dimanche 4 juin 2017

Paris en révolution





La traditionnelle visite d'un quartier de Paris,  en compagnie des étudiants de l'UTL de Cambrai (voir, à la même date, les billets des précédentes années), a porté hier sur le Louvre, les Tuileries et la Révolution française, avec deux incursions dans l'art contemporain : la pyramide de Pei et les colonnes de Buren, qui ont l'une et l'autre déclenchées d'incroyables polémiques il y a 30 ans, à la fois esthétiques, juridiques, politiques et idéologiques. Aujourd'hui, le temps a fait son œuvre : on vient les admirer de France et du monde entier.

Au Palais Royal, j'ai fait mon révolutionnaire, monté sur un banc, une invisible épée à la main, un pistolet dans l'autre, haranguant mon public mais aussi les passants surpris de voir et d'entendre Camille Desmoulins presque en personne, lancer en ce lieu le départ de la prise de la Bastille, qui commença vraiment ce 12 juillet 1789, par l'appel aux armes du jeune Guisard. Non loin est mort Fragonard, d'une mort délicieuse et enviable, en dégustant une glace. Plus loin encore, une dame, le 13 juillet 1793, est venue acheter dans l'une des boutiques un couteau de cuisine, non pour éplucher des patates, mais pour tuer Marat dans sa baignoire, qu'immortalisa David.

Sorti du Palais, le groupe a prestement remonté la rue Saint-Honoré, jusqu'à l'appartement d'Olympe de Gouges, où je suis cette fois devenu femme (j'ai des talents de transformiste, mais seulement en cette occasion), proclamant quelques extraits de l'étonnante Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, rédigée en 1791, et encore plus étonnamment dédiée, par cette révolutionnaire féministe avant l'heure, à la reine Marie-Antoinette. Les dames m'ont fort applaudi.

Sur les marches de l'église Saint-Roch, nos pensées sont retournées à Fragonard et sa malheureuse glace, puisque le peintre est inhumé dans ces murs. Mais c'est un souvenir plus terrible qui nous a émus : le 5 octobre 1794, un jeune militaire prouvait à la République qu'elle pouvait compter sur ses services, en écrasant une émeute royaliste et faisant 200 morts. L'homme a eu par la suite un belle carrière politique. Pour l'heure, il ne s'appelait encore que Bonaparte.

Au 209 de la rue Saint-Honoré, un autre personnage aura marqué son temps, tout aussi efficacement, mais plus discrètement : le docteur Guillotin, qui inventa la machine de mort dressée dans le quartier, place de la Concorde. Sa rue voyait passer les charrettes qui transportaient les condamnés. Le médecin avait sous ses yeux et ses fenêtres le résultat de son ingéniosité. Comme Bonaparte et quelques autres, il prétendait travailler pour le bien de l'Humanité.

Nous avons bifurqué rue du 29-Juillet pour rejoindre les jardins des Tuileries. Devant le grand bassin, je me suis fait une tête de Robespierre. Le 8 juin (une journée importante pour moi) 1794, l'Incorruptible a présidé dans ce bucolique décor à la gigantesque fête de l'Etre suprême (qui n'était pas lui, sans qu'on sache trop bien qui). J'ai lu un intéressant discours de cet apprenti philosophe, qui explique que la morale ne peut tenir sans la religion, qu'il ne faut s'en prendre au culte établi (nous sommes en pleine déchristianisation) qu'avec prudence.

Nous avons terminé la révolutionnaire promenade par où nous l'avions commencée : la fameuse pyramide, où le car pour l'Aisne nous attendait. Sur la route du retour, comme chaque année, j'ai soumis les étudiants à un questionnaire, pour rafraichir les mémoires. Xavière a gagné, 8 bonnes réponses sur 10. Bravo, et vive Paris, et vive la Révolution !


En vignette : ça ne se voit pas, mais je suis sur une colonne de Buren, lisant l'article de Roger Peyrefitte, paru dans le Figaro du 15 mai 1986. L'écrivain se rend au Palais Royal pour dénigrer, il en revient séduit, convaincu, converti ... et le dit !

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