satisfait, mais pas crier victoire : ce que je remarque le plus autour de moi, c'est que les gens, s'ils gardent leur confiance et leur espoir dans le président, sont en attente de résultats. C'est dans un an ou deux, quand on entrera dans le mi-mandat, que l'opinion se forgera une idée plus solide. Mais par les temps qui courent, un chef de l'Etat qui n'est pas impopulaire au bout de six mois alors qu'il a lancé plusieurs réformes et mesures controversées, il y a de quoi s'en réjouir.

samedi 21 octobre 2017

On ne se refait pas



Contrairement à beaucoup de Français (ce dont je ne me plaindrais pas), j'ai suivi jeudi soir l'émission consacrée à Marine Le Pen. "Oral de rattrapage", ont répété à l'envie les commentateurs, qui abusent souvent de métaphores. Je préfère l'écriture directe. Le Pen n'a rien "rattrapé" du tout. Elle a sans doute voulu effacer son débat raté des présidentielles. Mais si on peut corriger une erreur politique, on peut difficilement effacer une incompétence et un tempérament.

Elle a tenté, dans les apparences : les lunettes adoucissent le visage, le rire qui fait tant penser au père et fait si peu sérieux ne revient que rarement, quand elle s'oublie ; la couleur bleue est classique, là où les femmes politiques mettent généralement du rouge ou du blanc pour se faire remarquer. Sa parole est moins virulente. Bref, le côté facho s'estompe. Mais quand on voit derrière elle sa bande, Collard, Alliot et les autres, on se dit que la bête n'est pas morte.

Et puis, cette modération n'est pas qu'une tactique : c'est le signe d'une hésitation. Marine Le Pen avait l'air paumé, incertaine. Elle a gommé l'arrogance, pas son ignorance des dossiers. Face à Darmanin, très gentil petit garçon mais débatteur redoutable, c'était flagrant. Tout le monde a retenu, avec raison, son inconséquence sur l'Europe, où elle n'a pas changé depuis son naufrage devant Macron. Elle fait dépendre la sortie de l'Euro de multiples conditions, elle fait de la politique avec des "si", c'est-à-dire qu'elle ne fait pas de politique, car pour cela, il faut des convictions fermes (Philippot, sur ce point, est clair ; pas étonnant qu'il soit parti du FN ...). En tant que fervent européen, je m'en réjouis : les anti-européens sont si peu sûrs d'eux-mêmes qu'ils n'osent pas annoncer la couleur, ne vont pas jusqu'au bout de leur logique.

L'ISF, Le Pen est contre sa réforme, parce qu'elle taxe la richesse immobilière, pas le capital. Elle pense que si Macron supprime la taxe d'habitation, c'est qu'il veut transformer les Français en locataires nomades. Elle s'en prend à une "fiscalité du déracinement". Pour elle, les "racines", c'est l'investissement dans la pierre. Le capital est forcément mauvais, égoïste, cosmopolite. Elle fait plus confiance à la propriété qu'à l'entreprise. Le Pen se prétend pragmatique et elle nous sort tout un discours idéologique dans lequel on reconnaît facilement les caractéristiques de toujours de l'extrême droite. Sans compter l'aspect mensonger et délirant, puisque Macron n'a pas l'intention de s'en prendre à la propriété, ni de développer les locations ! Il veut simplement que la charge locative soit moins lourde et que le capital s'oriente vers la création d'emplois. Marine Le Pen a essayé jeudi soir de se refaire, mais on ne se refait pas. Et ce n'est pas moi qui lui reprocherai d'être fidèle à elle-même.

mardi 17 octobre 2017

La fin ne justifie pas les moyens



Le viol est un crime. La violence sexuelle est la pire des violences, parce qu'elle touche à l'intimité. Les injures ou propos à caractère sexiste doivent être lourdement réprimés. Notre société, sur ce sujet, a fait d'immenses progrès, quand on compare aujourd'hui à autrefois. D'immenses progrès restent à faire, parce que les mentalités ne changent pas si facilement. En matière de solution, il fait faire confiance en la justice : l'arsenal judiciaire est compétent et efficace. Mais là encore, il ne peut pas, à lui seul, changer la nature humaine.

Faut-il une loi supplémentaire ? C'est possible : aux parlementaires et aux experts d'en discuter. L'école doit jouer aussi son rôle dans la lutte contre les préjugés. Sans oublier l'éducation familiale, qui est décisive. De nombreuses associations travaillent à informer, défendre et aider les femmes, je pense en particulier au CIDFF : tournons-nous vers elles. L'Etat doit certainement mettre des moyens supplémentaires, matériels, financiers et humains pour cette juste cause.

Après ces rappels nécessaires, il faut déplorer le tapage médiatique qui secoue notre société depuis quelques jours et qui ne contribue en rien, sauf dans les apparences, à la cause des femmes. Le site "Toi aussi, balance ton porc" est une opération déplorable, dont je m'étonne qu'aucune autorité de notre pays ne songe à la condamner ou à l'interrompre. Les principes du droit sont bafoués (la présomption d'innocence), les détails salaces vont dans le sens du voyeurisme, la dénonciation publique contrevient à la règle élémentaire d'une société civilisée, des faits sans rapport et sans vérification sont allégrement mélangés.

Vous me direz peut-être qu'il est légitime de répondre à la violence (physique) par la violence (verbale), qu'une violation de la loi en justifie une autre, que la vulgarité mérite la vulgarité ? Eh bien non : on ne lutte pas contre des actes criminels et des comportements odieux par des initiatives légalement et moralement contestables. J'ajoute que la nature humaine et les rapports entre hommes et femmes sont un sujet complexe, où il est difficile parfois d'y voir très clair. Il s'y mêle la pulsion, la séduction et souvent l'argent, au nom de quoi on est prêt à faire n'importe quoi. Veillons donc à ne pas tomber dans les clichés faciles, au risque de graves injustices : il n'y a pas d'un côté l'homme Prédateur et de l'autre la femme Victime, même et surtout quand l'un et l'autre ont la tête de l'emploi. Je suis effrayé par les raccourcis, les simplifications qui déferlent dans les médias. Non, la fin, sur laquelle nous sommes tous d'accord, ne justifie pas certains moyens.

lundi 16 octobre 2017

Macron, 4 ruptures



Belle intervention d'Emmanuel Macron hier soir à la télévision, en rupture sur quatre points avec ses prédécesseurs :

1- La parole rare. Le président de la République ne s'était pas exprimé devant des journalistes depuis cinq mois ! C'était donc la toute première fois depuis le début de son quinquennat. Du jamais vu depuis bien longtemps. Sarkozy et Hollande avaient la parole fréquente et bavarde, jusqu'à devenir les propres commentateurs de leur action, se pliant ainsi aux normes médiatiques du moment, qui fonctionnent à l'immédiateté. Macron rompt complètement avec ce type de communication, réactif et finalement délétère. En économisant son propos, il le valorise et le présidentialise. Bravo.

2- Le rejet des effets d'annonce. En matière de communication, une règle d'or prévalait : n'aller à la télé que si on a quelque chose de nouveau à dire. Macron, hier, n'a rien annoncé de neuf. Et tant mieux ! Il s'est concentré sur ce qu'il fait, rappelle ce qu'il a promis, met sa politique en perspective sur le long terme et fait la pédagogie de ses réformes, bref tout ce qui a manqué à Hollande et déjà à Jospin. Pas la peine n'innover à chaque fois, au risque de s'égarer, mais creuser son sillon. Quand Hollande, à la fin de son mandat, annonce une réforme du code du travail, c'est trop tard et ce n'était pas prévu au programme, aussi utile soit cette initiative qui ne pouvait donc qu'échouer.

3- L'argument de l'héritage abandonné. Chaque nouveau président se tourne vers l'ancien et son bilan pour le décrier et expliquer ainsi toutes les peines qu'il a à mener sa propre politique. Macron rompt avec cet argument trop facile. Il ne met pas en cause son prédécesseur pour justifier ses difficultés. Il ne reporte pas les torts sur les autres, en reste à son mandat, à la politique qu'il a inaugurée en arrivant au pouvoir. On ne va pas sans cesse revenir sur le passé !

4- La fin du mea culpa. Notre société est gangrénée par une mentalité insupportable, psycho-morale, qui oblige à faire attention aux mots qu'on emploie, à se soumettre à un langage politiquement correct, à pratiquer ce qu'on appelait autrefois la langue de bois, qui s'est transformée en langue de coton ou de velours. Macron s'en fiche et c'est excellent ! Illettrés, gens de rien, fainéants, bordel et j'en passe, il assume complètement, ne s'excuse pas. Parce qu'il dit ce qu'il pense, c'est-à-dire ce qu'il croit être vrai ; parce qu'il refuse la bien-pensance, le parler bourgeois, tout en pratiquant un français tout à fait correct. Quel bonheur que cette transgression !

Sur le fond, Macron a défendu son projet, qui n'est pas de gérer la société, mais de la transformer en profondeur. Pour aller vers quoi ? Une société du travail. Le PS s'est effondré parce que son candidat a défendu l'idée d'une fin du travail, pour finalement déserter après la bataille. La droite a échoué parce que son candidat, pourtant homme d'Etat doté d'un solide programme, s'est perdu dans le lamentable scandale du travail fictif de son épouse. Si Macron l'a emporté, c'est entre autre parce qu'il a restauré l'idée d'une société du travail, là précisément où les autres candidats ont péché.

samedi 14 octobre 2017

Ich bin nicht arrogant



"Je ne suis pas arrogant" : c'est l'étrange titre du magazine allemand Der Spiegel, venant de la bouche d'Emmanuel Macron. Une formule moins politique que psychologique, à la mode d'aujourd'hui. Elle est écrite bien sûr dans la langue de Goethe, sauf l'adjectif, en français. Comme si le mot et le vice étaient des spécialités nationales. Il faut dire que nos paroles en sont remplies : arrogant est devenu un reproche courant, souvent en doublette avec méprisant, jusqu'à placer au second rang des défauts autrefois beaucoup plus stigmatisant, comme menteur ou voleur. Mais, pour ces derniers, des preuves objectives sont exigées, alors qu'on peut taxer n'importe qui d'arrogance ou de mépris sans avoir à se justifier, tant l'attaque est subjective.

"Je ne suis pas arrogant", se défend notre président. A-t-il besoin ? Quand on voit, à la une du magazine, son visage doux et lisse, ses yeux bleus, quand on se souvient de son sourire, quand on sait qu'il met en avant la vertu de la bienveillance, on se dit qu'on peut sans doute imputer à cet homme de nombreux défauts, afficher de graves désaccords avec sa politique mais certainement pas le traiter d'arrogant. Si ses adversaires ne le sont pas, ils sont en revanche malhonnêtes en portant cette accusation. Ne me reprochez pas d'être subjectif dans le portrait que je fais de Macron : ses procureurs le sont autant dans leur réquisitoire. Je retourne l'arme contre celui qui vise.

Emmanuel Macron a son explication : "Je ne suis pas arrogant vis-à-vis des Français, je suis déterminé". Ok, mais n'est-ce pas justement cette détermination qui passe, certes à tort, pour de l'arrogance ? Dans un pays qui ne croit plus à grand chose, un type, fût-il chef de l'Etat, "choque" parce qu'il ose afficher de fortes convictions (qu'on peut ne pas partager, c'est un autre débat). Dans une société où il est de bon ton de n'avoir aucune certitude, celui qui est sûr de lui semblera, par contraste, arrogant.

L'arrogance qu'on prête à autrui n'est que le reflet de notre faiblesse : dans un monde sans passion, quoi de plus irritant qu'un individu enthousiaste ? Pour tous ceux qui ne le sont pas, l'audacieux est soupçonné de témérité, le discret est accusé de timidité, l'économe passe pour avare et la vérité (celle du moins qu'on se fait et pour laquelle on se bat) est taxé d'arrogance. A Emmanuel Macron, je dis bien fort : continuez, monsieur le président, à être arrogant, contre tous les malhonnêtes qui vous font ce faux procès et qui n'ont en tête que de vous rabaisser pour mieux vous abattre. Ich bin arrogant !

mercredi 11 octobre 2017

E viva espana !



Je ne comprends rien à cette histoire de Catalogne qui veut devenir indépendante. C'est absurde, surréaliste. Rien ne justifie une telle aspiration. Est-ce que moi, Berrichon d'origine, je milite pour l'indépendance du Berry ? Non, je n'y pense pas, même dans mes rêves. Je sais bien : ce n'est pas la même chose. Et pourquoi donc ? Basques, Bretons, Corses et tous les autres peuvent à leur tour s'y mettre et réclamer leur indépendance. Mais pourquoi ? Non, tout ça m'échappe.

Ne me parlez pas de culture, d'histoire ou de tradition ? L'Etat national ne les interdit pas. L'Espagne est une démocratie dans laquelle les Catalans ont une part d'autonomie et leur propre gouvernement : ça ne leur suffit pas ? Les aspirations régionalistes ont leur légitimité sous des dictatures qui les oppriment : en République, il n'y a pas ce problème. Cette résurgence de l'esprit provincial (comment le qualifier autrement ?), alors que nous vivons en pleine et bienfaisante mondialisation, a quelque chose d'aberrant. En tout cas, le cosmopolite, l'internationaliste, le citoyen du monde que je suis ne s'y reconnaît pas.

D'un autre côté, il ne faut pas non plus s'affoler. D'abord parce que le régionalisme mine et fait éclater cette plaie qu'est le nationalisme, en même temps qu'il remet en cause le néfaste jacobinisme. De ce point de vue, c'est positif. Ma crainte, c'est que le remède soit pire que le mal : le régionalisme n'est-il pas un mini-nationalisme, la fragmentation du territoire en plus ? Heureusement, nous avons l'Europe : par elle, beaucoup plus que par l'Etat-nation, les régions peuvent se faire reconnaître et respecter dans leurs différences. Si la crise catalane pouvait renforcer l'Europe, ce serait bien.

Et puis, il y a la démocratie : rien ne peut se faire sans le soutien des peuples. Si les Catalans veulent leur indépendance, si ce choix résulte d'une élection, je ne vois pas comment les garder dans l'Etat espagnol (même si ce serait souhaitable). Il faut faire confiance à la sagesse des populations : l'indépendance de la Catalogne ferait sans doute plaisir à pas mal de Catalans, mais ce serait la catastrophe économique pour tous. Espérons donc ne pas avoir à en arriver là.

vendredi 6 octobre 2017

Perte d'identité ouvrière



Dans le prolongement du billet d'hier, je reviens sur la polémique du "bordel", abordant cette fois le fond, très intéressant. Qu'est-ce qui est en jeu ? Pas l'emploi (les salariés peuvent retrouver un travail), pas la formation (ils sont qualifiés), pas les rémunérations (elles ne sont pas mises en avant) : non, mais c'est la mobilité, le fait d'avoir à se déplacer loin de chez soi (même si cet éloignement est tout relatif), les inconvénients et les dépenses que cette situation occasionne. J'ai écrit hier qu'il fallait aller là où se trouvait le travail, et ne pas attendre qu'il vienne à nous. Je voudrais aborder aujourd'hui la question sous un autre angle : celui de la culture ouvrière.

Cette classe sociale n'a jamais été sédentaire, contrairement à la paysannerie. Les ouvriers ont constitué leur identité par rapport au travail, pas par rapport à la terre. Au contraire, le prolétariat est né, au XIXème siècle, de l'exil rural. La ville était jugée émancipatrice, à la différence de la campagne. La classe ouvrière a toujours été extrêmement mobile, elle a su s'adapter. On ne peut donc pas lui faire un procès en immobilisme. Où est alors le problème aujourd'hui, que la réaction de Macron a mis à vif, sans qu'il le veuille ? C'est qu'hélas la culture ouvrière a quasiment disparu, et les réflexes qui allaient avec.

Le nerf du problème, c'est notre rapport au travail. Un ouvrier savait trois choses : 1- on travaille pour gagner sa vie. 2- on est fier de ce qu'on fait. 3- on est conscient de son utilité sociale. Ces trois sentiments ont disparu, parce que la culture ouvrière a disparu. Elle a été remplacée par la psychologie des classes moyennes, intellectuelles, dans le secteur tertiaire, la mentalité petite-bourgeoise. Désormais : 1- on travaille pour gagner de l'argent (on n'accepte plus de faire n'importe quoi). 2- la fierté du produit fini a disparu avec le travail manuel. 3- dans une société individualiste, l'utilité collective n'a plus guère de valeur ; seul compte l'épanouissement personnel, le bien-être dans et grâce au travail.

Un ouvrier pouvait se sentir terriblement exploité ; mais jamais il ne se serait senti "malade" de son travail, "en souffrance" ou en "burn out", pour reprendre les lieux communs de notre époque. En perdant la culture ouvrière, nous avons perdu le sentiment de dignité dans le travail. Et ce n'est pas dû aux changements dans son organisation, puisque l'exploitation des travailleurs étaient beaucoup plus grave, plus violente autrefois. Nous ne reviendrons pas en arrière. Pendant la campagne présidentielle, le candidat Benoit Hamon, héritier bâtard du socialisme, avait trouvé la grotesque solution : puisque nous sommes malades du travail, amputons-nous, supprimons-le ! De quoi rendre fous nos ancêtres ouvriers ...

jeudi 5 octobre 2017

Fouteurs de bordel



En matière de comportement moral, il est assez facile d'être sincère : il suffit de se laisser aller. Il est également aisé d'être généreux, car il y a un plaisir à offrir. Mais être honnête est sans doute la vertu la plus compliquée, celle qui nous demande le plus d'effort sur nous-mêmes. Face aux propos d'Emmanuel Macron sur "ceux qui foutent le bordel", quel jugement honnête peut-on porter ?

D'abord, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que ce sont des propos volés, non publics, dans un moment d'exaspération comme nous en connaissons tous, exprimée en des termes non choisis, spontanés. Non, il n'est pas honnête de rapporter ce genre de paroles prononcées à la va-vite, en petit comité, et de les faire tourner en boucle, comme pour rendre fou. Chacun d'entre nous se retrouverait rapidement et sévèrement condamné, si ses paroles privées étaient divulguées. Mais aujourd'hui, ce type de respect et de discernement ne sont hélas plus de mise.

"Bordel", dans la bouche d'un garçon aussi bien élevé que le chef de l'Etat, voilà ce qui "choque" : il y a un effet de contraste qui le dessert. Pourtant, notre société, via ses réseaux sociaux, ne cessent de promouvoir la transparence, la spontanéité. En sommes-nous à une contradiction près ? Honnêtement, le fond de la réaction présidentielle est ailleurs : des manifestants, où se mêlaient cégétistes et élus locaux, ont voulu perturber la visite du président de la République, se faire absolument inviter à sa table, bref lui forcer la main. Cette attitude porte un nom : foutre le bordel.

J'ai souvent manifesté, je n'ai jamais foutu le bordel. Macron ne s'en serait pas pris à l'expression légitime de salariés inquiets ou en colère. Mais hier, c'est la légalité qui a été transgressée et l'autorité bafouée. J'exagère ? Oui, sûrement, puisque depuis pas mal de temps, notre société a pris l'habitude de se moquer des lois, d'ignorer les règlements et de remettre systématiquement en cause les autorités. C'est tout le pays qui est devenu bordélique. Et je ne confonds pas le bordel avec la belle révolte (1968) ou la grande révolution (1789), comme je ne confonds pas Poujade et Lénine. Le gueulard n'est pas le révolutionnaire.

Quant au problème local, je ne le connais pas, mais encore une fois, c'est moins le fond que la forme qui a été hier fort justement critiquée par le président de la République. Mais pour ce que j'en ai entendu, il s'agit de salariés qui refusent de se déplacer à deux heures de chez eux pour retrouver un travail qui leur est pourtant assuré. Je ne veux pas discuter de ce que j'ignore, mais, à mon tour, entre nous, j'aimerais réagir spontanément : dans ma vie, je n'ai pas attendu que le travail vienne à moi, je suis allé là où il se trouvait, de mon Berry natal à Angers, puis à Paris, enfin à Saint-Quentin. Si mon poste était supprimé et qu'on me demandait d'aller ailleurs, j'irais, sans rechigner. Mais ce n'est qu'une réaction strictement personnelle, pas un jugement, encore moins un exemple. Accordez-moi au moins de n'avoir pas utiliser de gros mots pour l'exprimer.

mercredi 4 octobre 2017

Mélenchon a des apparitions



Jean-Luc Mélenchon ne supporte pas de voir le drapeau européen dans l'Assemblée nationale. Lui et ses Insoumis demandent à ce qu'il soit enlevé. C'est un choix politique, que je ne partage pas, puisqu'en bon macronien qui se respecte, je suis ultra-européen, et ce sont les Marcheurs qui ont brandi le drapeau bleu, en même temps que le tricolore, dans les meetings de la présidentielle. Mais que Mélenchon ne vienne pas se prétendre, malgré tout, européen : l'Europe, il est contre, totalement contre, et son drapeau lui sort par les yeux. Qu'il assume ce choix politique, et qu'il ne nous enfume pas avec une "autre Europe" qui n'existe que dans sa tête et qui est un déni de l'Europe réelle.

Ce qui me fait aussi penser ça, c'est l'étrange réaction de Mélenchon à la vue de ce drapeau européen dans le Palais Bourbon : "C'est la République française ici, ce n'est pas la sainte Vierge !" Plaît-il ? Où Mélenchon a-t-il vu que le drapeau européen représentait la Vierge Marie ? Le fond bleu ? Ah ! bon : parce que tout ce qui porte cette couleur serait suspect d'accointance mariale ? Mais les 12 étoiles jaunes ? Ce chiffre n'est-il pas hautement biblique (les 12 apôtres du Christ, par exemple) ? Sauf que la Bible est bourrée de chiffres qu'on retrouve, eux aussi, un peu partout, sans qu'il y ait un quelconque rapport avec la religion.

Chez les fondateurs de l'Union européenne, il y avait, dans le bleu, le symbole de l'espoir, et dans les 12 étoiles, la volonté de marquer la diversité du rassemblement. Ni plus ni moins. Et pas d'allusions au christianisme (si cela était, ces allusions seraient pauvres et erronées ; les véritables symboles de la religion chrétienne ne sont pas ceux-là). Et si l'on me dit que l'Europe a été initiée par des démocrates-chrétiens, je réponds que l'argument est tout aussi faible. Ils n'ont pas été les seuls pères fondateurs, et la démocratie chrétienne, malgré son nom, n'a guère de lien puissant avec l'Eglise et sa doctrine.

Mélenchon a choisi pour logo de son parti la lettre grecque, le phi de philosophie, sans doute pour faire intelligent. Mais sur cette affaire de drapeau, il ne l'est pas, sa remarque est même très bête. Il me fait penser à ce médiocre écrivain, Dan Brown, auteur du Dan Vinci Code, qui croit voir des signes et des symboles un peu partout, à charge de leur donner des interprétations délirantes. Après tout, Mélenchon est peut-être un ancien enfant de chœur qui a, sur le tard, des apparitions, car il est bien le seul à voir la sainte Vierge quand on lui présente le drapeau européen ! Pourquoi n'y voit-il pas Hercule, le personnage de la mythologie gréco-romaine ? Les 12 étoiles correspondent à ses 12 travaux, et le fond bleu est de la couleur de la mer Méditerranée, là où a surgi cette mythologie. Mais non, Mélenchon en pince pour Marie, pas pour Hercule. Allez savoir pourquoi !

lundi 2 octobre 2017

Président du pouvoir d'achat



Emmanuel Macron est accusé d'être le "président des riches", parce qu'il réaménage l'ISF, en le faisant porter sur l'immobilier et non plus sur le capital. Le reproche est infondé. Est-ce que l'ISF initial a réduit les inégalités en France ? Non, sinon cela se saurait et se verrait. Est-ce qu'au moins cet impôt rapporte beaucoup à l'Etat ? Non plus. Sa seule justification, de l'avis de tous, est purement symbolique : assujettir les plus fortunés à l'effort de solidarité nationale. L'intention est louable, mais quand elle est inefficace, elle ne vaut pas grand-chose. On ne gouverne pas un pays avec des symboles.

L'argument du retour des riches, en faveur de l'ISF nouvelle version, ne m'est pas sensible (même s'il est peut-être pertinent). L'argent va à l'argent et rien ne peut le fixer quelque part (du moins dans un régime démocratique). En revanche, je crois beaucoup en cet ISF macronien, quand il se donne pour objectif de réorienter le capital vers l'investissement, car c'est la condition pour créer des emplois. Contre-argument : ce capital non taxé va profiter à la finance, non à l'entreprise. Je n'en sais rien, nous verrons bien. Mais l'honnêteté élémentaire est de reconnaître que l'objectif de Macron n'est pas celui-là : président de l'emploi, pas des riches.

Enfin, les mesures budgétaires récusent totalement le slogan polémique d'un "président des riches". La taxe d'habitation sera supprimée en 2020 pour 23 millions de Français. Les cotisations chômage et maladie seront supprimées en octobre 2018 pour tous les salariés du privé. La prime d'activité, que touchent les travailleurs les plus modestes, 2,5 millions de foyers, va être augmentée jusqu'à 80 euros en plus par mois. Les 83 000 familles monoparentales vont voir leur complément mode de garde augmenté de 30% dès octobre 2018. Le minimum vieillesse, qui concerne 550 000 personnes, va être augmenté de 100 euros par mois à partir de 2020. Le crédit d'impôts sur les services à la personne va être élargi à tous, y compris aux contribuables non imposables. L'allocation adulte handicapé va doubler en fin 2018. Et vous appelez ça un "président des riches" ? Pour moi, c'est le président du pouvoir d'achat.

vendredi 29 septembre 2017

Un rocardo-juppéiste



Edouard Philippe s'exprimait hier soir, pour la première fois, dans une émission politique de longue durée. Celui à qui l'on reproche de ne pas exister, de n'être que l'ombre de Macron a été parfait, tant pour expliquer la ligne du gouvernement que par sa personnalité singulière. Il détonne par son calme, sa douceur, son flegme. Notre Premier ministre est très british : un humour retenu, tout en finesse. Oui, c'est un agréable portrait que nous avons pu apprécier hier soir. Moralement, c'est un homme ouvert, respectueux, mais ferme et déterminé.

Quant au contenu, on est macronien ou on ne l'est pas, ce qui n'empêche nullement d'être honnête et de reconnaître qu'Edouard Philippe est doué non d'une force de persuasion, toujours un peu vulgaire, mais d'une douceur de persuasion. C'est une rivière qui entraîne : "J'ai mon rythme", a-t-il plusieurs fois dit. La barbe joue en sa faveur, renforce la tranquillité du personnage : le poil est caressant et rassurant. Et puis, quelle maîtrise des dossiers ! C'est un techno, mais au sens excellent du terme : pas un baratineur. La technique est chez lui intelligente, comme dans ses échanges avec Testart.

Le moment très attendu était bien sûr le débat avec Mélenchon : la grande gueule de la gauche radicale devait le manger tout cru. Mais comme disait ma grand-mère : "Mange, on ne sait pas qui te mangera". Résultat, Mélenchon, avec sa vilaine figure, a dégusté : il s'est fait toutou venant manger dans la main de son maître, qu'il avait manifestement trouvé en la personne de Philippe. Moi-même en ait été stupéfait, quoique à moitié : toutes les grandes gueules que j'ai connues avaient de petits bras quand il fallait monter au combat. Drôle d'insoumis, Mélenchon ! Les siens n'ont pas dû le reconnaître.

Qui est Edouard Philippe ? Un homme de gauche qui a mal tourné et qui s'est repris, un rocardien membre du PS, le quittant pour la droite, se retrouvant en Alain Juppé et ralliant au final Emmanuel Macron. Nous sommes tous ainsi : nos méandres cachent une stricte cohérence. Philippe a toujours navigué entre le centre droit et le centre gauche. C'est un réformiste, un progressiste, qui rejette autant le conservatisme que la révolution. C'est un Juppé poilu, la raideur en moins ; c'est un Rocard très grand, la clarté du langage en plus. Je l'aime beaucoup.

mardi 26 septembre 2017

Vietnam



La télévision est souvent critiquable, mais elle nous gratifie parfois d'excellents programmes. C'était le cas la semaine passée, sur ARTE, avec un documentaire de presque neuf heures, réparties en trois soirées, consacrées à la guerre du Vietnam, le meilleur du genre, un moment exceptionnel de télévision. La guerre du Vietnam : nous en avons tant entendu parler ! Mais en regardant ce documentaire, j'ai eu le sentiment de vraiment la découvrir.

La qualité de cette œuvre, c'est d'abord son honnêteté historique : elle ne prend pas parti, elle essaie de comprendre les raisons des deux camps, elle donne la parole à tous. On oublie souvent que cette guerre a commencé avec les Français, qui n'ont pas été avares là-bas en cruauté (tous les protagonistes de cette tragédie, pendant 30 ans, ont commis des abominations), pour finir sur une défaite et se faire remplacer par les Américains, des idéalistes qui sont sur place pour barrer la route au communisme, en soutenant un régime corrompu, qui ne vaut guère mieux.

Le problème n'est pas de déclencher une guerre, mais de la terminer. Les Etats-Unis sont maîtres du ciel, disposent d'un matériel sophistiqué, plongent un paradis d'eau et de verdure sous un enfer de feu : ils auraient dû l'emporter, contre un ennemi très inférieur militairement. Mais tout occupant, surtout dans ce pays et à cette époque, pâtit d'un handicap moral, que les Américains ne parviendront jamais à surmonter et qui entrainera leur défaite.

La gauche démocrate ne parviendra pas à régler le conflit. Au contraire, elle va déclencher une sorte de guerre civile en Amérique même. C'est la droite républicaine qui va le solutionner. De ce point de vue, Nixon, pourtant menteur, cynique et brutal, est un grand président : il sort son armée et ses compatriotes du Vietnam, en laissant le soin aux autochtones de mener les opérations. L'art de la politique, c'est savoir passer des compromis et aboutir à des solutions à moitié satisfaisantes, mais cette moitié-là est très appréciable. C'est aussi la leçon du Vietnam. Il faut absolument que vous regardiez ce documentaire.

lundi 25 septembre 2017

Les insoumis ratent la marche



Il y a des jours, nombreux, où je songe à arrêter ce blog. J'aime pourtant la politique et l'écriture, mais mes commentaires dépendent de l'actualité, trop souvent médiocre. Par exemple, qu'est-ce qui a dominé, en France, ce week-end ? La petite phrase de Mélenchon sur "la rue qui a abattu les nazis". C'est terrible : nous vivons constamment sous l'œil médiatique et dans la toile des réseaux sociaux, friands de ce genre de polémique misérable.

La France insoumise a réussi sa mobilisation. Désormais, socialistes et communistes défilent derrière Mélenchon, opposant de gauche n°1 à Macron. Eh bien non : une formulation maladroite et pour tout dire stupide est venue casser ce beau succès politique. Car ce qui compte désormais dans notre société, ce n'est pas tant la réalité que son ressenti à travers les médias, chaînes d'information continue et internet. Là, c'est raté.

D'un autre côté, je me dis que c'est bien fait pour les insoumis. Rappelez-vous les "fainéants" de Macron, faussement imputés à l'ensemble des Français alors que c'est la partie conservatrice de la classe politique qui était visée, de l'aveu même de son auteur. Il arrive une semblable mésaventure à Mélenchon et à ses "nazis", car ce n'est évidemment pas Macron et son gouvernement qu'il qualifiait par ce mot.

Ceci dit, on peut légitimement faire au leader de la France insoumise le reproche de l'amalgame facile et abusif : rois, nazis, factieux d'Algérie et CPE, tous soi-disant rejetés par la rue, non, ça ne va pas. Il y a pire : la grossière erreur historique, que tout le monde, je crois, a notée ; les nazis n'ont pas été chassés de notre pays par la rue, mais par les Alliés, aidés par la Résistance et l'armée française. Je dirais même que la rue, entre 1940 et 1944, a très majoritairement soutenu Pétain. Mais là, c'est le cœur de la démonstration de Mélenchon qui est désavoué (voir mon billet "La démocratie et la rue").

Qu'est-ce qui a conduit Mélenchon à une telle bourde, qu'un lycéen ne commettrait pas dans une dissertation d'histoire ? Dans son lyrisme, il ne retient que les images, se laisse emporter par elles, en fait des critères de vérité. Je suis persuadé que Mélenchon avait en tête la libération de Paris, les images qu'on nous en montre à la télévision et au cinéma : des hommes et des femmes dans la rue, armes à la main contre les soldats allemands en fuite, érigeant des barricades. De là a en conclure que tout un peuple s'est soulevé contre l'occupant et l'a bouté hors de France, non, c'est faux, archi-faux. Dans un monde dominé par les images et les petites phrases, au détriment des analyses et des idées, Mélenchon en a été lui aussi la victime. Cela lui aura coûté une marche contre Macron. Mais je suis sûr qu'il saura se rattraper.

samedi 23 septembre 2017

Mélenchon rejoue 1964



A l'heure où j'écris, nous ne connaissons pas le nombre d'insoumis qui ont défilé dans Paris. Dépasseraient-ils les 100 000 que ça ne m'étonnerait pas. Après tout, ils ont été 7 millions à voter Mélenchon au premier tour de la présidentielle. Et puis, ce n'est pas, comme il y a quelques jours, une manifestation syndicale contre la seule réforme du code du travail. Il s'agit d'une marche anti-Macron : tout ce que France compte d'hostile à sa personne, riche, libéral et réformiste, va se retrouver dans la rue. C'est ce qu'on appelle classiquement une manif fourre-tout, où les revendications et les appartenances importent moins que la caricature et le rejet d'un homme politique.

Macron "dictateur", sa politique "coup d'Etat" ? Au-delà des outrances, cela ne vous rappelle rien ? Mais si ! François Mitterrand en 1964, qui publie "Le coup d'Etat permanent", visant de Gaulle, qualifié non seulement de "dictateur" mais de "Duce", "Caudillo" et "Führer". Ca, Mélenchon n'a quand même pas osé ! Il faut dire que l'époque, contrairement à la nôtre, ne lésinait pas sur la violence verbale ... et physique. Mélenchon nous fait donc le coup de Mitterrand en 1964, contre le fondateur de la toute nouvelle Vème République. Macron a de quoi en être honoré : se voir comparé au général ...

Evidemment, l'anachronisme est total et n'abuse que les gogos. Mitterrand parle de "coup d'Etat" parce qu'il accuse, à tort ou à raison, le général d'être parvenu au pouvoir en 1958 avec le soutien et sous la pression de l'armée, exerçant en quelque sorte, par la suite, un chantage sur le péril militaire que représentaient les soldats factieux de l'Algérie française. Rien à voir avec Macron et ses ordonnances, qui sont un dispositif totalement légal et institutionnel de notre République.

Quant à la figure du "dictateur" ou du "monarque", c'est un lieu commun non pas contre un homme mais contre le pouvoir présidentiel défini par notre Constitution. Le chef d'Etat a une forte responsabilité, oui, mais un pouvoir dictatorial ou monarchique, non, absolument pas. De Gaulle n'était pas Franco, Macron n'est pas Louis XIV : employer ces mots, c'est faire de la rhétorique, pas de la politique. Tout juste bonne à rédiger des slogans ? Non plus, car un slogan doit être juste, vrai.

Alors, une manif pour rien ? Non pas ! Son objectif n'est pas tant de gêner Macron, qui n'a rien à en craindre, qui ne reviendra pas sur sa promesse d'une réforme du code du travail. Non, Mélenchon a autre chose en vue à travers ce défilé des insoumis : installer durablement son leadership sur l'ensemble de la gauche, par delà sur l'opposition à Macron, après que le PS et le PCF aient été marginalisés. Désormais, dans le camp progressiste, c'est eux ou nous : insoumis contre macroniens. Et nous sommes bien en 2017, pas en 1964 !

vendredi 22 septembre 2017

La démocratie et la rue



Les manifestations contre la réforme du code du travail ont connu hier une baisse d'affluence sensible, sans surprise en ce qui me concerne : le temps et les circonstances ne sont pas à l'explosion sociale. On peut certes en rêver, mais la réalité ne suit pas forcément. D'autant que ce mouvement est accompagné de signes baroques qui ne plaident pas en sa faveur : la dernière fois, c'était le ralliement des forains, qui ne sont tout de même pas l'avant-garde du prolétariat ; cette semaine, ce sont les ... CRS, qui font grève en se mettant en arrêt-maladie (on aura tout vu !).

Demain, en revanche, à la grande marche de la République insoumise, je pense qu'il y aura du monde, parce que l'opposition à Macron ne peut mobiliser que si elle est politique, pas seulement syndicale. Le thème de l'antilibéralisme est tellement à la mode qu'il ne peut qu'être porteur. Ceci dit, je ne crois pas non plus que le président de la République ait de quoi s'inquiéter : le positionnement de Mélenchon est tellement extrême qu'il ne peut que coaliser les gros bataillons de la gauche radicale, pas plus. Ca fait bien sûr du monde, mais pas une majorité, même pas relative (voir le résultat des dernières élections).

Une opposition est dangereuse pour le pouvoir en place qu'à partir du moment où elle représente une alternative, où elle constitue une possible relève : ce n'est pas le cas avec Mélenchon. Ses slogans sont si outranciers (le "coup d'Etat social", par exemple, déplacé, grotesque) qu'ils ne peuvent entrainer que les radicalisés. Cette opposition-là ne sait que s'opposer.

Il y a bien sûr, plus préoccupante, la théorie de la coagulation : dans les jours qui viennent, la grogne des retraités, fonctionnaires, chauffeurs routiers, agriculteurs et surtout étudiants pourrait faire boule de neige. Je n'y crois pas non plus : ces revendications sont trop disparates pour se retrouver dans un front commun, un front de classes, comme on disait à la grande époque.

La force de Macron, c'est qu'il fait ce qu'il a promis, ce pour quoi il a été élu, rien de moins, rien de plus. En démocratie, c'est du béton : personne ne peut aller contre ça. La preuve : on vient le chercher sur des mots, des bouts de phrase. C'est assez lamentable, c'est un signe de faiblesse. Dernière polémique en date : "La démocratie ne se fait pas dans la rue", a-t-il dit. Et alors ? Cette formule est banale, évidente de vérité. La démocratie, ce sont les élections, pas les manifestations.

Quand je défilais contre les réformes de Sarkozy, j'exprimais un mécontentement, légitime en démocratie. Mais jamais il me venait à l'idée de contester la légitimité du gouvernement en place, de le taxer de "coup d'Etat" lorsque ses mesures ne me convenaient pas. Je suis trop républicain pour réagir ainsi ! De même, quand plus d'un million de personnes sont descendues dans la rue pour refuser le mariage homosexuel, ce n'était pas une raison pour renoncer à cette réforme.

Le pouvoir doit écouter la rue, prendre la mesure de ses revendications, mais c'est lui, le pouvoir, qui a, qui doit avoir le dernier mot, parce qu'un mandat irrévocable le lie au peuple, à l'issue de l'élection où une équipe gouvernementale a été préférée à toutes les autres. Je ne bouge pas de là. C'est pourquoi Emmanuel Macron a totalement raison de solenniser la signature des ordonnances aujourd'hui. C'est une excellente pédagogie, pas un vulgaire coup de com' : rappeler en République où est le pouvoir, quelle autorité impose le respect et d'où elle tire sa légitimité. Oui, mille fois oui, et pardon pour la banalité du propos, la démocratie ne se fait pas dans la rue.

jeudi 21 septembre 2017

Le FN diabolise Philippot



Il n'y aurait pas grand chose à dire du départ de Florian Philippot du FN, sinon qu'il révèle les pires travers de la politique, qui ne sont d'ailleurs pas propres à l'extrême droite. J'en déplore cinq aspects :

1- La franche inimitié et l'hypocrite camaraderie. Bras dessus bras dessous un jour, à couteaux tirés le lendemain. Je crois qu'aucun parti n'y échappe. Et dire que certains vont chercher en politique de la convivialité ! Rares sont les activités humaines où l'on rencontre autant de haine et de faux semblants. Les bons amis font les farouches ennemis.

2- Le Pen est incompétente, caricaturale et vulgaire mais c'est elle qui reste. Philippot est intelligent, fin et sympathique mais c'est lui qui est obligé de partir. On retrouve là un axiome de la logique d'appareil : les mauvais l'emportent toujours sur les meilleurs. Comme le disait Pierre Mauroy : "Quand les dégoûtés s'en vont, il ne reste plus que les dégoûtants".

3- Contre Philippot, les arguments de ses ex-compagnons ne sont pas politiques mais psychologiques : on lui reproche son comportement vaniteux, narcissique et solitaire. On voit bien que ce n'est pas un affrontement entre des lignes idéologiques, ou bien à la marge. Les idées ne pèsent pas lourds dans ces querelles de personnes. Allez savoir si les frontistes ne jalousent pas tout simplement l'intelligence et l'aisance médiatique de Philippot ?

4- L'explication de sa déchéance : avoir fondé une association dont il a refusé de démissionner. Là, le FN se distingue radicalement des autres partis politiques et confirme sa nature totalitaire. Car dans aucune autre formation on ne serait poussé vers la sortie pour cette raison, parfaitement antidémocratique et un peu ridicule.

5- Pour résoudre la crise, qu'est-ce que Le Pen a cru bon de proposer à Philippot ? Une vice-présidence privée de sa délégation, c'est-à-dire un titre sans pouvoir, "vice-présidence de rien", a très bien résumé sa victime. Voilà un cynisme de la plus belle eau.

Moi aussi, je ne suis pas exempt de vieille politique et de cynisme : j'applaudis au départ de Philippot, qui enlève au FN un excellent élément, le plus dangereux de tous, mais sans avenir à l'extérieur du parti. Le FN diabolise Philippot et se rediabolise par la même occasion, gardant à sa tête une femme repoussoir : c'est très bien ainsi.

mercredi 20 septembre 2017

Nous n'irons plus à Solférino



Les mauvaises nouvelles arrivent à la nuit tombée. Quand j'ai appris hier soir, de la bouche de Jean-Christophe Cambadélis, la vente du siège du Parti socialiste, rue de Solférino, à Paris, j'ai ressenti un pincement au cœur, parce que je suis volontiers nostalgique. Solférino ! Combien de fois y suis-je allé ? Je ne sais plus. Il parait que quand on aime on ne compte pas ... Des dizaines de fois peut-être, quand j'étais secrétaire de section, puis responsable fédéral à la formation, ensuite représentant de courant. Jospin, DSK, Hollande, voilà ceux que je rencontrais le plus souvent, pour les plus importants. C'était la belle époque du socialisme !

Solférino, j'ai aimé, oui. D'abord, l'emplacement. Aujourd'hui, certains reprochent cette installation dans les beaux quartiers. Et alors ? Des socialistes n'ont pas le droit d'y séjourner ? Ce serait réservé à la bourgeoisie ? Personne n'a fait ce reproche à François Mitterrand quand il l'a acquis en 1981, pas pour la sociologie environnante, mais parce qu'il fallait être près de l'Assemblée nationale. Cet achat symbolisait ce que le Parti socialiste a cessé d'être cette année, aux dernières élections : un parti de pouvoir, un parti de gouvernement. Et puis, Solférino, c'est tout à côté du quartier Saint-Germain, de l'intelligentsia, que le PS a perdu elle aussi.

L'immeuble lui-même est magnifique, puissant, de la belle pierre. A l'intérieur, les salles sont multiples, fonctionnelles. Que de souvenirs, que de débats entre ces murs ! Solférino, c'était notre fierté. Un parti politique se juge aussi à sa façade. Se séparer de ce siège, c'est une triste fin. Quand on vend les bijoux de famille, c'est que tout va très mal. J'ai l'impression que le PS va tout lâcher, petit à petit, jusqu'à son nom, ce qu'il a déjà commencé de faire à l'Assemblée nationale, puisque le groupe socialiste est devenu "Nouvelle gauche".

Pour ne pas paraître trop dithyrambique, je vais apporter un bémol : ce que je n'aimais pas à Solférino, c'est sa grille d'entrée, qui faisait prison ou forteresse assiégée. De plus, la porte était lourde à pousser. Sinon, c'était merveilleux. Le mot lui-même me plaisait : Solférino, la grande bataille que Napoléon III remporta en 1859 sur les armées autrichiennes ! Aujourd'hui, c'est une défaite qui fait abandonner le siège. Nous n'irons plus à Solférino, mais quand nous passerons devant, au hasard de nos promenades dans la capitale, comme on visite un cimetière, nous nous souviendrons qu'a longtemps vécu en ce lieu un grand parti, une belle histoire qui ont l'un et l'autre pris fin.

mardi 19 septembre 2017

Tous les mêmes !



Il est beaucoup question, depuis quelques temps, des conflits au sein du FN. Je n'y crois pas du tout. C'est l'écume des choses. Il n'y a pas de courants qui menacent l'existence de l'extrême droite. Le Pen, sa nièce, Philippot et les autres partagent le même noyau idéologique : nationalisme, xénophobie et autoritarisme. Le clivage entre un FN fréquentable et un autre qui ne le serait pas est une légende. Ce sont tous les mêmes ! Les nuances ne font pas des différences.

Ce qui les déchire, ce n'est pas l'idéologie, c'est le pouvoir. Avec Marine Le Pen, ils sentent qu'ils ne gagneront pas. Son débat face à Macron l'a totalement décrédibilisée. Elle ne remontera jamais la pente. C'est la grande vertu de la démocratie : à la tribune d'un meeting, dans l'entre soi militant, on peut faire illusion. Lors d'un débat avec l'adversaire, on a rendez-vous avec sa propre vérité : les masques tombent. Le Pen reste à jamais Le Pen, c'est-à-dire une femme d'extrême droite : c'est ce que ce débat nous a appris, que nous savions déjà. La suite était inévitable : dissensions au sein du parti, qui ne peut accepter d'être aussi mal représenté s'il veut un jour accéder au pouvoir. Cette séquence nous rappelle aussi que l'inimitié est le ressort naturel de la politique, que la camaraderie y est intéressée et manipulatrice.

Le plus dangereux des frontistes n'est pas celui qu'on croit, mais Philippot. Il est intelligent, compétent, sympathique, crédible et, par dessus tout, il laisse croire que sa ligne n'est pas identitaire mais souverainiste, qu'il n'est pas d'extrême droite mais social-patriote. Si Le Pen lui laissait la place, ce serait terrible pour tous les démocrates. Heureusement, elle ne le fera pas. Et si Philippot quitte le FN ou s'en fait exclure, il connaitra le sort de Bruno Mégret : une rapide marginalité.

Une dernière chose : beaucoup se réjouissent de ces affrontements à l'intérieur du FN et de la défaite de Marine Le Pen à la présidentielle. Je serais moins catégorique : d'une part parce que ce sont des batailles de Polichinelle, qui ne change rien à la nature de ce parti ; d'autre part, et surtout, parce que cette femme incompétente et dangereuse, qui a donné d'elle une lamentable image lors de ce fameux débat, a malgré tout réussi à capter 11 millions de voix, ce qui est proprement sidérant. Quelques centaines de milliers de fanatiques et d'imbéciles, toute société peut en produire facilement ; mais 11 millions d'électeurs, non, c'est effrayant, et ce ne sont pas les remous actuels au sein du FN qui doivent nous le faire oublier.

lundi 18 septembre 2017

Ni communiste, ni anticommuniste



Il y a eu un temps où la fête de l'Humanité était un gros événement politique, qui mobilisait toute l'attention. Nous n'en sommes plus là : disons que c'est un petit événement, qui ne passe pas inaperçu, qui fait encore parler. Mais quelle dégringolade ! Cette année, que pouvons-nous en retenir ? Ce ne sont pas les attaques contre Macron : elles vont de soi, et je serais presque vexé que notre président ne soit pas la cible du PCF. Non, ce qui est stupéfiant, c'est la charge contre Mélenchon, candidat tout de même soutenu par les communistes à plusieurs reprises.

Cette critique a quelque chose de pathétique. Mélenchon était absent : soit. Et alors ? Pourquoi en faire tout un plat ? Comme si le grand Parti communiste, au passé jugé autrefois glorieux, se sentait orphelin ou perdu quand l'ex-socialiste n'est pas là ... Le plus pitoyable, c'est que Mélenchon méprise l'appareil communiste et se sert surtout de ses électeurs et militants, du moins ce qu'il en reste, pour alimenter ses manifs, ses meetings et ses multiples candidatures. Il a tué le PCF, et le PCF en redemande, en pleurant son absence. Cette attitude me fait penser au syndrome de Stockholm, qui fait sympathiser les victimes avec leurs bourreaux.

J'ai peut-être plus de respect pour les communistes que n'en a Mélenchon. Pourtant, communiste, je n'ai jamais été tenté de l'être : après mai 68, c'était impossible. Une révolution en a tué une autre. A l'extrême limite, je préfère une société injuste et inégalitaire à une société totalitaire et liberticide. En même temps, je n'ai jamais été anticommuniste, sachant reconnaître chez les militants du PCF des hommes et des femmes de cœur, dévoués, se battant pour un idéal très élevé, hélas tragiquement contredit par la réalité.

vendredi 15 septembre 2017

Ah ! les radicaux de gauche ...



En ces journées du Patrimoine, nous allons assister à la disparition d'un joyau de notre patrimoine politique : le Parti radical de gauche (PRG), qui va se fondre dans une nouvelle formation, avec son homologue de centre-droit, le Parti radical-valoisien (quel nom ! il me faisait rêver quand j'étais adolescent : être radical-valoisien, c'était tout aussi mystérieux pour moi qu'être trotskiste lambertiste). Ce week-end, à Montpellier, les deux partis vont commencer leur réunification. Un événement historique ou microscopique ? Les deux, mon capitaine.

Les radicaux de gauche ravivent d'abord en moi la nostalgie de mes premiers pas en politique, dans les années 70. Le MRG, comme on l'appelait alors (Mouvement des radicaux de gauche), m'intriguait par son sigle, pas comme les autres : un sapin, qui faisait bizarre à côté de la rose au poing socialiste et de la faucille et marteau communiste. En 1977, son leader, Robert Fabre, un pharmacien (!), m'avait épaté en volant la vedette à Georges Marchais, devant les caméras et micros, accusant le communiste d'avoir rompu l'union de la gauche. Et puis, ce courant disposait d'un jeune intellectuel sympathique, Roger-Gérard Schwartzenberg, autour d'un ouvrage à succès, "L'Etat-spectacle", qui m'avait bien plu à l'époque. En 1981, au premier tour de la présidentielle, je votais pour Michel Crépeau, candidat du MRG : le centre gauche, ça m'allait bien. Depuis, j'en suis resté là !

Bon, on ne fait pas de politique sur la nostalgie. Je crois que le PRG a pris une décision intelligente, contrairement au PS qui refuse de se remettre en cause et se replie sur lui-même. Emmanuel Macron a fait exploser tout le paysage politique. Le PS et le PCF n'existent plus vraiment, remplacés qu'ils sont par la République En Marche et par la France Insoumise. Les radicaux en ont pris acte, en travaillant à leur unité. Leur démarche n'est pas exempte de macronisme, puisqu'à leur tour ils cherchent une alternative qui ne soit ni de droite, ni de gauche. A l'origine, le Parti radical, c'est le parti de la République, et les républicains sont de droite comme de gauche. Quand même, Robert Fabre, Michel Crépeau, le sapin et Roger-Gérard Schwartzenberg, c'était bien ...

jeudi 14 septembre 2017

Jupiter en lit de camp



Vous savez que je suis un soutien ancien, indéfectible, inconditionnel et désintéressé d'Emmanuel Macron. Mais je crois qu'il a commis hier sa première faute politique, pourtant passée inaperçue, et qui n'a soulevé aucune protestation. Nous vivons dans un monde étrange : le président dit une vérité sur les "fainéants" de la classe politique, et c'est le scandale, alors que personne ne réagit lorsque, pendant sa visite aux Antilles, ses services font savoir que le chef de l'Etat a passé la nuit à la gendarmerie, sur un lit de camp !

Croyez-vous que cette couche est digne d'un président de la République ? Bien sûr que non ! La dernière fois que je me suis allongé sur un lit de camp, c'était dans un camping, il y a très longtemps, et je n'en ai pas gardé un bon souvenir. Nos rois d'autrefois dormaient dans des lits magnifiques, qui ne valaient pas simplement pour leur confort, mais pour leur symbolique : le souverain n'est pas un homme comme les autres, jusque dans son sommeil.

Et puis, il y a le côté pratique. Macron n'arrête pas de bosser et de se déplacer. Il mérite tout de même un matelas correct, qui lui permette de bien se reposer et d'être en forme pour traiter des affaires de la France. Imaginez Charles de Gaulle ou François Mitterrand faisant annoncer qu'on a installé un lit de camp pour les héberger dans telle ou telle sous-préfecture : ridicule ! indécent !

Mais je suis trop macronien pour ne pas trouver des raisons dans cette décision qui donneront raison à Macron. Mon intuition, c'est que l'anecdote est trop bête pour être vrai. Notre président a inventé cette histoire de lit de camp ! Il a paisiblement dormi dans un confortable lit, et me voilà rassuré. Mais pourquoi ce mensonge ? Pour plaire à la population, pour la flatter dans sa vanité : un grand homme qui se contente d'un lit de camp ne peut être que bon, c'est un homme du peuple, il nous ressemble. Et ça marche, puisque personne ne s'étonne ou ne condamne. Génial, non ? Sacré Macron ! Même quand je ne suis pas d'accord avec lui, je suis encore d'accord avec lui ...

mercredi 13 septembre 2017

Camarades farceurs



Karl Marx disait que lorsqu'un événement se produit deux fois, la première est sous forme de tragédie, la seconde comme farce. Je pense que c'est ce à quoi nous avons assisté hier en France, dans les manifestations contre la réforme du code du travail : une farce qui voudrait faire croire à une tragédie. Certes, Marx songeait à des événements autrement historiques, puisqu'il visait le tragédien de haute volée, Napoléon Bonaparte, et son pitoyable neveu, Napoléon III, "le Petit", comme s'en amusait Victor Hugo. Toute proportion gardée, nous étions hier aussi dans la farce.

Pourtant, la contestation de cette réforme est parfaitement légitime et respectable. J'irais même jusqu'à dire que sa critique intelligente serait profitable à tous. Hélas, ce n'est pas le cas : une farce reste une farce. Pourtant, il y a eu du monde dans les rues, tout ce que le syndicalisme de lutte de classes et la gauche radicale peuvent mobiliser, mais pas plus, pas au-delà. Où est donc alors la farce ? Dans les images qu'on retiendra : ces manifestants portant autour du cou des pancartes dérisoires sur lesquelles ils se qualifient de "fainéants". Quand on se croit obligés de mentir en déformant les propos du président de la République (voir billet de lundi dernier), c'est qu'on est mal parti, c'est qu'on n'a guère d'arguments à lui opposer. Jouer les farceurs, ce n'est pas très sérieux, ni pour des syndicalistes, ni pour des militants politiques.

Mais le plus grotesque, le sommet de la farce, aura été le ralliement des forains aux manifestations, eux aussi contre les ordonnances. Marcel Campion, leur leader, a rédigé un texte qui est à pisser de rire. Rien que le titre sent la bouffonnerie : "Fête foraine et lutte finale". Je vous invite vivement à en lire l'intégralité sur internet : vous serez pliés. Campion, qui ne cache pas être "riche", appelle à "défier les bien pensants aux côtés des travailleurs", en criant : "No Pasaran !" (c'est tordant, mais je n'invente rien, le texte fait foi). Campion veut être "en première ligne de toutes les manifestations de la colère sociale : avec les syndicats et les insoumis, les bonnets rouges et les blacks blocs (sic), les agriculteurs faillis et les anarchistes ..." Là, je tombe littéralement sur le cul. Le manifeste révolutionnaire se termine par cette déclaration : "Dans toutes les prochaines batailles de la guerre sociale, les forains seront en première ligne".

Mais qu'est-ce qui pousse les forains à jouer les anars et Marcel Campion à se prendre pour Che Guevara ? Tout simplement parce que Macron leur demande de passer par un appel d'offres avant
d'installer leurs manèges et autres attractions. Rien que pour cette raison-là ! Une farce, je vous dis. Karl Marx avait raison.

mardi 12 septembre 2017

Irma fait son show



Emmanuel Macron est aux Antilles, pour constater les dégâts, après le passage de l'ouragan Irma. Pendant plusieurs jours, nous avons subi dans les médias une déferlante d'images, beaucoup indécentes, montrant inutilement le malheur des gens. Des explications, souvent obscures et techniques, ont été données du phénomène naturel : mais qu'est-ce que ces "précisions" apportent à notre information ? Déferlante aussi de vocabulaire, dans une sorte de surenchère : chaos, scène de guerre, enfer, apocalypse, fin du monde, un registre étonnement biblique ... J'ai noté, sur une radio, cette trouvaille littéraire : "ouragan atomique", comme si la nature se faisait bombe nucléaire ...

Comme toute société moderne, nous avons eu droit à quelques chiffres, inlassablement répétés : 95% de l'île a été détruite. Je me demande bien quels sont les 5% qui restent, et par quel miracle ? L'apocalypse normalement emporte tout. Quant aux 1,2 milliards que devront verser les compagnies d'assurances, comment ont-ils été calculés, aussi rapidement ? Peu importe la vérité, l'essentiel est dans le "ressenti", comme on dit aujourd'hui : au jour de la fin du monde, les chiffres doivent forcément être gigantesques.

Il y en a pourtant qui cloche : 10 morts, un chiffre très bas pour une apocalypse qui détruit 95% du territoire. A la même date, le tremblement de terre au Mexique et les inondations en Italie en ont fait beaucoup plus. Mais il faut laisser Irma faire son show sur les écrans. Il y a quand même des déclarations troublantes, dans la presse écrite : "Nous n'avons eu ni mort, ni blessé grave. Toute l'île a été contrôlée et il n'y a strictement aucun problème de ce côté-là. Je n'ai pas de crainte particulière pour les jours à venir". C'est une déclaration de Bruno Magras, président de la collectivité dans l'île de Saint-Barthélemy, le 09 septembre.

Les scènes de pillage sont venues nous interroger : les hommes ne seraient-ils pas plus féroces que la nature déchaînée ? Il faut dire que Saint-Martin et Saint-Barth sont des paradis pour richards, côtoyant la misère la plus terrible d'une partie de la population. Mélenchon, ce faux intelligent qui n'en rate pas une, en a profité pour accabler Macron d'impréparation ! Je confirme : notre président n'est pas Jésus, il n'a aucun pouvoir de calmer les vents et d'apaiser les tempêtes.

Les climatologues sont formels, au grand dam des animateurs de médias (qui ont détrôné les journalistes) : Irma n'a rien d'exceptionnel, la zone a connu des cyclones aussi puissants, il n'y a pas si longtemps. Quant aux historiens, toujours utiles à consulter pour relativiser, ils nous apprennent que le 10 octobre 1780, les Antilles ont affronté un ouragan qui a fait dans toute la région ... 22 000 morts ! Et tenez-vous bien : la métropole n'en a eu connaissance que ... deux mois après ! Quelle chance nous avons : avec BFMTV et les autres, Irma peut faire son show, comme il était impossible et inimaginable autrefois.

lundi 11 septembre 2017

Les fainéants ne sont pas contents



L'activité politique se passe rarement d'une dose de mauvaise foi, de mensonge et de manipulation. Mais contre Emmanuel Macron, la malhonnêteté se déploie à un niveau inégalé. Son magnifique discours sur l'Europe (voir billet de samedi) a été volontairement occulté, saboté par une polémique sur les "fainéants", faisant dire au président ce qu'il n'a jamais dit. Car ce n'était évidemment pas les Français qu'il visait (il faut s'appeler de Gaulle pour les traiter de "veaux" sans que personne ne songe à s'en plaindre), mais la classe politique, cette élite qui ne supporte toujours pas qu'un homme jeune, non issu de ses rangs, ait accédé à la présidence suprême. Alors, pour le discréditer, on ment !

Ce qui est amusant, c'est que les qualificatifs de "cyniques" et d'"extrêmes", pourtant beaucoup plus cinglants, ont fait beaucoup moins réagir. La raison en est que si la fainéantise peut se cacher en faisant semblant, le cynisme et l'extrémisme explosent à la figure de ses tenants. En tout cas, Macron a fait mouche : s'indigner faussement à ce mot de "fainéant", c'est prouver sans le vouloir qu'on se sent visé. Le président de la République a fait sortir le loup paresseux du bois.

Oui, fainéantise d'une classe politique qui depuis 30 ans répète les mêmes recettes qui n'ont rien donné, qui a du mal à imaginer quelque chose de neuf. Mais fainéantise aussi de la classe médiatique, qui privilégie, BFMTV en tête, la facilité du spectacle et du commentaire, qui a tué l'information et le journalisme. Fainéantise enfin de la classe intellectuelle, qui ne produit que des penseurs secondaires : pour un Badiou et un Houellebecq, combien d'essayistes médiocres, plaisants et complaisants, que l'histoire ne retiendra sans doute pas ? Où sont les Sartre, Deleuze, Foucault et tant d'autres d'il y a 40 ou 50 ans ? Oui, fainéantise de la pensée actuelle.

Emmanuel Macron a un très grand mérite : celui du mot juste et du parler vrai. Tant pis si cela "choque" ! Le vieux monde ne se laissera certes pas faire. Il se battra tant qu'il pourra pour sauvegarder son influence, ses prérogatives, ses privilèges. Macron, tiens bon contre lui ! Vous vous souvenez de cet autre mot qui avait fait scandale : "illettrés". Eh bien, un rapport officiel vient d'être publié il y a quelques jours, montrant qu'une entreprise sur deux est touchée par des phénomènes d'illettrisme. Tenir bon, parce que la vérité, aussi dure soit-elle, doit être dite. Voilà une attitude nouvelle pour un personnage public. Je suis persuadé que les Français apprécient et que les manipulations et les mensonges échoueront.

samedi 9 septembre 2017

L'Europe des peuples



Si Irma n'avait pas focalisé l'attention des médias, l'intervention d'Emmanuel Macron à Athènes sur l'Europe aurait fait l'événement. Mais voilà : un discours prête moins au spectacle qu'un ouragan. C'est pourtant un texte fondateur, qui fera date. On se souvient que pendant ses meetings de la campagne présidentielle le candidat avait mêlé drapeaux nationaux et drapeaux européens. Macron était le premier, il fallait oser, devant une opinion française plutôt antieuropéenne. La ferveur du président est demeurée intacte : c'est ce qu'il a exprimé avant hier en Grèce.

Le choix de ce pays pour une déclaration d'amour à l'Europe n'est pas anodin. La Grèce est une vieille civilisation méditerranéenne : l'orient commence chez elle. Or, l'Europe a été trop souvent conçue comme strictement occidentale, anglo-saxonne, atlantiste. Le vrai clivage est là, de nature culturelle, pas entre les tenants d'une Europe fédérale et les partisans d'une Europe des nations (débat éculé), pas entre une Europe du marché et une Europe sociale (elle est et sera les deux). Il y a une dizaine d'années, DSK avait déjà anticipé et pensé cette Europe ouverte, méditerranéenne. Pas étonnant d'ailleurs que les Anglais ne se soient jamais sentis très européens : la réticence de leur part est surtout culturelle.

Le choix de la Grèce, pour délivrer un message sur la refondation de l'Europe, est aussi motivé, selon moi, par une raison politique : ce pays a été sauvé de la faillite et de l'effondrement, il y a un an, grâce à l'Europe. Il a choisi, contrairement à la Grande-Bretagne, de rester dans l'Union européenne, par la volonté de son dirigeant, Alexis Tsipras, leader aussi admirable qu'Angela Merkel.

Du discours d'Emmanuel Macron, je relève deux propositions essentielles. D'abord, organiser dans toute l'Europe, l'an prochain, des conventions démocratiques, qui s'ouvriront à tous les citoyens, directement, pour débattre de l'Europe qu'ils veulent. Jusqu'à présent, nous avions une Europe des électeurs, certes parfaitement démocratique, envoyant ses représentants au Parlement européen. Mais il lui manquait une dimension de démocratie directe, participative : ce sera fait. L'annoncer dans le pays qui a inventé la démocratie n'est pas là non plus un hasard.

Deuxième initiative, encore plus décisive : aux prochaines élections européennes, ne plus voter pour des listes nationales, qui sont contradictoires avec la nature du scrutin, mais promouvoir des listes transnationales, sur lesquelles les nationalités seront mélangées. Voilà deux mesures concrètes, institutionnelles, qui feront avancer la construction européenne, en associant les peuples et en renforçant cette souveraineté européenne dont parle souvent Emmanuel Macron et dont l'émergence sera l'événement majeur du XXIème siècle sur le continent.

vendredi 8 septembre 2017

Pierre Bergé, riche de gauche



La disparition de Pierre Bergé m'amène d'abord à saluer un homme de culture comme on en voit aujourd'hui rarement dans l'espace public. Avec la prédominance de BFMTV, de Facebook et de Twitter, c'est le règne de la vulgarité assumée et fière d'elle-même, qu'avant on cachait en se taisant, de honte. Bergé était un lecteur, un esthète, un mécène, un homme de la Renaissance. Surtout, il avait cette façon de parler, lente, exacte, intelligente qu'on ne trouve plus aujourd'hui dans nos débats, où l'on s'exprime vite, en bafouillant et d'une manière approximative.

Ce que je retiens ensuite de Pierre Bergé, c'est le militant de la cause homosexuelle, dont on finit par oublier, maintenant que les LGBT sont à la mode, combien son combat a été douloureux et longtemps marginal. Bergé menait cette lutte avec détermination, mais sans ostentation. Je crois qu'il voulait tout simplement que les homos soient traités comme tout le monde.

Et puis, il y a le Pierre Bergé homme de presse, investissant dans les journaux et les magazines, qui me plait aussi beaucoup pour une raison personnelle : j'ai un peu travaillé, en 1985, pour la revue "Globe" dont il était l'initiateur, avec Benhamou. Ce n'était pas encore du macronisme, mais c'était déjà une forme de gauche libérale-libertaire, comme on disait à l'époque !

Ce qui me conduit au Pierre Bergé que j'admire sans doute le plus : l'homme de gauche. Il a soutenu François Mitterrand, s'est retrouvé engagé dans la plupart des combats menés par la gauche socialiste et a rejoint Emmanuel Macron l'an dernier, j'ai envie de dire : en toute logique ! On lui a fait le procès qu'on fait aujourd'hui à notre président et qu'on a fait autrefois à d'illustres hommes de gauche : être riche et socialiste, comme s'il y avait contradiction ! Mais non : Robespierre, Lénine et Che Guevara étaient des révolutionnaires d'origine bourgeoise. Ce n'est pas la condition sociale qui est déterminante pour un grand homme, ce sont ses idées, sa sensibilité. Croire que les convictions intimes sont motivées par des intérêts personnels est une pensée vulgaire.

Pierre Bergé était un riche de gauche, et c'est ce qui m'épatait chez lui. Un riche est généralement de droite et vote à droite. Lui, Bergé, s'en moquait et choisissait le camp qui lui semblait le plus vrai, le plus juste. Pour ma part, sans richesses, je n'ai aucun mérite d'être de gauche, fonctionnaire de surcroit. Mais avoir plein de fric et voter socialiste, oui, c'est digne d'admiration, c'est presque contre-nature. Et les pauvres qui votent à droite ? Là, c'est un peu plus mystérieux à mes yeux, mais chapeau bas, admirables eux aussi. Quant aux pauvres qui choisissent l'extrême droite, ça dépasse mon entendement parce que ça confine à l'imbécilité. Heureusement qu'existent de toute éternité des hommes comme Pierre Bergé, progressiste, libre et intelligent.

jeudi 7 septembre 2017

La guerre nucléaire aura bien lieu



Dans tout le fatras de l'actualité, où nous trouvons tout et n'importe quoi qui ne durent que quelques heures, un seul sujet est vraiment sérieux, durable et politique : le conflit entre la Corée du Nord et les Etats-Unis d'Amérique, le risque de guerre nucléaire qu'il fait peser sur la planète. A côté, même le catastrophique réchauffement climatique parait moins tragique. La guerre nucléaire, qui n'a jamais eu lieu, est l'apocalypse des temps modernes, pas l'ouragan Irma, malgré le spectacle médiatique autour de ce désastre naturel. La guerre nucléaire, il n'y a qu'au cinéma, dans la fiction, qu'on l'a mise en scène.

Pourtant, Hiroshima et Nagasaki nous en ont donné un avant-goût, mais si peu par rapport à la véritable guerre nucléaire aujourd'hui possible, d'une puissance de déflagration autrement plus grande que les bombes américaines sur les villes japonaises. L'humanité n'a vraiment tremblé, mais on l'a un peu oublié, qu'au début des années 60, dans l'affaire des missiles à Cuba, entre les USA et l'URSS. Toute cette période a été hantée, dans les films et les livres, par le spectre de la guerre nucléaire, qui depuis a disparu, qui revient seulement de temps en temps, comme en ce moment, avec ce qui se passe en Corée.

Cet oubli d'une fin du monde par le feu nucléaire universel est étonnant, car la seule frayeur contemporaine est celle-là. C'est peut-être pour cette raison que nous la refoulons. Nos peurs sont sélectives : nous n'acceptons de trembler qu'à ce qui n'est pas bien méchant. Ne me dites pas que la raison vient de ce que la guerre nucléaire n'est qu'une hypothèse, que la stratégie de la dissuasion l'empêchera de se produire, tant les effets seraient gigantesques. Non, ce ne sera pas la première fois que l'humanité basculera dans la folie. Et puis, a-t-on jamais vu dans l'histoire qu'on fabrique une arme ou une technique dont on ne se serve pas ?

Le problème n'est donc pas de savoir si la guerre nucléaire aura lieu, ni entre qui, mais à quel moment, maintenant, dans quelques décennies ou quelques siècles. Car il y aura forcément quelque part un tyran ou un malade qui appuiera sur le bouton. Cela devrait nous faire réfléchir, mais c'est tellement horrible que nous ne préférons pas. Le pire est sans doute que ce ne sera pas le pire : la fin du monde ne sera pas la fin de tout. Plusieurs centaines de millions de victimes à la suite d'un conflit atomique, plusieurs générations impactées par les radiations nucléaires, une grande partie de la planète dévastée, brûlée n'empêcheront pas la vie de subsister et l'humanité de poursuivre son histoire : plusieurs centaines de millions de survivants resteront pour en témoigner et la civilisation continuera. Si le choix était radical entre la bombe et le néant, nous aurions une petite chance d'y réchapper, un instinct de survie ténu mais réel, une étincelle d'intelligence intacte. Ce ne sera pas le cas. La guerre nucléaire aura un jour bien lieu.

mercredi 6 septembre 2017

5 euros, les proprios !



L'appel d'Emmanuel Macron aux propriétaires de baisser de 5 euros leurs loyers a surpris, amusé ou consterné. Ces réactions prouvent une chose : notre président n'a pas fini de nous surprendre. Ses prises de position n'entrent pas dans les habitudes de la classe politique. Et pourtant, quoi de plus légitime que de demander aux propriétaires de faire ce modeste effort ? Drôle de pays que la France : toujours prompt à tenir des discours révolutionnaires, à défendre l'égalitarisme, à vouloir faire payer les riches. Mais quand on demande aux propriétaires (qui ne sont pas parmi les catégories sociales les plus à plaindre), de contribuer à la solidarité générale, on s'en offusque, on sourit, on trouve la mesure dérisoire ...

Le débat est loin d'être superficiel ; il est au contraire fondamental. Je pense à cette formule de Lionel Jospin, tellement juste et vraie qu'elle en était scandaleuse à admettre : "L'Etat ne peut pas tout". C'est exactement la leçon de ces 5 euros, qui passent de la baisse des APL à la baisse des loyers. Pourquoi toujours réclamer plus à un Etat qui est pris dans des déficits vertigineux ? Comme si le gouvernement était responsable de tout, coupable de tout ! Ces 5 euros, qu'on se repasse comme une patate chaude, pourquoi ne seraient-ils pas pris en charge par les propriétaires ? A l'Etat, c'est-à-dire à la collectivité, aux contribuables, la facture est lourde ; mais le sacrifice est individuellement léger aux propriétaires.

Comment ceux-ci vont-ils réagir ? Défendre sans doute bec et ongles leurs 5 euros ... On demandera alors à Macron d'"encadrer" les loyers. Ils le sont déjà, suffisamment. On ne peut pas constamment se tourner vers la loi pour résoudre tous les problèmes. Ces 5 euros n'en valent pas la peine. Mais rappeler à chacun ses responsabilités, comme l'a fait le président de la République, c'est une excellente décision. On a beaucoup parlé ces temps-ci de moralisation de la vie politique ; mais l'intention vaut pour tous les aspects de la vie sociale.

Je connais bien mon Macron. Sa sortie sur les propriétaires correspond à sa psychologie profonde. N'oublions pas qu'il a exonéré d'ISF les biens mobiliers, pas les immobiliers. Macron déteste la rente, l'argent qu'on investit dans la pierre, le réflexe petit-bourgeois de retaper une maison ou d'acheter un appartement pour les louer. Notre président n'admire que les entrepreneurs, les innovateurs, ceux qui prennent des risques, le capital conquérant et créateur. La France des propriétaires, c'est celle du XIXème siècle, d'une société qui ne se développe pas ou peu. Macron rêve à une France qui entrerait dans le XXIème, qui aurait d'autres ambitions, qui participerait au dynamisme économique. Cette France-là mérite de réclamer 5 euros aux proprios.

mardi 5 septembre 2017

Je ne suis pas Wikipédia



J'aime beaucoup notre Premier ministre, Edouard Philippe. La politique de son gouvernement, bien sûr ! Mais surtout sa personnalité : ce barbu tranche, dans notre classe politique lisse et imberbe. Il me fait penser à Monsieur Hulot, dans les film de Jacques Tati : grand, mince, ne sachant pas où mettre ses bras, apparemment maladroit. Ne croyez pas que je me moque : c'est au contraire un hommage. Hulot n'est embarrassé que dans le regard des autres : c'est en réalité un personnage fin, sensible, intelligent, comme notre Premier ministre.

Hulot-Philippe, ce sont surtout des rebelles, à leur façon, pas commune mais authentique : de gentils rebelles ! Le héros de Jacques Tati, sans être un violent révolutionnaire, conteste doucement et ridiculise la société de consommation qui s'installe dans les années 60. Et Edouard Philippe ? Il conteste notre culture médiatique, qui a envahi tout l'espace politique. Le journalisme s'est transformé en quiz, où il n'est plus question d'idées générales mais de précisions techniques (ce qui revient à nier le politique). Le style Wikipédia s'impose partout : sa norme, c'est la notice longue, détaillé, complexe et donc incompréhensible.

Le Premier ministre a décidé de rompre avec cette culture ambiante, ce conformisme de notre temps. Devant Bourdin, sur RMC, la semaine dernière, il hésite, bafouille, se corrige, diffère ses réponses et reconnaît son ignorance : bravo ! Enfin, un homme qui est un homme, pas quelqu'un qui prétend tout savoir et qui fait semblant. Après que Macron ait pris ses distances avec le règne du commentaire permanent, qui est la loi des chaînes d'information continue, Philippe refuse de se soumettre au roi Wikipédia et à la souveraine Quiz : résistance ! comme on dit chez Mélenchon.

Ne croyez pas que je ne consulte pas Wikipédia : mais c'est rare, et quand je sais ce que je cherche, dans une démarche purement informative. Sinon, Wikipédia comme le journalisme Quiz sont des désastres intellectuels. Il n'y a pas de réflexion, pas d'idée dans une notice Wikipédia : seulement des informations dans lesquelles on se noie, qui n'ont pas de sens. Et pourquoi ce résultat ? Parce que Wikipédia est l'aboutissement d'un collectif livré à lui-même.

Sans guide, sans orientation, sans finalité, tout collectif génère de la bêtise. Wiki, Quiz, Facebook, info continue : c'est les piliers de la bêtise contemporaine. Il n'y a que ceux qui sont intellectuellement armés d'avance qui peuvent s'en sortir et en tirer profit. Les autres en deviennent plus abrutis qu'ils ne sont. Autrefois, les dictionnaires étaient des monuments d'intelligence, parce qu'ils étaient rédigés par des individus, pas un collectif informe. Dans le dernier JDD, en proclamant "Je ne suis pas Wikipédia", le Premier ministre de la France a tenu un propos révolutionnaire passé quasiment inaperçu.

lundi 4 septembre 2017

Une rentrée sous Macron



Il y a la rentrée scolaire dans la rentrée politique : allez savoir quelle est la plus redoutable des deux pour un gouvernement ! Les enseignants, les parents et ces futurs électeurs que sont les élèves, ça compte, politiquement. En salle des profs, dans la cour et les couloirs, qu'est-ce qui se disait ce matin ? Les petits groupes en CP sont évidemment bien perçus, tout comme la liberté de choix dans l'organisation de la semaine, les fameux rythmes scolaires. Rien que ça et la rentrée est gagnée !

Mais il n'y a pas que ça : au collège, le retour des classes bilangues, des sections européennes, du latin et du grec sont salués. Et puis, l'Education nationale, c'est avant tout un homme (ou une femme), son ministre. Celui-là, Jean-Michel Blanquer, passe plutôt bien auprès des profs. Il est sérieux, compétent, presque timide. C'est un ancien recteur, qui connaît son monde et la maison : il met en confiance. Il faut dire que nous en avons connu des vertes et des pas mûres : des politiques qui voulaient casser la baraque et crachaient sur le personnel (Allègre), d'autres qui nous cajolaient dans le sens du poil et ne faisaient strictement rien (Bayrou). A l'Education nationale, on enfile les réformes comme d'autres enfilent les perles : on finit par se demander à quoi ça sert !

Pour ma part, je crois que Blanquer peut jouer un rôle historique dans notre grande institution : dépasser le clivage de 30 ans entre pédagogues et conservateurs, entre tenants de l'éducation et partisans de la transmission. Cette distinction est idiote. Personnellement, il me semble qu'un des grands problèmes actuels, qui est aussi générationnel et sociétal, c'est celui de l'autorité dans les classes, thème qui appartient aux conservateurs. Mais comment le dissocier du savoir faire devant et avec les élèves, qui est le dada des pédagos ? Je me suis toujours senti un pied dans les deux camps. J'ai l'impression que le nouveau ministre aussi, et c'est tant mieux.

Enfin, il y a les questions de porte-monnaie, qui ne sont pas méprisables. Le rétablissement du jour de carence, le gel du point d'indice (qui bloque les rémunérations), la hausse de la CSG ne font pas plaisir à tous. Que répondre ? Que la réduction des cotisations sociales et la suppression progressive de la taxe d'habitation vont redonner du pouvoir d'achat. La diminution des contrats aidés font aussi grincer des dents, mais les chiffres qui circulent sont autant catastrophistes que fantaisistes, sans parler des possibles confusions entre contrats aidées et d'autres qui ne le sont nullement, donc pas du tout menacés. La vérité, c'est qu'il y aura certains maintiens et compensation avec les services civiques. "Si les employeurs avaient fait leur boulot, nous n'en serions pas là ..." a judicieusement lancé un responsable de mon établissement. Rappelons aussi que 8 000 AVS (auxiliaires de vie scolaire, qui s'occupent des élèves handicapés ou en difficulté) sont recrutés et que le budget de l'Education nationale va augmenter en 2018 de 1,2 milliards d'euros. A part ça, bonne rentrée !

samedi 2 septembre 2017

Service après vente



Il est bon d'adopter une réforme comme celle du code du travail (voir billet d'hier). Mais il est indispensable de la "vendre" auprès de l'opinion. Sinon, il arrivera à Macron ce qui est arrivé à Hollande : des réformes incomprises et contestées, par défaut d'explication et de pédagogie. La grande différence, c'est que l'actuel président est soutenu par des troupes unies et motivées, qui peuvent porter sa parole, alors que l'ancien avait hélas été trahi par les siens et son propre parti.

Facile à "vendre", cette réforme ? Non, pas du tout. Non pas parce qu'elle serait mauvaise, mais parce qu'elle est essentiellement juridique et technique : une matière qui prête mal à la pédagogie. Surtout, cette réforme ne vaut que pour son objectif : encourager l'emploi dans les petites et moyennes entreprises. Il faudra attendre au moins quelques mois pour en percevoir les premiers bénéfices.

Je crois donc que les Français sont actuellement réservés, prudents : trop déçus et échaudés par les politiques passées, ils attendent de voir les résultats avant de se prononcer. Et ils ont raison ! Le coup de génie d'Emmanuel Macron, c'est d'avoir, avec cette réforme de tous les dangers, désamorcé leur méfiance et leur hostilité. Bien sûr, l'extrême droite et la gauche radicale manifesteront contre, mais la majorité de l'opinion ne se joindra pas (même le PS n'appelle pas à se mêler aux cortèges).

C'est qu'à la lecture des ordonnances, nous ne trouvons rien de scandaleux, qui pourrait donner prise à une forte contestation sociale, de l'ampleur de celles que nous avons connues par le passé. Il n'y a qu'un seul point qui pourrait porter à litige, parce qu'il est évocateur auprès de l'opinion : le barème des dommages et intérêts dans les tribunaux prudhommaux. Les salariés perçoivent cette instance comme un lieu de revanche sociale, où ils espèrent pouvoir gagner à tous les coups. Les prud'hommes, c'est un peu la lutte des classes du pauvre. Les grands patrons, qui peuvent payer, s'en moquent. Mais les PME et TPE souffrent de l'incertitude des sanctions qui menacent de s'abattre sur elles et freinent de possibles embauches. L'instauration de ce barème, qui ne concernera pas les situations les plus graves, n'est donc que justice.

Puisqu'il est question de "vendre" la réforme du code du travail, l'une de ses dispositions est à mettre en avant, car elle met à mal toutes les critiques contre le "président des riches" (comme si les voix de ces derniers avaient suffi pour porter Macron à l'Elysée ! Passons sur cette stupidité) : les indemnités de licenciement sont augmentées dès maintenant de ... 25%. Ce n'est pas une paille ! Macron, "président des riches" ? Non, plutôt "président des chômeurs" ! Le reste n'est que propagande et mauvaise foi.

vendredi 1 septembre 2017

En avant la réforme !



En trois mois et au cœur des vacances d'été, le nouveau gouvernement a réussi à faire passer des réformes magistrales : la moralisation de la vie politique, qui rompt avec 50 ans d'habitudes parlementaires, et la réforme du code du travail, qui va surtout faciliter les embauches dans les TPE. On a rarement vu un pouvoir aller aussi rapidement, avec une telle efficacité. Le plus spectaculaire est la réforme présentée hier, qui devait soi-disant déboucher sur "l'explosion sociale". On voit bien qu'il n'en sera rien : le Medef est satisfait, FO approuve certaines dispositions, la CFDT est déçue mais ne s'oppose pas, la droite est silencieuse, le PS n'existe plus.

Qui Macron peut-il craindre ? La CGT et la France insoumise, c'est-à-dire une caricature d'opposition, parfois grotesque, qui avait décidé de manifester avant même de connaître le contenu des ordonnances ! Comment Macron est parvenu à ce miracle ? Par une méthode toute bête : des négociations bilatérales au lieu d'une grand messe, type conférence salariale, où toutes les organisations se retrouvent et font de la surenchère. La politique comme la vie sont souvent des questions de méthode autant que de contenu.

A part ça, pourquoi Macron réussit-il magnifiquement là où Hollande avait lamentablement échoué, la loi El Kohmri, alors que les deux textes sont de même inspiration, que celui de Macron va même plus loin ? Quatre raisons à cette stupéfiante réussite :

1- Macron fait ce qu'il avait annoncé, sans surprise. Hollande n'avait rien dit d'une réforme du code du travail.

2- Macron intervient en début de mandat, Hollande à la fin.

3- Macron a une approche technique, au sein d'un gouvernement d'experts. L'approche de Hollande était très idéologique (on se souvient du débat autour de "l'inversion des normes", que Macron a évité).

4- Macron, aussi rapide qu'il soit, a pris le temps de la concertation, alors que le gouvernement de Hollande a brandi dès le début le 49-3.

Cette réforme du travail n'est pas une finalité en soi. Elle sera suivie par d'autres réformes, portant principalement sur les retraites, la formation professionnelle et l'assurance chômage. Rapidité, efficacité, anticipation, concertation : le train des réformes va de l'avant, à travers un projet solide et sérieux. Emmanuel Macron nous comble au-delà de toute espérance !