jeudi 2 février 2017

Une nouvelle philosophie, le dégagisme



C'était dimanche soir, lors de la soirée électorale des primaires, à la télévision. L'un des invités était la porte-parole du Parti de Gauche, la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. La personne a employé un mot que je n'ai pas d'abord bien compris, croyant avoir mal entendu : le dégagisme. Mais non, c'était bien ça. Des idéologies à gauche, j'en ai connues et j'ai beaucoup lu : le socialisme, le communisme, le radicalisme, le républicanisme, le progressisme, l'écologisme, le trotskisme, le maoïsme, l'anarchisme ... Mais le dégagisme, je n'en avais jamais entendu parler. Voilà, c'est fait, depuis dimanche soir. Il y a un commencement à tout.

Quelque chose aurait dû pourtant me mettre la puce à l'oreille. Avez-vous remarqué le logo de la campagne de Mélenchon ? Il est bizarre, énigmatique, incompréhensible et difficile à décrire. Il faudrait que je vous fasse un dessin : c'est une sorte de serpent ou de ruban qui termine en haut par une boucle sur lui-même. Il faut être un fin lettré pour savoir qu'en réalité c'est une lettre, en grec ancien, phi, qui a donné phi-losophie, dont c'est le symbole. Attention les yeux : le dégagisme est bel et bien une nouvelle philosophie, un système de pensée. Mais en quoi consiste-t-il ?

C'est assez simple : comme le socialisme met en avant la question sociale, comme le communisme prône une mise en commun des moyens de production, comme le républicanisme défend le régime républicain, comme le progressisme milite pour le progrès, comme le trotskisme et le maoïsme se réclament respectivement de Trotski et de Mao, le dégagisme repose intellectuellement sur un principe, une idée, un slogan : dégage !

La pensée est dans le mot, comme le poussin est dans l'œuf ou le ver dans le fruit. A l'origine, la formule est apparue pendant le Printemps arabe, lorsque les peuples sont descendus dans la rue pour chasser les dictateurs. En France, nous n'avons pas besoin, les élections remplacent la rue ; nous n'avons pas de dictateurs mais des présidents. Ca ne fait rien, l'idée marche quand même : dégage !

Dégage ! Mais dégager qui ? N'importe qui, tous ceux dont on a envie qu'ils dégagent. C'est une idéologie pulsionnelle. Les mélenchonistes en font leur grille de lecture du monde et de la société, que la réalité selon eux confirme : Sarkozy a dégagé, Hollande a dégagé, Valls a dégagé et il se pourrait bien que Fillon, qui a dégagé Juppé, ne soit en train de dégager à son tour.

Mais dégager pourquoi ? Pour rien, parce qu'ils sont ce qu'ils sont, des hommes de pouvoir, qui l'occupent, l'ont occupé, veulent l'occuper. Leur politique est relativement secondaire. Le dégagisme est une philosophie qui s'en prend autant aux responsables de la droite que de la gauche. L'important n'est pas ce qu'ils font, ont fait ou feront : non, l'essentiel est qu'ils dégagent.

Même si vous n'êtes pas dégagistes, prononcez ce mot, bien fort : dégage ! Après, on se sent mieux, comme quand on prend une pastille Valda parce qu'on est enrhumé. A Marine Le Pen, on pourrait aussi crier : dégage ! et je ne serai pas loin de m'y associer. Mais il y a un petit problème : ceux qui lancent ce mot d'ordre puissant, dégage ! ne risquent-ils pas de se voir l'entendre dire à leur propos, à la façon du boomerang qui nous revient en pleine figure ou de l'arroseur arrosé ? Voilà la limite, peut-être la contradiction de cette nouvelle philosophie, le dégagisme.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

mais si il vous arrive d'avoir de l'humour;billet bien "torché" qu'on a plaisir à lire ( j'aime assez les idées de Mélenchon mais le personnage me hérisse le poil et son "toujours contre..." devient lassant

Philippe a dit…

dit autrement et de façon lapidaire : les révoltés d'aujourd'hui sont les dictateurs de demain.

Anonyme a dit…

Il y avait déjà sous la troisiéme et la quatriéme le slogan ; sortez les sortants ... Mais comme le sport écrase tout avec la télé , allez Manu dégage loin tous ces incapables ... Ouf qu'est ce que on va se sentir soulagé pour une semaine peut être mais aprés ....

Anonyme a dit…

Est-ce vraiment neuf ce "dégagisme" ? Autrefois on disait "sortez les sortants". Ce n'est que la conséquence de l'exaspération d'une partie des Français, d'ailleurs les partis font également du "dégagisme" par les primaires qui ont vu et passer à la trappe :Cécile Duflot, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, Arbuad Montebourg et Manuel Valls. Certains peuvent se mettre en réserve en espérant des jours plus fastes, favorables.
C'est Jean-Luc Mélenchon qui a mis en avant ce concept avec le slogan "je vote, ils dégagent" ou bien avant "que se vayan todos".
Cela n'a donc rien d'une philosophie ! Il ne convient pas de lui accorder une importance surjouée dans la mesure où nos hommes politiques ne savent pas se retirer de la vie publique avant un âge avancé à la différence de la plupart des autres pays européens.

Anonyme a dit…

Une majorité de Français veulent que Fillon DÉGAGE ! Nous aurons vraisemblablement un deuxième tour Le Pen contre Macron. Macron, un Hollande bis (c'est lui qui avait concocté le fabuleux programme de notre Président). Emmanuel Macron/Mousset en a rêvé, Fillon l'a fait.

Philippe a dit…

Le dégagisme est une pratique comme celle de Mr Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir.
Aux dernière régionales les "gens de gauche" qui ont voté LR (liste Xavier Bertrand) l'ont fait pour dégager le FN du pouvoir régional. A moins qu'entre les deux tours ils se soient convertis ...
c’est possible à notre époque venteuse propice aux girouettes.
Au 2ème tour de 2002 il en a été de même …
Les 2èmes tours des élections de la « démocratie » à la française vont toutes être des élections de dégagisme si le bipartisme FN/Les Autres continue !

yvesgerin a dit…

Ne voit on pas le phi grec du philosophe!?

yvesgerin a dit…

Les ouvriers voteront Le pen ,les chômeurs,les pauvres, les jeunes,Pourquoi ?

O O a dit…

Les ouvriers voteront Le Pen ,les chômeurs,les pauvres, les jeunes,Pourquoi ?
C'est la glorieuse incertitude du suffrage universel accordé à tous sans autre restriction que des questions d'âge et de nationalité outre l'obligation de figurer sur la liste électorale.