jeudi 26 octobre 2017

Février en Octobre


Depuis quelques semaines, les ouvrages, magazines et documentaires sur le centenaire de la Révolution russe sont nombreux. S'il le faut, j'en conseille un seul : le hors-série de L'Humanité, très complet et très intéressant, puisqu'il nous conduit à cette question : que pense ce qui reste du communisme français de ce qui reste de la révolution d'Octobre ? Car c'est l'ambulance qui regarde passer le corbillard de l'Histoire.

Dans cet événement plein de propagande c'est-à-dire de mensonge ou d'oubli (mais c'est la même chose), l'erreur majeure est de croire que la Révolution, moment le plus formidable du XXème siècle après l'homme sur la Lune, ait eu lieue en octobre 1917. Non, c'est en février que tout a commencé et c'est en octobre que tout s'est terminé. Au début de cette incroyable année, le régime tsariste s'effondre presque sans résistance, alors que son chef exerçait le plus absolu des pouvoirs sur terre à cette époque. C'est un incompréhensible mystère : la défaite d'une autocratie séculaire en quelques jours seulement.

Double mystère : la Russie est archaïque, paysanne, orthodoxe. Elle n'a pas connu son siècle des Lumières et se montre pourtant plus révolutionnaire que l'industrielle Angleterre ou la républicaine France. En Février et pendant plusieurs mois, le plus vaste pays du monde va connaitre un happening permanent, un mai 1968 avant l'heure et sans Paris. Des comités populaires se créent partout, jusque dans l'armée. Le gouvernement est constitué de socialistes et de libéraux : la démocratie parlementaire se met en place. Lénine est inconnu, Kerenski est follement populaire. Mais il y a la guerre et il faut prendre des mesures d'autorité. C'est là que les choses se gâtent.

Lénine revient d'exil, il ne jure que par la paix, ce qui fait les affaires de l'Allemagne ennemie. C'est un violent, un fanatique, un bolchévik, c'est-à-dire un minoritaire. Il s'en moque autant qu'il se moque du parlementarisme. En bon communiste, il ne croit qu'en ce que je déteste : les rapports de force. Octobre n'est une révolution que pour ceux qui aiment les légendes. La vérité historique, c'est que c'est un coup d'Etat, où les militants et les militaires (qui souvent se ressemblent) s'emparent du pouvoir, sans le peuple et contre l'assemblée légitimement élue. Trotski aide beaucoup : avec lui, le communisme se militarise et ne cessera pas de l'être tout au long du siècle. N'oublions pas la troisième personne de cette trinité pas sainte du tout : Staline, qui attend son heure. Les trois sont distincts mais inséparables, comme le Père, le Fils et le Saint Esprit dans le christianisme. Permettez-moi donc de fêter, en ce mois d'octobre, la vraie révolution russe, qui a eu lieue en février.

2 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Les Français et plus généralement les Européens, ne savaient pas que l'enchantement de leur monde commun, monde commun qui était par ailleurs la condition de cet enchantement avait une racine chrétienne et plus précisément catholique pour ce qui est de l'enchantement, car le calvinisme allait déboucher sur l'aporie capitaliste, c'est-à-dire matérialiste dans laquelle nous nous trouvons.
L'immoralité et non pas seulement l'amoralité impliquée par le matérialisme finissant par détruire toute idée de décence commune c'est-à-dire de morale impliquée par le catholicisme. En se coupant de cette racine qui était aussi la racine de l'Esprit des Lumières, ce que n'ont pas assez senti des philosophes comme Diderot ou Rousseau, le Réel est devenu sordide, glauque et ultra-violent, alors que nos philosophes des Lumières pensaient naïvement qu'il allait déboucher sur un "matérialisme enchanté".
Ils ont sous estimé la part d'ombre de la nature humaine, ils ont péché par excès de confiance et d'optimisme, par un genre d'arrogance hélas propre à la plupart des philosophes. Type anthropologique très particulier qui a toujours refusé de rentrer dans le rang, et qui nous fait payer à tous collectivement les excès de son arrogance.
Espèce très particulière, admirable certes, que celle des philosophes, mais elle-même en voie de disparition sous l'effet de la disparition du monde commun qui était la condition de l'enchantement, alors que le "matérialisme enchanté", ce soi-disant Esprit des Lumières, on l'attend toujours et qu'il ne viendra jamais
Mais nos contemporains ont recouvert ce Réel qu'il ne saurait voir, comme Tartuffe demandant que l'on cache ce sein qu'il ne saurait voir, du voile "pudique" de l'idéologie, fut-elle à leurs dires anti-raciste, afin de le cacher à leurs yeux et qu'ils puissent continuer à vivre dans un confort pseudo moral, alors que tous les signes d'un déclin irréversible civilisationnel, sexuel et moral sont là pour les inquiéter. Hors le masque de l'idéologie n'est jamais beau, ni même décent, il est toujours hideux et menaçant, mais je veux bien admettre qu'il soit la condition de survie psychique de nos contemporains...

Erwan Blesbois a dit…

...Mais eux refusent de se laisser inquiéter par la laideur et la violence qui les submerge et préfèrent continuer à vivre dans le déni, plutôt que de périr dans la Vérité. Car tel est bien le danger que fait courir la Vérité, mener à sa perte par le désespoir que constitue la lucidité. Le destin de la Vérité est bien souvent, tel pour Cassandre ou pour Pasolini, Cassandre moderne, la mort tout simplement.
Le communisme fut créé en réaction à l'injustice impliquée par les effets du capitalisme, mais il déboucha sur un cuisant échec, car il fit sa raison d'être du développement des moyens de production pour le développement des moyens de production sans autre finalité, si ce n'est de rattraper son retard économique sur les pays capitalistes. Plutôt que de se soucier de justice et du bonheur des peuples comme ce fut sa vocation originale.
Comme le communisme se fut rapidement dévoyé et fourvoyé hors de sa vocation d'origine, il se trouva promis à générer une injustice pire que celle qu'il prétendait combattre et qui était celle par essence du capitalisme, qui lui n'a jamais eu la mauvaise foi de s'en cacher et qui est contenue dans ses prémisses adam smithiennes de culte du vice privé et de l'égoïsme intime, fruit selon elles de toutes les vertus publiques, de toute prospérité.
La question qui reste aujourd'hui posée est, de l'égoïsme ou de l'altruisme qu'est-ce qui est le plus conforme à la nature humaine ? 1500 ans de civilisation chrétienne plaide en faveur de l'altruisme. Seulement 250 ans de civilisation libérale, capitaliste et industrielle, pourrait sembler plaider en faveur de l'égoïsme. Là on ne peut pas encore porter de jugement définitif, il y en a qui ne jurent que par l'innovation et le progrès, donc qui voient le verre à moitié plein, et d'autres qui ne voient que les conséquences catastrophiques sur le type anthropologique que constitue l'Homme et sur l'environnement de ce culte de l'égoïsme, donc qui ne voient que le verre à moitié vide.